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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 11:16
L’œuf cosmique

 

Dans la tradition védique, (textes poétiques sacrés de l’Inde antique), le serpent symbolisait le chaos. Il entourait le monde primitif de ses anneaux monstrueux, comme le serpent Midgard de la cosmogonie germanique dont le nom en islandais désignait le « milieu du monde ». Dans la mythologie hindoue, Vishnu, le Dieu créateur, se reposait à la fin de chaque monde sur un serpent flottant sur l’océan, Ananta ou Vasuki, dont les anneaux enserraient la base de la colonne de l’axe du monde ou « œuf cosmique ».

 


 

oeuf

 

  

 

Le serpent fut fréquemment associé à l’œuf originel. Il le fécondait ou le protégeait et incarnait l’élément révélateur de l’œuf en germination. Le serpent symbolise la force créatrice de l’univers lovée sur elle-même, enlaçant son œuf, menaçant la vie de sa morsure empoisonnée pour la conduire à la mort, se « ré-enfantant » lui-même. Tous les êtres vivants commencent leur existence dans un œuf ou dans un élément de forme sphérique : le végétal dans une graine ; le poisson, le reptile, l’insecte, le volatile dans un œuf ; l’homme et les mammifères dans une cellule ovoïde résultant de la fusion des deux cellules originelles père / mère. La sphère et l’œuf, de par leur forme pleine, ronde, féminine, symbolisent la pureté, la plénitude, l’utérus, la gestation, le point originel d’où tout est émané. Dans l’univers de l’infiniment petit (atomique) et de l’infiniment grand (l’espace), tout est courbe, cercles, spirales et sphères : planètes, étoiles, galaxies, mouvement de rotation, ellipses, cycles. A travers une esthétique parfaite, l’Unité de Dieu se dévoile dans toute la splendeur de sa maternité : harmonie des courbes, sérénité de l’état d’être, équilibre des tensions. La fonction de l’œuf est cyclique et peut être liée au mouvement alternant et sinusoïdale du serpent.

 

La naissance du monde à partir d’un œuf est une idée commune aux Celtes, aux Grecs, aux Egyptiens, aux Phéniciens, aux Cananéens, aux Tibétains, aux Hindous, aux Vietnamiens, aux Chaldéens, aux Chinois, aux Japonais, aux populations sibériennes et indonésiennes. Ce mythe se retrouve également chez les Dogons, les Bambaras du Mali, au Congo, chez les Incas, en Finlande et en Suède. Dans la structure de toutes les cosmogonies, l’œuf succède aux chaos, comme un premier principe d’organisation. Il symbolise le germe contenant l’univers en puissance et les prémices des premières différenciations.

 

Un livre sacré de l’Inde, le « Minokhired Péhivi » évoque l’œuf céleste en ces termes : « Le Ciel et la Terre sont faits à la façon d’un œuf d’oiseau. Le ciel, au-dessus et au-dessous de la terre a été fait par Ahura Mazda à la façon d’un œuf. La terre dans le ciel est comme le jaune de l’œuf ». L’œuf est couvé à la surface des eaux primordiales par l’oie Hamsa dit-on en Inde, l’animal représentant l’Esprit, le Souffle divin. Ensuite, il se sépare en deux moitiés pour donner naissance au Ciel et à la Terre. De même, le Brahmânda hindou se sépare en deux demi-sphères d’or et d’argent. L’énergie divine infinie et créatrice plonge une graine dans l’eau afin qu’elle produise la création. Cette graine se transforme en un immense œuf d’or.

 

Après avoir mûri à la surface des eaux pendant mille ans, l’œuf se sépare en deux moitiés, révélant le Dieu Brahma qui crée les sept étages du monde supérieur avec une moitié et les sept étages du monde inférieur avec la seconde. Des héros chinois sont nés d’œufs fécondés par le soleil ou de l’ingestion d’œufs d’oiseaux par leur mère : « Au temps où le ciel et la Terre étaient un chaos ressemblant à un œuf, P’an-kou naquit dans celui-ci et y vécut pendant dix huit mille années. Progressivement, il sépara les éléments du monde : la terre du ciel, mais également la lumière de l’obscurité, l’humide du sec, le yin du yang… qui étaient tous intimement liés à l’intérieur de l’œuf ».

 

 

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L’œuf primordial du Shintô se sépare en une moitié légère (le Ciel) et une moitié plus dense (la Terre). Le Ciel est léger comme le blanc qui l’entoure, la Terre est épaisse comme le jaune de l’œuf coagulé. Dans les traditions chinoises, le chaos a la forme d’un œuf. Au bout de dix-huit mille ans, l’œuf s’ouvre. Les éléments lourds forment la Terre (Yin), les éléments plus légers donnent naissance au ciel (Yang). Une autre théorie chinoise conçoit le monde comme un œuf immense dressé à la verticale. Le ciel et les astres constituent la partie supérieure de la coquille, la Terre est le jaune flottant au milieu de l’océan primordial qui remplit le fond de l’œuf. Dans les mythes orphiques, au commencement était Chronos, le temps. Il engendra le Chaos (l’Infini) et l’Ether (le Fini), enveloppés par la Nuit primordiale, surnommée « la déesse aux ailes noires ». La Nuit fut courtisée par le vent du Nord, c’est-à-dire par le serpent. De cette rencontre naquit l’œuf d’argent, autrement dit la Lune, symbole de Vie, d’Unité et de Perfection. Du sein de cet œuf gigantesque sortit Phanès, la Lumière qui, de par son union avec la Nuit, donna naissance au Ciel, à la Terre et à Zeus. Les anciens Grecs comme les Egyptiens imaginaient que toutes les forces de la nature avaient été concentrées dans un germe primitif apparu sous la forme d’un œuf.

 

Une légende polynésienne révèle qu’au commencement était Taaroa, l’Unique. Il était son propre créateur et demeurait solitaire dans sa coquille. Cette coquille était semblable à un œuf tournant dans l’espace infini, sans ciel, sans terre, sans lune, sans soleil, sans étoiles. Rongé par l’ennui, le Dieu brisa sa coquille. Avec celle-ci, il établit la grande fondation du monde. Son univers était organisé en plates-formes empilées les unes sur les autres. Un trou percé dans chacune d’elles permettait de progresser dans le savoir. Chez les aborigènes d’Australie, le Dieu serpent des mers primitivement enfermé dans un œuf brisa sa coquille. Les éclats formèrent les îles alors que les mouvements de reptation de son corps créèrent les plis de l’écorce terrestre, les courbes des rivières, les éclairs et les arcs-en-ciel. Chez les Incas, un mythe cosmologique recueilli au Pérou par les premiers chroniqueurs espagnols révèle que le héros créateur demanda à son père, le Soleil, de créer des hommes pour peupler la terre. Celui-ci envoya trois œufs. Du premier, un œuf d’or, sortirent les nobles, du second en argent, naquirent leurs femmes, et du troisième en cuivre, fut issu le peuple Inca.

 



oeufcreation                      Oeuf Cosmique Ying-Yang
 

 

Dans les mythes celtes, le serpent à tête de bélier s’enroulait autour de l’œuf primordial pondu par la grande Déesse et le fertilisa. Pour les Bambaras du Mali, l’œuf est l’esprit premier créé au centre de la vibration sonore. Peu à peu, il se sépara d’elle, gonfla et éclata, libérant les vingt-deux éléments fondamentaux. Au Congo, l’œuf représentait le monde et la perfection. Le jaune figurait le côté féminin et le blanc, le sperme masculin. Certaines tribus pensaient que l’homme devait s’efforcer de « ressembler à un œuf ». En Finlande, une légende raconte qu’avant la naissance des temps, une Vierge sortit son genou des eaux primordiales. Un canard vint y déposer sept œufs dont six en or et un en fer. Ensuite, elle plongea et les œufs se brisèrent dans l’océan. Les divers morceaux se transformèrent en ciel, soleil, lune…

 

L’œuf apparaît comme l’un des symboles de la rénovation périodique de la nature évoquée par la tradition des œufs de pâques et des œufs colorés, dans de nombreux pays. Il illustre le mythe de la création périodique. Parallèlement au principe de la création, il symbolise la renaissance, la régénération et la répétition. Une coutume provençale consiste à offrir à un nouveau-né un œuf pour qu’il soit « bon comme le pain, sain comme le sel, plein (de bénédictions, de vie, de grâces) comme un œuf ». L’œuf devint le symbole du mystère pascal dans lequel s’opère une gestation, une transmutation, les préparatifs de la résurrection. Des œufs d’argile découverts dans des sépultures de Russie et de Suède ont été interprétés comme des emblèmes d’immortalité et des symboles de résurrection.

 



serpent cosmique oeuf                              eggtaaroa

 

 

L’œuf tient une place importante dans la tradition alchimiste. On appelait « Œuf des Philosophes », le vase dans lequel ils enfermaient leur matière pour la cuire. L’œuf symbolise la matière même du magistère contenant le mercure, le soufre et le sel, soit le blanc, le jaune et la coque renfermant le tout. L’œuf philosophique représentait à la fois la création de l’univers et la transmutation des métaux. L’alchimiste le considérait comme l’emblème de l’œuvre sacrée accomplie où les contraires avaient fusionné et au sein duquel l’être renouait avec son état androgyne primitif ouvrant à l’immortalité. Au même titre que le serpent Ouroboros, l’œuf primordial peut être assimilé à la grande roue des incarnations du Bouddhisme ou Samsara à laquelle chaque individu est soumis jusqu’à la libération finale ou nirvana. L’œuf représente la maison, le nid douillet, le sein maternel sécurisant, lié aux valeurs de protection et de repos. Mais pour faire l’expérience de la vie, l’être doit quitter sa douce sécurité comme le poussin brise sa coquille…

 

 

Le Dualisme divin

 

Dans toutes les légendes, la création est synonyme de différenciation, de séparation, d’explosion d’une Unité originelle décrite comme une forme ovoïde. Selon Einstein, créateur de la formule E=MC² : l’énergie est égale à la masse multipliée par la vitesse (célérité) de la lumière au carré. L’univers est en mutation permanente. Sa masse disparaît en certains endroits pour réapparaître à d’autres, en un cycle de flux et de reflux, d’activité et de repos, de création et de destruction. Des mondes cessent d’exister pour se transformer en énergie, puis ils renaissent sous d’autres formes.

 

 

 

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Ces alternances sont liées à des charges électriques qui se retrouvent partout dans la nature, l’homme, l’atome. L’univers entier est électrique et cette force unit toutes les énergies cosmiques, tant dans notre monde tridimensionnel que dans les univers à dimensions supérieures et inférieures. Il y a toujours alternance de cycles positif et négatif, et le serpent en constitue l’un des principaux symboles, c’est pourquoi il est présent dans la plupart des cosmogonies. Edwin Hubble découvrit dans le fameux observatoire du mont Wilson que toutes les galaxies s’éloignaient les unes des autres à des vitesses fantastiques.

 

Les savants en conclurent que si l’univers était en expansion croissante, c’est qu’au départ, il y avait eu une explosion à partir d’un centre primordial, d’un noyau primitif d’une densité inimaginable. Il semble que cette explosion que les savants imaginent comme un événement chaotique relevant du pur « hasard » fut plutôt une programmation extrêmement intelligente… L’acte de Création provient d’un dédoublement « polaire » de Dieu. Il naît de la rencontre de deux forces, de deux sens, de deux divergences, de deux éléments, à la fois opposés et complémentaires, le positif n’existant que par son négatif et vice versa.

 

C’est le principe philosophique du dualisme considérant l’univers comme un tout formé de deux pôles antagonistes. L’univers est produit grâce à une rupture, une dichotomie de l’Unité primordiale, séparation entre la Lumière ou Yang (polarité masculine, positive, active) et les Ténèbres ou Yin (polarité féminine, négative, passive), entre le Ciel et la Terre, l’Essence et la Substance. Les Evangiles décrivent cet événement en ces termes : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre », Genèse 1.1. « Elohim dit qu’il y ait de la lumière et il y eut de la lumière… Elohim sépara la lumière des ténèbres. Elohim appela la lumière « jour » et il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour », Genèse 1.1-5.

 

 


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La scission des principes divins était utile à l’expansion, à la création de la vie et au mouvement. Lucifer, le « porteur de Lumière » est une émanation de la nature divine. Il est l’élément qui divise, distancie, sépare. Si Dieu décidait de reformer son Unité, il est probable que l’univers retournerait au néant primordial, au chaos universel. Après l’éclatement de l’œuf unitaire originel, la Création se vit désormais dans la dualité. L’idée est à une matrice primitive androgyne qui se dédouble en un principe mâle et un principe femelle. Héraclite (philosophe grec, 540-480 avant J.-C.) a écrit : « Dieu est jour-nuit, hiver-été guerre-paix, satiété-faim, cela veut dire tous les opposés ».

 

Pour Mircea Eliade (historien des religions et philosophe, 1907-1986), la réunion des contraires en Dieu constituait un bien grand mystère et l’homme se sentait « séparé d’un état indéfinissable, atemporel, dont il n’avait aucun souvenir précis, mais dont il se souvenait pourtant au plus profond de son être : un état primordial dont il jouissait avant le Temps, avant l’Histoire, et de cet état naquit la nostalgie d’un Paradis perdu, la nostalgie d’un état paradoxal dans lequel les contraires coexistaient sans pour autant s’affronter ».

 

S. Erigène (philosophe et théologien du IXème siècle) pensait que la séparation des sexes faisait partie d’un processus cosmique, la division des substances ayant commencé en Dieu et s’étant ensuite répercutée progressivement jusque dans la nature de l’homme qui fut séparé en mâle et femelle. L’ambivalence divine est un thème attesté dans toutes les religions, tous les mythes et toutes les croyances. Celui que nous appelons « Dieu » n’est pas une entité à polarité unique mais une Unité intégrant du dualisme en puissance. Les trois principales religions monothéistes, à savoir le Christianisme, l’Islam et le Judaïsme, lui ont donné à tort une dimension essentiellement masculine. Ils ont oublié combien l’élément féminin fut vénéré dans toutes les cultures dites « païennes ». Jésus, dans « L’Evangile de Thomas » (texte apocryphe) révéla toute l’importance du pôle féminin (que l’Eglise catholique éradiqua complètement) : « … Si vous faites le mâle et la femelle en un seul, afin que le mâle ne soit plus mâle et la femelle ne soit plus femelle… alors vous entrerez dans le Royaume. Lorsque vous ferez que les deux soient un, vous deviendrez fils de l’homme et si vous dites, montagne, déplace-toi, elle se déplacera ! ». Simon Pierre l’apostropha à propos de Marie : « Qu’elle sorte de femme est parmi nous, car les femmes ne sont pas dignes de la vie ! ». Jésus lui répondit au Verset 117 : « Moi, je l’attirerai pour que je la rende mâle afin qu’elle aussi devienne un esprit vivant pareil à vous (ses apôtres), les mâles ! Car toute femme qui sera faite mâle entrera dans le Royaume des Cieux ». Un autre texte apocryphe, « l’Evangile de Philippe », confirme les paroles de Jésus en ces termes : « Le Christ est venu pour rétablir ce qui a été ainsi séparé au commencement et pour unir à nouveau les deux », une allusion probable au dualisme divin.




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A l’image d’un aimant, le Créateur véhicule deux énergies, l’une positive, l’autre négative. Cette bipolarité originelle est présente dans toute sa création et à tous les niveaux, tant est nous qu’à l’extérieur de nous : homme / femme – positif / négatif – chaud / froid – Nord / Sud – feu / eau – jour / nuit – vie /mort – matière / antimatière – essence / substance – bien / mal… l’homme a assimilé toute l’intelligence de ce principe et l’a adapté dans le langage binaire informatique comportant deux éléments (0 et 1) et traduisant le passage ou non du courant électrique. On évoque souvent l’affrontement, la confrontation, le conflit opposant ces deux vibrations mais il convient plutôt de les saisir comme les deux pôles d’une seule et même énergie. Même si leurs ondes paraissent antagonistes, elles se révèlent interdépendantes et finalement semblables dans les apparentes contradictions. Les deux principes contraires du cosmos ne sont jamais très éloignés l’un de l’autre. Il y a alternances, renouvellements, périodes et cycles. Dans « L’Evangile apocryphe de Philippe », Jésus le confirme en ces termes : « La lumière et les ténèbres, la vie et la mort, la droite et la gauche sont sœurs les unes des autres ; elles sont inséparables ».

 

Dans la tradition gnostique, le « Dieu absolu » recèle deux « générateurs » : le principe mâle et le principe femelle. Le mâle est le principe illuminateur d’en Haut, le principe femelle, l’illuminateur d’en Bas. Ensemble, ils constituent la racine, la source de l’Etre suprême. L’androgynat divin est le symbole parfait de la puissance non séparée d’elle-même, de la coalescence des contraires conciliés au sein d’une entité qui les englobe tout en les transcendant. L’androgynie a toujours été le fait de puissances exceptionnelles ayant régi le fonctionnement du titanesque processus de création de l’univers. Elle est un schéma archétypal universellement répandu dans toutes les croyances humaines. Notre inconscient collectif l’a assimilé à un état primordial originel.

 

La mythologie grecque propose un grand nombre de divinités bisexuelles. L’étrange figure d’Hermaphrodite en constitue l’exemple le plus connu. Zeus est un dieu barbu doté de six mamelles, Dionysos est un homme / femme. Chez les latins, l’indécision sexuelle des Dieux est chose fréquente. Certaines divinités se présentent comme des paires composées par l’esprit pour épouser les aspects d’une puissance unique. Ils sont issus de la scission d’une entité primitive de nature duelle. Dans tous les grands systèmes religieux, l’androgynie a représenté l’Unité parfaite préexistant à l’apparition du monde. La tradition chrétienne, reste très floue à ce sujet mais il est probable que l’Adam, terme générique, désignait un être virtuellement bisexuel. Le « Zohar » voit dans la divinité le modèle du couple de l’union du féminin et du masculin. L’un et l’autre ne peuvent se séparer sous peine de la destruction du monde. C’est de leur entente que le monde survit. Les traditions hindoues de « l’Upanishad » révèlent qu’Atman ou « l’Etre » fut solitaire jusqu’à ce qu’il se divise en deux parties d’où sortirent l’homme et la femme. Dans l’histoire des religions, l’androgyne et le couple primordial ou dominant apparaissent comme des figures réversibles, interchangeables.

 

L’iconographie tantrique fourmille d’images montrant le Dieu Shiva, enlaçant étroitement sa propre puissance, Shakti, figurée par une divinité féminine. Shiva est parfois représenté moitié noir, moitié blanc, moitié mâle, moitié femelle. Sa partie blanche pose parfois le pied sur un taureau, symbole de fécondité et de vie tandis que sa partie sombre repose sur un démon ou un lion représentant la mort. Lorsque les deux courants inverses de la force cosmique sont non seulement distingués mais aussi séparés, ils sont représentés sous la forme de deux serpents différents enroulés dans des sens opposés autour d’un axe commun comme dans le symbole du caducée.

 

 


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Les serpents enlacés représentent les aspects tour à tour maléfiques et bénéfiques, positifs et négatifs de l’énergie créatrice universelle. Leurs anneaux représentent l’ensemble des cycles de la manifestation universelle. Chaque cycle reflète un état de manifestation ou l’une de ses modalités. La fin d’un cycle coïncide avec la naissance du suivant. Les changements d’état s’étalent le long d’un axe vertical traversant chaque anneau ou cycle en son centre, axe où tous les aspects se trouvent en équilibre et en harmonie. Cet axe, appelé « Axe du Monde », symbolise la direction de la manifestation de l’Unité Primordiale. Le macrocosme (plan cosmique) et le microcosme (plan terrestre) se reflètent l’un l’autre et tout ce qui se trouve dans l’univers se retrouve dans l’être humain selon un principe d’analogie.

 

Il convient donc de scinder l’œuf du monde en deux moitiés représentant les courants contraires présentes dans l’unité divine primordiale. Ces deux forces sont symbolisées par un serpent enveloppant l’œuf, appelé amphisbène, du grec « amphis », « des deux côtés », et « bainô », « je marche », pourvu d’une tête à chacune des extrémités, elles-mêmes enroulées dans des sens opposés. Les têtes correspondent aux pôles céleste (Yang) et terrestre de la force cosmique (Yin). Rares sont ceux qui n’ont jamais entendu parler de ces deux principes du Dao (ou Voie) gouvernant l’univers, assurant sa cohérence et son Unité. Ce ne sont pas deux états qui s’opposent et se combattent mais deux phases alternantes d’un même mouvement. Le « Yin » est le devenir du « Yang » et le « Yang » est le devenir du « Yin ». Ensemble, ils forment un couple antithétique uni dans la plus parfaite communion. Beaucoup ont vu dans ces symboles une représentation du bien et du mal mais la pensée chinoise se trouve aux antipodes de ce dualisme primaire. Ce qui est bien aujourd’hui peut devenir mal demain et vice-versa.

 


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Toute chosé éclairée donne naissance à son ombre correspondante. Il ne sert à rien de vouloir combattre l’ombre car elle est indispensable à l’équilibre du monde manifesté. Elle en est même l’origine. Le « Yin » représente le principe féminin avec tout ce qu’il comporte d’intériorisation, d’intuition, de réceptivité, d’abandon au mouvement. C’est l’Eau et aussi la Terre mère nourricière, les notes graves en musique, la lune, la nuit, l’humidité, l’hiver, le repos, le froid, la décrépitude et la mort nécessaire à toute renaissance. Le « Yang » symbolise l’action, l’extériorisation, l’expansion, le Ciel créateur, le Feu, la plénitude, la vie, les notes aiguës, l’élément masculin, la sécheresse, la virilité.

 

L’emblème du « Yin » et du « Yang » est un cercle parfait (symbolisant le Un primordial) comprenant une partie blanche (l’homme) et une partie noire (la femme). Pour exprimer la dépendance réciproque des deux moitiés, on trouve un petit cercle obscur (la femme) dans la partie blanche (l’homme) dans la partie noire (la femme). En chaque pôle, se positionne le point de la force contraire, représentant le germe de la transformation. Il rappelle que tout n’est jamais complètement noir ou complètement blanc, que les forces « Yin » et « Yang » ne peuvent exister l’une sans l’autre.

 

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