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26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 15:26

Comètes, astéroïdes

 

La Terre contre-attaque

 

Bombarder une comète. Tel est l’objectif de la mission Deep Impact qui a décollé le 30 décembre 2004 de Cap Canaveral. Et même si cette manœuvre spectaculaire vise essentiellement à obtenir une meilleure connaissance des comètes, elle est le premier acte « agressif » envers les innombrables petits corps qui menacent la Terre. D’ici quelques années, d’autres missions pourraient suivre.

 



Frappe astéroïde

 

Au matin du 30 juin 1908, un corps céleste d’une taille estimée à une cinquantaine de mètres de diamètre pénétrait dans l’atmosphère et se désagrégeait à 10.000 m d’altitude au-dessus de la Sibérie. Quelques minutes après l’explosion, plus de 2000 km² de taïga étaient totalement dévastés. Si cette région désertique de la Toungouska avait été aussi peuplée que l’Europe de l’Ouest, les victimes se seraient comptées par millions. Un siècle plus tard, les traces du cataclysme – des centaines de milliers d’arbres abattus – ont presque disparu. Et la Terre lance sa « contre-attaque ». La sonde Deep Impact a décollé de Cap Canaveral à bord d’une fusée Delta 2, avec un objectif singulier : bombarder la comète Tempel 1, qui croise entre Jupiter et la Terre. Si tout se passe bien, l’engin larguera un projectile de 370 kg, qui percutera la surface glacée de l’astre errant. A plus de 10,2 km/s, ce véritable boulet de canon devrait former un cratère de 25 m de profondeur pour 100 m de diamètre… A moins qu’il ne détache carrément un fragment de la comète.

 

Cet « acte de guerre » spectaculaire contre la comète Tempel 1 n’est pas le résultat d’une rancune tenace envers les petits corps qui ont régulièrement bombardé la Terre depuis 4,5 milliards d’années. Pas question non plus de venger la disparition des dinosaures, attribuée au moins en partie à la chute d’un gros astéroïde en Amérique centrale voici 65 millions d’années. Le but des astronomes est d’en savoir un peu plus sur la structure et la composition interne des comètes. Car jusqu’ici, ils ont dû se contenter d’observer à distance les gaz relâchés par ces corps glacés lors de leur passage au plus près du Soleil. Or, précisément, le rayonnement solaire dissocie la plupart des molécules libérées, de sorte que les scientifiques doivent déduire leur existence à partir d’éléments observés. De plus, le dégazage engendré par la chaleur du Soleil n’affecte que la croûte superficielle ; pas moyen de savoir ce que cache l’intérieur des comètes. Pour cette raison, excaver par une collision du matériau de Tempel 1 intéresse au plus haut point les astronomes. Ils espèrent que, pendant les quelques minutes qui suivront la rencontre explosive, la sonde Deep Impact pourra ausculter avec son spectrographe infrarouge le nuage de matériau volatilisé et réaliser quelques découvertes sur les origines du Système solaire. Pourtant, rien n’est moins sûr. « Compte tenu de la courte période de visibilité dont disposera le vaisseau spatial avant de s’éloigner, nous avons fait une demande de temps d’observation à l’aide des quatre télescopes de 8,2 m du VLT, explique Olivier Marco, astronome à l’ESO. De cette manière, nous devrions pouvoir caractériser la composition du noyau de la comète ». D’autant que l’événement promet d’être spectaculaire. Au moment de l’impact, l’éclat de l’astre chevelu (alors voisin de la magnitude 9) pourrait augmenter de 2 à 5 magnitudes ! Une aubaine pour les astronomes amateurs européens puisque Tempel 1 sera visible dans le ciel. Le VLT lui, devra attendre une douzaine d’heures avant de tenter ses éventuelles observations.

 

 


CometTempel1 Rawlings low                    comete-asteroide-meteorite

 

 

 

Si Deep Impact poursuit une quête purement scientifique, elle n’en constitue pas moins la première mission « agressive » en direction de l’un des innombrables petits corps du Système solaire… Dont ceux qui menacent la Terre. A ce titre, ses effets fourniront des informations aux scientifiques désirant établir la meilleure manière de faire face au danger d’une collision. Tout d’abord, ils connaîtront le diamètre du cratère créé par le projectile de la taille d’un fauteuil. Plus celui-ci sera gros, plus sera signifiera que le corps céleste est composé d’un agglomérat peu compact. « Indirectement, nous allons recueillir des données sur les propriétés d’une comète. Nous pourrons donc estimer les conséquences d’un impact avec la Terre, avance Patrick Michel, spécialiste des astéroïdes géocroiseurs à l’observatoire de la Côte d’Azur. Mais je ne suis pas sûr que l’on avancera beaucoup plus grâce à cette mission ».

 

En effet, l’une des faiblesses de Deep Impact quant à l’observation des conséquences de la collision est son incroyable manque de temps. Même si la cicatrice laissée par le projectile est photographiée par les caméras à haute résolution, aucun instrument ne pourra faire des mesures. « La sonde ne se placera par en orbite autour de la comète Tempel 1. Il sera donc impossible de voir sa différence de vitesse avant et après le choc, explique Giovanni Valsecchi, spécialiste des géocroiseurs à Rome. Or, cette variation n’est pas détectable depuis la Terre ».

 

 

Voilà pourquoi l’Agence spatiale européenne (ESA) a lancé en 2002 une étude préliminaire sur six projets de missions automatiques spécialement conçues pour évaluer la menace des petits corps (astéroïdes ou comètes) susceptibles de venir frapper la Terre. Le 9 juillet 2004, le comité scientifique Neomap a rendu son verdict en donnant la priorité au projet Don Quichotte. Tout comme Deep Impact, il a pour but de provoquer une collision, non plus avec un noyau cométaire, mais avec un astéroïde de 500 m de diamètre. Et cette fois, il observera précisément la cible longtemps avant et après le choc. Le projet initial prévoit ainsi deux lancements. Une sonde, baptisée Sancho, ira se placer en orbite autour de l’astéroïde. Pendant six mois environ, elle étudiera ses mouvements et déterminera sa masse, sa structure interne et sa forme exacte. Ensuite, une deuxième sonde de 380 kg, Hidalgo, viendra percuter l’astéroïde à une vitesse de plus de 13 km/s. L’impact sera observé par Sancho, qui poursuivra ses investigations pendant au moins quatre mois, afin de mesurer notamment les variations du mouvement de l’astéroïde. Si la collision produit une déviation de l’orbite de 1400 m et un changement de période de rotation de 0,5° par jour, Sancho sera capable de le détecter. « Nous avons choisi de recommander Don Quichotte parce que, parmi les missions d’analyse in situ des risques liés aux collisions, c’est celle qui va le plus au cœur du problème, commente Giovanni Valsecchi, membre du comité Neomap.

 



Apophis                 Asteroide300

 

 

 

Elle devrait permettre de répondre à une question essentielle : peut-on dévier un astéroïde de 200 m à 1 km de diamètre si l’on découvre qu’il va percuter la Terre ? » Car malgré les divers scénarios envisagés, aucun scientifique ne sait comment écarter une éventuelle menace. « Si un objet est un jour en route vers notre planète, il faudra que nous ayons clairement établi la bonne méthode », martèle Patrick Michel, également du comité Neomap. « L’idée de faire exploser un bolide menaçant avec une bombe nucléaire paraît dangereuse : l’objet se divisera en fragments qui toucheront la Terre en plusieurs endroits, pour un résultat encore plus dévastateur, précise Marcello Fulchignoni, spécialiste des astéroïdes à l’observatoire de Paris-Meudon. Mais si l’on veut dévier l’astéroïde par exemple en y ajoutant un moteur ionique, il faut connaître son centre de masse ». Giovanni Valsecchi ajoute : « Un bolide réagira différemment s’il est constitué de roches compactes ou si, au contraire, il est poreux comme Mathilde, qui a été visité par la sonde Near. Ces informations sont nécessaires si l’on veut contrôler la déviation ». D’où l’importance d’essuyer les plâtres avec une mission telle que Don Quichotte. Reste que, pour l’instant, celle-ci, dont l’enveloppe est évaluée à 150 millions d’euros, n’a pas le moindre début de financement. « Il est clair que Don Quichotte ne sera pas proposée à la conférence interministérielle de l’ESA prévue en 2005, prévoit Franco Ongaro, chef du bureau des concepts et études avancées de l’ESA. Dans l’année qui vient, une étude interne sera lancée pour voir quelles modifications peuvent être apportées au projet initial. Par ailleurs, la mission a déjà été présentée à de possibles partenaires. Japonais et Chinois se sont montrés intéressés. Côté américain, la Nasa n’a pas vraiment pris d’engagement ». En supposant que l’ESA parvienne à s’adjoindre le renfort d’autres agences spatiales, Sancho et Hidalgo pourraient décoller en 2008. Quatre ans plus tard, les deux engins atteindraient leur cible, si bien qu’en 2013, les astronomes seraient enfin fixés sur les moyens à mettre en œuvre pour écarter la menace d’un astéroïde géocroiseur.

 


tempel                    Astéroide-explosé

 

 

 

A priori, rien ne presse car les collisions avec des bolides similaires à celui qui a frappé la Toungouska ne surviennent statistiquement qu’une fois tous les 1000 à 10.000 ans. Pourtant, les télescopes automatiques tels que Linear ou Neat découvrent sans cesse de nouveaux rochers célestes potentiellement dangereux. D’ici dix ans, l’ensemble des instruments d’observation qui seront en activité au sol (dont le Discovery Channel Telescope, de 4 m de diamètre, à partir de 2006) auront découvert 80 à 90 % des géocroiseurs de moins de 300 m de diamètre. Les astronomes pourront étudier leur orbite et prédire leur trajectoire plusieurs années à l’avance. Il serait alors dommage de ne pas savoir comment éviter une éventuelle catastrophe annoncée.

 

Première cible : la comète Tempel 1

 

 

 hayabusa asteroide-388x275                  DonQuijote-asteroide-impact

 

 

Découverte en 1867 par Ernst Tempel, la comète visée par Deep Impact appartient à la famille de Jupiter, composée de comètes à courte période. Elle tourne autour du Soleil en cinq ans et demi. Vraisemblablement formé voici plus de 4,5 milliards d’années au niveau de la ceinture de Kuiper (au-delà de Neptune), elle aurait été injectée dans le Système solaire interne il y a moins de 10.000 ans. Son noyau, dont le diamètre est estimé à 6 km, est animé d’une rotation assez lente (entre 42 et 22 heures). Tempel 1 croisera à 133 millions de kilomètres de la Terre lorsque le projectile de Deep Impact la percutera. La rencontre sera observable depuis l’Europe dans la constellation de la Vierge, non loin de Spica.

 

Pour quelques fragments d’astéroïdes

 

 astres-M6

 

 

 

" Connaître l’ennemi pour mieux s’en protéger ». Selon Marcello Fulchignoni, de l’observatoire de Paris-Meudon, telle est la devise actuelle des astronomes étudiant les corps qui approchent la Terre. Pour la mettre en application, le Centre national d’études spatiales (Cnes) commencera en avril 2005 des études préliminaires pour une mission vers un géocroiseur avec retour d’échantillons. « C’est typiquement le genre de missions pour lesquelles nous recherchons une collaboration avec d’autres agences », précise Denis Moura, du Cnes. Si le projet franchit toutes les étapes de sélection, il pourrait voir le jour vers 2010.  


 

 


 

 



 

 

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