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15 mars 2010 1 15 /03 /mars /2010 16:05

Pourquoi Dieu ne disparaîtra jamais

 

D’étonnants travaux en neurobiologie l’affirment aujourd’hui : l’homme est programmé pour croire en Dieu, via la structure même de son cerveau et, surtout, une petite molécule dont le rôle crucial vient d’être identifié. Et ce n’est pas tout. Car la foi apparaît vitale contre l’anxiété, au point que les croyants vivent mieux et plus longtemps que les autres ! Dans ces conditions, le sentiment religieux n’est pas prêt de s’éteindre…  

 

 

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I – Notre cerveau est programmé pour croire

 

De récents travaux en neurobiologie le montrent : structure, chimie, cognition… tout dans notre cerveau nous pousse à croire. Mieux : une « molécule de la foi » aurait été identifiée !

 

Croire en Dieu ? En général, c’est le mot « Dieu » qui retient l’attention, focalise les débats. Comme si le fait de « croire » était une disposition parfaitement admise, pour ne pas dire naturelle chez l’homme. Et justement, c’est le cas ! Depuis quelques années, en effet, des travaux menés aussi bien par des neurobiologistes que par des spécialistes de la cognition montrent que notre étonnante aptitude à croire en quelque chose de supérieur trouve sa source, non au ciel, mais dans notre cerveau. Car à la lumière des derniers outils d’imagerie cérébrale, notre encéphale apparaît rien moins qu’idéalement structuré pour que nous adhérions à l’idée du divin. A tel point que l’on peut parler d’une véritable prédisposition chez l’homme au sentiment religieux. Mieux, les processus cérébraux qui sous-tendent cette mystérieuse faculté commencent à livrer leurs secrets. Avec une surprise de taille : la découverte du rôle crucial d’une petite molécule chez ceux qui ont la foi !

 

La neurothéologie à l’œuvre

 

Cette découverte, on la doit à une poignée de neurobiologistes qui, depuis cinq ans environ, ont entrepris de lever le voile sur cette Unio mystica que sainte Thérèse d’Avila, au XVIe siècle, fut probablement la première à décrire dans le détail : « C’est une sorte d’évanouissement qui enlève peu à peu la respiration et toutes les forces du corps. En vain voudrait-on parler, on ne pourrait former une parole, et si on y arrivait, on n’aurait même pas la force de la prononcer. Car toute la force extérieure vient à cesser, mais la force intérieure grandit. C’est l’état de deux choses qui étaient divisées, et qui n’en font plus qu’une ». Mais cette extatique sensation de fusion avec Dieu n’est pas l’apanage des chrétiens : les moines bouddhistes connaissent les mêmes transports lorsqu’ils méditent, de même les soufis, ces mystiques musulmans, lorsqu’ils entrent en communion avec le divin lors de séances de transes. Extrêmes, ces phénomènes de « fusion mystique » n’en sont donc pas moins universels et, de là, ont commencé d’être étudiés comme n’importe quelle autre manifestation humaine. Une quête qui s’inscrit dans des recherches plus générales sur les sentiments religieux et qui a ouvert la voie, il y a une dizaine d’années, à une nouvelle discipline, appelée « neurothéologie », dont « l’objectif est d’identifier les mécanismes cognitifs qui régissent la croyance en Dieu », précise le neurobiologiste Andrew Newberg, directeur de la Clinique de médecine nucléaire de l’université de Pennsylvanie (Etats-Unis), et pionnier de ce nouveau champ scientifique. Bien sûr, la définition de Dieu que nous utilisons n’est pas celle des théologiens, qui réfléchissent de façon précise sur la nature et les attributs de Dieu. Pour nous, il est simplement défini comme une entité supérieure, souvent invisible, et à l’origine du monde ». 

 

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Des résultats spectaculaires

 

Ces recherches des neurothéologiens, voilà justement qu’elles livrent aujourd’hui leurs premiers résultats. Certes, ils demandent encore à être approfondis, mais ce qu’ils révèlent est d’ores et déjà spectaculaire : au cœur de la propension à la foi, il y aurait… la sérotonine, une substance qui, dans le cerveau, transmet l’information d’un neurone à l’autre (on parle de neurotransmetteur) et dont on sait déjà qu’elle est impliquée dans les sensations de faim, de soif et de sommeil. Une véritable découverte, qui a tenu à une intuition surgie au début des années 2000. A cette date, en effet, les neurothéologiens prennent connaissance de travaux n’ayant en apparence rien à voir : ceux, menés par des biologistes dans les années 90, sur les effets sur le cerveau des drogues dites « psychédéliques » (LSD, etc.). Or, ces recherches indiquent que la sérotonine est susceptible d’engendrer des états similaires à ceux produits par ces drogues, telles que modifications de la perception sensorielle, hallucinations, sensation de fusion avec le monde… soit ni plus ni moins les sensations que les mystiques disent éprouver au cours de leurs états extatiques. « Il se trouve que le cerveau réagit aux molécules du LSD et de la psylocine (molécule présente dans un champignon hallucinogène) comme s’il s’agissait de la sérotonine, car leurs structures moléculaires sont très proches de cette dernière, explique le biologiste Olivier Cases (Unité Inserm de la Pitié-Salpêtrière de Paris). Du fait de cette ressemblance, cela permet à ces drogues d’induire artificiellement une libération massive de glutamate, un neurotransmetteur qui assure la transmission des informations sensorielles, cela en se faisant donc passer pour de la sérotonine ». Ce qui, au final, provoque des altérations de perceptions… De là à supposer que les expériences mystiques « naturelles », c’est-à-dire sans l’influence de drogues, pouvaient être sous-tendues par la sérotonine, il n’y avait qu’un pas.

 

Encore fallait-il le montrer ! Et depuis 2003, une étape cruciale  a justement été franchie dans ce sens. Sous la houlette de la neurobiologie Jacqueline Borg et de son équipe (université Karolinska de Stockholm, Suède), une expérience impliquant 15 volontaires a établi que la propension à voir le monde comme habité par le divin – une tendance baptisée « religiosité » par les chercheurs – dépend effectivement du taux de sérotonine.

 

La sérotonine démasquée

 

Plus précisément, en scrutant le cerveau de leurs volontaires via la technique de tomographie à émission de positons (TEP), l’équipe suédoise a mise en évidence le rôle de certains récepteurs chimiques, appelés 5HTIA. Situés sur une catégorie de neurones dits « sérotoninergiques », ces récepteurs ont l’art d’abaisser la quantité de sérotonine libérée dans le cerveau. Or, il est apparu que plus la quantité de ces récepteurs 5HTIA était faible, et donc plus le taux de sérotonine était élevé, plus la religiosité était avérée. C’est-à-dire que dans ce cas, « les sujets étaient enclins à appréhender les difficultés de la vie en développant l’idée qu’une présence divine existe dans le monde. Ils disaient également souvent avoir vécu des expériences mystiques. Ou bien encore, ils croyaient aux miracles ou à l’existence d’un sixième sens ». Ainsi donc, un taux élevé de sérotonine dans le cerveau accroîtrait le degré de religiosité !

 

Question : comment ces chercheurs ont-ils fait pour évaluer cette fameuse religiosité ? Simple : ils ont emprunté un outil fréquemment utilisé par les psychiatres pour déterminer les grandes tendances de la personnalité de leurs patients. A savoir le Temperament and Character Inventory (TCI), un inventaire composé de 238 questions qui permet d’évaluer l’importance chez l’individu de 25 aspects fondamentaux de la personnalité humaine, telles que l’impulsivité, la dépendance vis-à-vis des autres, la crainte de l’inconnu, etc. Or, « dans ce questionnaire, il y a une série de questions destinées à évaluer le degré de religiosité des sujets, du style vous êtes-vous déjà senti en contact avec une présence spirituelle divine ? ou des expériences religieuses vous ont-elles aidé à comprendre le sens de votre vie », rapporte Jacqueline Borg. Et la dimension troublante du résultat obtenu par les chercheurs suédois apparaît dès lors pleinement lorsqu’on apprend que, parmi les 25 aspects de la personnalité des volontaires évalués par le TCI, la religiosité se révéla être… le seul et unique paramètre corrélé avec la densité des récepteurs 5HTIA !

 

La conséquence de cette découverte peut sembler sacrilège. Car pour Jacqueline Borg, une conclusion s’impose désormais : « Le système de production de la sérotonine pourrait bien être vu comme l’une des bases biologiques de la croyance religieuse, même si le résultat de l’étude doit encore être précisé avec des travaux menés sur un panel de volontaires plus large ».

 

La « molécule de la foi »

 

Est-ce à dire qu’aurait été découverte la « molécule de la foi » ? « Certainement pas, répond en souriant la biologiste Catherine Belzung, de l’université de Tours. Si la croyance en Dieu peut certes être favorisée par l’action d’une molécule comme la sérotonine, elle ne peut en aucun cas se résumer à l’action exclusive de cette dernière ». Et du reste, Jacqueline Borg ne le nie pas : « Une étude allemande menée en 2002 suggère que d’autres neurotransmetteurs pourraient être impliqués dans la religiosité : les opioïdes, qui sont connus pour jouer un rôle important dans la sensation de douleur. Car comme pour le LSD et la sérotonine, il s’avère que les drogues opiacées, telles la morphine ou l’opium, qui miment l’action des opioïdes naturellement sécrétés par le cerveau, modifient les perceptions sensorielles ». Il n’empêche, si nous croyons, c’est bien parce que notre cerveau nous y programme chimiquement. Mais pas seulement… 
 

 

Cerveau en coupe 

 

 

De fait, l’étrange phénomène de la croyance ne se joue pas seulement au niveau moléculaire.. Plutôt que de scruter la chimie du cerveau, d’autres neurothéologiens ont en effet travaillé sur sa structure. Et là encore, ils ont obtenu de troublants résultats en identifiant certaines aires cérébrales indubitablement impliquées dans la sensation d’une présence divine. Des travaux qui ne peuvent pas encore être reliés à ceux menés sur le rôle des neurotransmetteurs, mais qui apportent une pièce de plus en vue de reconstituer le puzzle complexe de la cognition religieuse. Concrètement, ces recherches ont mis en évidence une zone corticale bien précise située dans la partie arrière haute du crâne : le cortex pariétal supérieur. Et pour cause : le fameux sentiment de fusion mystique d’avec le monde apparaît d’autant plus manifeste que l’activité de cette zone est ralentie. C’est une célèbre expérience d’imagerie cérébrale menée en 2001 par le neurobiologiste Andrew Newberg qui l’a démontré. En analysant par TEP l’activation cérébrale de huit moines tibétains bouddhistes immergés, via une technique de respiration spécifique, dans un état de méditation connu pour déboucher sur cette sensation de symbiose, le neurobiologiste a découvert sur son écran un étrange phénomène : plus la méditation semblait profonde, plus la zone du cortex pariétal supérieur du cerveau… s’assombrissait. Signe d’une chute de l’irrigation sanguine, donc d’une baisse d’activité. Pourquoi cette zone ? Andrew Newberg a une explication : « L’une des fonctions du cortex pariétal supérieur est de permettre à l’individu d’effectuer la distinction entre son corps et l’environnement et de s’orienter dans l’espace. Ce qui expliquerait, lorsque son activité se ralentit, l’émergence d’altérations de la perception spatiale et de la sensation de fusionner avec l’Univers ».

 



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Et il n’y a pas que le cortex pariétal supérieur ! « D’autres travaux indiquent que c’est probablement tout un réseau cérébral qui est mobilisé, décrit Andrew Newberg. Par exemple, les recherches menées dans les années 1990 par le neuropsychologue américain Michael Persinger suggèrent que la stimulation électromagnétique des lobes temporaux, ces aires localisées au niveau des tempes, déclencherait la sensation d’avoir à ses côtés une présence invisible. Ces aires pourraient donc elles aussi être impliquées dans l’aptitude à ressentir une présence divine ». Fort de ces constations, Andrew Newberg a entrepris d’identifier dans ses moindres recoins cet étrange réseau cortical. Avec l’espace de dresser bientôt une véritable cartographie cérébrale de la foi.

 

Tous ces travaux le disent : l’être humain semble parfaitement programmé pour croire en dieu et chacun d’entre nous hérite d’un cerveau naturellement enclin à produire le sentiment que le monde est habité par une entité supérieure. Sans compter que même nos gènes pourraient avoir leur mot à dire. Oui, mais d’autres chercheurs, issus cette fois de l’anthropologie cognitive, une discipline qui étudie les relations entre la culture et les structures cognitives, postulent que notre encéphale est en plus très bien structuré pour adhérer à cette idée… lorsqu’elle nous est racontée par autrui. Pour comprendre, il faut revenir à des travaux de psychologie cognitive entamés sur de très jeunes enfants il y a une quinzaine d’années. En 1992, la psychologue américaine Karen Wynn, de l’université Yale (New Haven, Etats-Unis), a l’idée de présenter à des enfants de 4 mois des marionnettes sur une petite scène de théâtre. Et découvre qu’ils sont capables, dès cet âge, de savoir qu’une marionnette ne peut pas se trouver en deux endroits en même temps, comme elle ne peut pas soudainement disparaître. A la même époque, « d’autres travaux menés par les psychologues américains Henry Wellman et Susan Gelman montrent qu’avant leur première année, les enfants sont capables de savoir qu’un homme ne peut pas se transformer en un animal ou un objet, précise Dan Sperber, directeur de recherche à l’Institut des sciences cognitives Jean Nicod (CNRS, Paris). Intuitivement, ils rangent les êtres humains dans des catégories bien distinctes de celles des animaux ou des objets ». Pas de doute, l’homme possède de façon innée une perception du monde qui la part du « naturel » et du « surnaturel ».

 

Un terreau pour la croyance

 

Ce qui, pour Dan Sperber, montre une fois de plus que notre encéphale est un terreau fertile pour les croyances religieuses. Car celles-ci ne peuvent dès lors s’expliquer que si notre cerveau est équipé d’un mécanisme psychologique inné qui, in fine, nous rend particulièrement sensible aux idées stipulant l’existence de divinités : « Les croyances religieuses mettent en scène des personnages dotés de pouvoirs surnaturels : entité divine invisible, dotée du don d’ubiquité, ou bien encore capable de se matérialiser en un animal ou un objet. Or, cela viole des notions intuitives dont nous héritons dès la naissance ». Et comme notre perception intuitive du réel est innée, sa transgression par les croyances religieuses provoque une réaction émotionnelle forte. Autrement dit, le seul fait de les évoquer contredit à ce point notre entendement que nous sommes conduits à leur attribuer un pouvoir explicatif supérieur. Au final, c’est tout naturellement que nous sommes donc enclins à croire en Dieu.

 

Chimie, structure, cognition… notre cerveau prépare donc chacun d’entre nous à adhérer à l’idée de Dieu. Est-ce à dire que ce dernier n’est qu’une création de notre cerveau ? « Ce que tous ces travaux mettent en évidence, c’est que nous sommes très bien équipés cognitivement pour croire, précise Andrew Newberg. En revanche, ils ne se prononcent en aucun cas sur l’existence effective d’un dieu ». Lequel reste donc pour la science une ultime question à laquelle elle ne peut nullement répondre…

 

Le sentiment religieux aurait aussi une base génétique
 

Une étude dirigée par la psychologue Laura Koenig (université du Minnesota), et publiée en 2005 dans le Journal of Personality, révèle que l’attrait pour la religion est non seulement déterminé par l’environnement dans lequel grandit l’individu, mais aussi par… ses gènes. Les travaux ont été menés sur un panel de 546 volontaires adultes, composé de 169 paires de jumeaux monozygotes (dits communément « vrais jumeaux », c’est-à-dire possédant un patrimoine génétique absolument identique) et 104 paires de jumeaux dizygotes (soit des « faux jumeaux », n’ayant pas plus de gènes en commun qu’un frère et une sœur non jumeaux).  Un questionnaire leur a été proposé afin d’évaluer l’importance occupée par la religion dans leur vie au moment du test (fréquence des prières, respect des rites religieux…), mais aussi pour mesurer la place qu’elle avait occupée durant leur enfance. Résultat : pour la période adulte, l’attitude face à la religion adoptée par les deux jumeaux d’une paire monozygote était plus fréquemment similaire qu’au sein des paires dizygotes.


 

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En revanche, pour la période de l’enfance, les chercheurs n’ont pas trouvé de différence notable entre les deux types de jumeaux. Cela suggère qu’il existerait donc bel et bien des bases génétiques à l’origine de la religiosité, mais que leur influence se fait sentir progressivement au cours du développement de l’individu, lorsqu’il s’affranchit des influences de l’environnement reçues au cours de son enfance.

 

Repères

 

Pour percer les secrets de son esprit, l’homme n’a eu pendant longtemps d’autre solution que d’observer ses comportements et ceux de ses semblables. Mais depuis 30 ans, l’imagerie médicale a bouleversé la donne en autorisant la détection en temps réel des zones du cerveau activées, et en permettant de « voir » les processus chimiques à l’intérieur des neurones. De quoi donner les moyens aux spécialistes de la cognition de s’attaquer à un nouveau défi : décrypter les bases cognitives de la croyance religieuse.

 

II – La foi, remède miracle contre l’anxiété

 

Parce qu’elle apporte des réponses aux questions existentielles et sécurise en créant un lieu social, la religion à tout d’un véritable anxiolytique. Au point d’agir sur la santé !

 

Cela ressemble à un paradoxe : croire en Dieu augmente… l’espérance de vie sur Terre ! Telle est l’inattendue conclusion de travaux qui, depuis une petite dizaine d’années, montrent que les individus qui croient en l’existence d’une entité divine accroissent leur longévité. Et de façon considérable, qui plus est ! En 2002, le professeur de psychiatrie David B. Larson, de l’université Duke, en Caroline du Nord (Etats-Unis), est en effet parvenu à estimer que les croyants vivaient en moyenne 29 % plus longtemps que les non-croyants. Fruit de la synthèse de 42 études médicales menées entre 1977 et 1999 et concernant pas moins de 126.000 personnes, ce chiffre, par son ampleur, pose dès lors une question : en quoi le fait de croire a-t-il une influence sur notre espérance de vie ? La réponse tient en un mot : anxiolytique. Car si les religions ont une vertu, c’est bien celle d’être un remède contre l’angoisse, ce qui ne saurait être funeste pour la santé…

 

Un remède contre l’anxiété ? Les attentats de 2001 contre le World Trade Center ont été l’occasion d’en apporter une exemplaire confirmation. Dans les mois qui ont suivi ce fatidique 11 septembre, les autorités sanitaires américaines ont en effet fait état d’une nette augmentation de l’anxiété au sein de la population ; or, dans le même temps, nombre d’américains décidaient de se livrer à des pratiques religieuses qui, jusqu’ici, les indifféraient…

 

Un discours réconfortant

Plus net encore : des psychologues de l’université de Washington ont révélé début 2005 les résultats d’une étude menée à l’époque sur 453 étudiants de toutes confessions. D’où il ressort que ceux ayant eu recours à des comportements religieux tels que la prière pour gérer le traumatisme sont parvenus à calmer leur angoisse beaucoup plus efficacement que les autres. Un résultat qui concorde avec des études menées dans de tout autres contextes. En 2002, par exemple, le psychologue Purdue, dans l’Indiana (Etats-Unis), soumettait un groupe de 388 personnes, cette fois âgées de 60 à 100 ans, au Multidimensional Fear Death Scale, un test psychologique souvent utilisé par les gérontologues pour mesurer le niveau d’anxiété de leurs patients face à la mort. Verdict : les sujets croyants présentaient un niveau d’angoisse inférieur à celui des individus non-croyants.




Pape Benoit XVI


 

C’est donc une certitude scientifique : la croyance en Dieu permet de réduire l’angoisse. Pourquoi ? Parce que les religions apportent précisément des réponses aux interrogations les plus profondes de l’homme. Sens de la vie, question des origines, angoisse de la mort… Peu importe le nom du dieu qu’elles élisent, la genèse qu’elles décrivent ou la nature du paradis qu’elles promettent, toutes produisent un discours qui, chacun à sa manière, apporte une réponse à ce qui étreint l’homme lorsqu’il songe à sa condition. Une réponse au sein de laquelle chacun peut dès lors trouver refuge, pourvu d’adopter durant sa vie un comportement conforme aux lois édictées par la religion concernée.

 

Une « illusion de contrôle »

 

Autrement dit, lorsqu’on croit en Dieu, il devient tout à coup possible d’agir là où le sentiment de sa propre finitude terrassait. De quoi réduire considérable toute anxiété ! Or, ce phénomène s’inscrit en réalité dans un cadre plus vaste que les chercheurs en psychologie sociale connaissent bien pour l’avoir mis en évidence dès les années 70. A savoir que « lorsqu’un individu est exposé à une situation où des événements négatifs hors de son contrôle peuvent survenir à tout moment, il utilise un stratagème appelé « illusion de contrôle », explique Olivier Desrichard, du Laboratoire de psychologie sociale des universités de Savoie (Chambéry) et Pierre-Mendès-France (Grenoble). Ce mécanisme consiste à se persuader qu’il dispose d’un pouvoir sur son environnement, susceptible de lui permettre d’éviter d’être exposé à cet événement négatif ». Un exemple ? Une étude menée en 2002 par Isabelle Milhabet (université de Nice-Sophia-Antipolis), à laquelle Olivier Desrichard a collaboré, décrit on ne peut mieux les rouages de ce mécanisme : « En évaluant la perception qu’avait une population d’étudiants de contracter le sida, nous avons découvert que chacun estimait courir moins de risques d’être infecté que les autres », explique le chercheur. Or, si chacun se perçoit de la même manière, cela débouche forcément sur un problème de logique ! Une véritable « illusion de contrôle », qui est en fait à l’origine de nombre de comportements, comme celui du sportif qui embrasse sa médaille avant de rentrer sur un terrain. Et, vue sous cet angle, la religion apparaît finalement comme une illusion de contrôle parmi tant d’autres… 

 

Dieu crée la lumière

 

 

 

Même la physiologie s’y met

 

Que cherche à éviter l’être humain par cette pirouette cognitive ? Rien moins qu’un état physiologique désastreux. Et pour cause : « Etre exposé à long terme à une situation dangereuse sur laquelle on sait pertinemment que l’on ne peut pas agir, comme une catastrophe naturelle, une maladie ou une guerre, déclenche un état appelé ‘inhibition de l’action’, lequel est extrêmement traumatisant pour l’organisme », explique le biologiste Georges Chapouthier, directeur de recherche au sein de l’équipe CNRS « vulnérabilité, adaptation et psychopathologie » (université de Paris VI et Paris VII). Dans tel cas, en effet, « l’organisme bascule dans un état physiologique dit d’alerte : des hormones telles que l’adrénaline et des corticoïdes (dont le célèbre cortisol, souvent appelé ‘hormone du stress’) sont sécrétées, tandis que le rythme cardiaque s’accélère et que la pression artérielle augmente. Durant les premières heures, cette réaction est bénéfique, puisqu’elle ‘réveille’ littéralement l’organisme afin de lui permettre d’agir au mieux pour assurer sa survie. Mais si cet état d’alerte se maintient, les choses se dégradent rapidement. Avec, à la clé, des pathologies comme des ulcères de l’estomac, voire, peut-être, des cancers ». On le voit, même notre physiologie nous pousse donc à rechercher tous les moyens possibles d’échapper à l’angoisse…

 

Reste que si la foi apaise nombre de nos angoisses métaphysiques, elle possède encore un autre atout : celui de permettre au croyant de faire partie d’une communauté religieuse. Car être intégré dans un groupe social sécurise et, donc, réduit l’anxiété. Une seule preuve : en 2000, un psychiatre américain de l’université d’Alabama a montré que sur 236 volontaires en situation de sevrage de drogues et d’alcool, ceux qui étaient croyants bénéficiaient d’un soutien social accru… ce qui in fine induisait chez eux un plus faible niveau d’anxiété. Des résultats obtenus par l’analyse des réponses fournies par les sujets à un questionnaire psychologique spécifiquement conçu pour l’étude. L’explication d’un tel bénéfice ? Il est en fait à chercher dans… les premiers temps de l’humanité. Plus précisément durant le Pléistocène (de – 1,8 million d’années à – 10.000 ans), lorsque les Homo évoluaient exclusivement en petits groupes d’une dizaine d’individus. Ne pas faire partie d’un groupe équivalait alors tout simplement à une condamnation à mort. « Car, durant cette période, l’homme n’a pu survivre qu’en bénéficiant des rapports de coopération avec ses semblables, explique Boris Cyrulnik, professeur d’éthologie à l’université de Toulon. Ce qui explique que c’est donc à l’intérieur d’un groupe qu’un être humain ressent du bien être. » Un ressenti qui perdure encore aujourd’hui chez quiconque se trouve intégré dans un groupe social. Certes, les vertus anxiolytiques apportées par l’inclusion sociale ne sont qu’une conséquence indirecte de la foi, mais un tel bénéfice n’en reste pas moins précieux.

 

Psychologie, physiologie, social : au final, nous avons donc toutes les raisons du monde d’avoir la foi. Un signe de plus que la croyance en Dieu n’est pas prête de disparaître. Car une chose est sûre : comme le résume très bien le neurobiologiste Andrew Newberg, directeur de la clinique de médecine nucléaire de l’université de Pennsylvanie, aux Etats-Unis, et spécialiste de la cognition religieuse, « l’anxiété que l’être humain éprouve face à la mort existera toujours et comme la foi permet de réduire efficacement cette anxiété, Dieu ne disparaîtra donc pas ! ».

 

Un effet également sur la santé des sociétés ?

Si la religion a un effet bénéfique sur la santé des individus, en-a-t-elle également un sur celle des sociétés ? Ici, la réponse est plus mitigée. Car si le protestantisme et le bouddhiste semblent effectivement favoriser la prospérité des nations (une grande partie de l’Asie de l’Est, actuellement en pleine explosion économique, est bouddhiste), la religion catholique et l’islam semblent, à l’inverse, beaucoup moins opérantes. C’est en tout cas ce que montre une étude menée par l’économiste Luigi Zingales (université de Chicago, Etats-Unis) sur un panel de 100.000 personnes, issues de 54 pays. Le chercheur a mesuré chez chaque individu l’intensité des attitudes individuelles jugées par les économistes comme les plus favorables à la réussite d’un pays, telles que l’acceptation des inégalités, l’attitude face à la compétition ou encore la confiance placée dans le gouvernement. Puis, il a corrélé ces données avec la religion de chaque sujet. Résultat : bouddhistes et protestants sont moins réfractaires à la compétition et aux inégalités sociales que les catholiques et les musulmans. Des résultats qu’il faut cependant nuancer, puisque pour la confiance placée dans le gouvernement, un facteur également jugé comme essentiel, ce sont les catholiques et les musulmans qui font montre du degré de confiance le plus élevé.


 

temple bouddhiste

 

 

Efficace contre la maladie d’Alzheimer

 

La pratique religieuse pourrait-elle ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer ? Si une telle affirmation peut sembler incongrue, c’est pourtant ce que suggère une étude dirigée en 2004 par le neurologue Yakir Kaufman, de l’hôpital Sarah-Herzog-Memorial (Jérusalem). En effet, en soumettant 68 malades âgés de 49 à 94 ans à un questionnaire destiné à évaluer l’intensité de leur pratique religieuse, les chercheurs ont découvert que les sujets les plus religieux connaissaient une progression de la maladie plus lente. Si, jusqu’à présent, aucune explication n’a pu être apportée à ce résultat surprenant, les chercheurs espèrent toutefois que de nouvelles recherches permettront d’apporter quelques premières réponses. En attendant, force est de constater que la foi semble être un médicament aux applications pour le moins variées…

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