Le monde du travail et ses névroses
Les stratégies de pouvoir et de manipulation au sein de l’entreprise
Autorité, Pouvoir et Perversion narcissique
Introduction
L’entreprise est souvent le lieu de guerres de territoire, de conflits de pouvoir liés à l’ambition démesurée de certains requins arrivistes, n’hésitant pas à user d’armes fourbes pour parvenir à leurs fins. Pire, ces armes sont parfois véhiculées comme des outils de communication « normaux » entre humains qui s’inter-manipulent. Il est fréquent que l’entreprise soit le théâtre de formations managériales où s’enseignent des outils de manipulation. De fait, il est requis que le manager fasse faire le travail à autrui, et lui révèle tout son potentiel. En soi, le management est plutôt intéressant pour tous, managers et managés. Il le devient moins quand les techniques manipulatoires enseignées visent à créer des effets de contraintes psychiques pour obtenir d’autrui ce qu’il n’aurait pas consenti à donner sans manipulation.
Certains termes modernes prêtent à confusion, tel celui de « manager coach ». Par définition, le manager ne peut en effet être coach, ni le coach manager, car être coach suppose une indépendance déontologique intangible, signifiant : ne pas être juge et partie dans le développement souhaité par le coaché. Un manager obéit nécessairement à des objectifs d’entreprise, à des attentes de l’entreprise. Le coaching n’est alors utilisé qu’aux fins de faire correspondre au mieux les compétences des collaborateurs et leur investissement aux attentes de l’entreprise. Pire, ce sont les techniques d’influence du coaching qui ne sont pas utilisées aux fins du coaching : meilleur épanouissement de l’être, meilleure adéquation entre l’être et ses aspirations professionnelles, strict choix et autonome de l’être sur son chemin, etc.
I-La manipulation mentale en entreprise
La manipulation mentale désigne l’ensemble des tentatives pour fausser ou orienter la perception de la réalité d’un interlocuteur. Cela s’obtient en usant d’un rapport de pouvoir, de séduction, de suggestion, de persuasion ou de soumission non volontaire ou consentie.
Il s’agit de manipulation mentale lorsqu’un individu ou un groupe d’individus tente d’exercer une prise de contrôle de l’esprit et du comportement d’une personne ou d’un groupe, en usant de techniques dites de persuasion ou de « suggestion mentale » et en cherchant à altérer la capacité de juger des informations ou des injonctions d’une personne ou d’un groupe de personne.
D’une certaine manière, la manipulation mentale est très fréquente dans la société, démocratique ou non ainsi que dans le cadre professionnel, conjugale ou familiale. Car, dès qu’il y a mensonge, omission ou déformation volontaire de la vérité, il s’agit là de tentatives de manipulation.
En clair, la manipulation mentale c’est le fait d’influencer volontairement le libre arbitre d’autrui en notre faveur.
La manipulation n’est pas fondamentalement mauvaise si elle est faite dans un objectif positif, elle nous rend même souvent meilleurs. C’est l’objectif recherché de la manipulation qui détermine la dangerosité de celle-ci.
Dans l’entreprise, tout le monde cherche à vous manipuler. Vos managers utilisent tous les moyens qui sont à leur disposition, et vous savez que ces moyens ne sont pas toujours « élégants ». Vos collaborateurs font aussi tout ce qu’ils peuvent pour vous pousser à aller là où ils le veulent ou pour vous empêcher de faire certaines choses.
En tant que manager, il est de votre responsabilité de surveiller l’impact de votre manipulation sur vos collaborateurs, tout en apprenant à vous protéger de celle que vous subissez. Vous ne pourrez pas toujours contrôler vos propos et l’image que vous renvoyez, mais vous pouvez utiliser votre statut pour insuffler à votre équipe une force nouvelle.
En tant que leader éthique, vous pouvez être le créateur de leur pensée positive. Vous avez la capacité et le devoir de donner à vos employés une nouvelle confiance en soi et une envie insoupçonnable de se dépasser.
Mais attention, ils sont tous différents et ne réagiront jamais identiquement à vos paroles. Certains ont besoin d’encouragements, d’autres de preuves. Mais chacun d’entre eux, même le plus récalcitrant, a besoin de se sentir reconnu pour son travail.
La plus belle de leur réussite sera donc votre reconnaissance mais surtout, leur propre sentiment de satisfaction et d’accomplissement personnel dont vous serez le précurseur.
II-Qu’est-ce que la manipulation dans le monde du travail ?
La petite guéguerre entre salariés est malheureusement monnaie courante. Toutefois, les dirigeants sont eux aussi en proie à des manipulateurs, car nombre d’employés nourrissent (légitimement) un agenda personnel et la montée des échelons est plus aisée quand les rapports avec la hiérarchie sont meilleurs. Mais comment alors préserver une ambiance de travail saine et authentique ?
Le concept convient au cas du patron d’entreprise qui s’expose à toutes sortes d’expériences négatives : des salariés ont fait défaut aux fournisseurs qui n’ont pas tenu leurs promesses en passant par des associés malhonnêtes. Sans aucun doute, ces mésaventures passées influent sur sa prise de décision dans le présent et font le bonheur du manipulateur.
Au cœur des stratagèmes de persuasion se trouve l’illusion de liberté : le manipulateur réussit à susciter la « soumission volontaire » de sa proie, que ce soit par politesse, par pression sociale, par manque de temps, ou d’autres raisons comme la peur de refaire les mêmes erreurs.
Voici comment :
Lors de l’escalade d’engagement, le manipulateur va faire prendre une première décision à sa victime en la rationalisant. Ceci va conduire à d’autres décisions auxquelles le manipulé va s’accrocher coûte que coûte, alors qu’il est possible qu’il fasse fausse route. Pour que cette technique fonctionne, le manipulateur doit bénéficier d’un degré de confiance de la part du décideur.
La technique du « pied dans la porte » vise à satisfaire une demande exigeante par le biais d’une première requête très accessible. Par exemple, poser ses RTT pour ensuite obtenir trois semaines de congés en pleine période d’activité.
La stratégie inverse s’appelle la porte-au-nez, dans ce cas la demande est complètement irréaliste pour pouvoir obtenir une requête moindre. C’est souvent le principe d’un devis exorbitant annonçant une négociation avec le prestataire.
La technique de l’amorçage se base autour de la rétention d’informations. Le décideur obtiendra un jour la vraie information, mais entre-temps il aura déjà accepté de coopérer et ne pourra faire marche arrière. Le manipulateur peut ici faire un coup double avec la technique de l’escalade d’engagement.
Enfin, le leurre consiste à faire prendre une décision irréalisable au décideur (un modèle en rupture de stock) pour ensuite le forcer cible à se rabattre sur l’objet du choix du manipulateur (un produit de la même valeur difficile à écouler).
III-Les différents protagonistes de la manipulation
Comme vous le constatez, il existe une foule de techniques de manipulation, mais quid de ceux qui en usent ? Au beau milieu d’une équipe, ou à vos côtés, peut se trouver un manipulateur, conscient ou pas de ses effets néfastes. Qui sont ces acteurs de la déception, qui, en plus de compromettre une bonne ambiance de travail, parviennent à fausser les jugements ?
A-La manipulation descendante
On n’a jamais autant parlé du pervers narcissique, dont la capacité à complimenter autant qu’à couper l’herbe sous le pied des autres est fulgurante. Sa stratégie consiste à être vu sous son meilleur jour face à l’autorité, avec qui il entretient un rapport ambivalent par ailleurs. Il se passe souvent de mails ou de preuves écrites, ce personnage morcelle les informations dans un sens ou dans l’autre, et joue la carte de l’amorçage par exemple. Le pervers narcissique est dans le contrôle à tout prix, rejette l’erreur sur les autres, détient des avis catégoriques et refuse la critique ou l’opinion de ses collaborateurs. Dur à vivre, le pervers narcissique dynamite toute cohésion d’équipe et interdit toute collaboration sereine, ce qui éventuellement fait fuir ou met K.O. ses collaborateurs.
Moins menaçant, le syndrome du petit chef touche souvent les managers inexpérimentés. Une formation en management ou un mentor peuvent facilement y remédier. Cela dit, il est clair que le pervers narcissique et le petit chef nuisent à la performance d’une entreprise : on quitte souvent un job pour échapper à un mauvais manager.
B-La manipulation ascendante
Dans le sens inverse, la notion de « gérer son chef » s’est popularisée avec une foule de stratagèmes pour manipuler son manager. Les fondamentaux en sont le décryptage de comportement, la flatterie et le timing du partage des informations. Une fois dans la confiance, le manipulateur peut alors influencer en sa faveur les décisions de son supérieur. Habile, il devra bien entendu avancer les intérêts de l’entreprise avant les siens pour faire bonne figure, comme choisir de parler d’analyse de risques au lieu de manque de moyens.
Conclusion
Il ne faut pas voir le diable partout et le chef d’entreprise ne devrait pas vivre dans la méfiance. En revanche, un esprit observateur et ouvert évitera les écueils du manipulateur. Afin de déjouer le déterminisme, il faudra éviter de se reposer sur les mêmes formules. Accepter de se tromper par exemple, diminue drastiquement l’enjeu psychologique. Avec moins de pression sur ses épaules, le décideur renoue avec le libre arbitre et ainsi se prémunir d’un manipulateur qui pourrait jouer sur ses peurs.