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Le XXe siècle : la Relativité

 

Il est vrai que, jusqu’au début du XXe siècle, les considérations sur l’Univers n’étaient étayées par aucune observation proprement cosmologique, de sorte que les modèles étaient plaqués sur des présupposés philosophiques et religieux. Ne croyons pas pour autant que cette interprétation de la physique et de la philosophie ait cessé : Albert Einstein, l’inventeur de la théorie de la relativité générale qui sert de base à toutes les études cosmologiques actuelles, s’y est le premier laissé prendre ; parmi les solutions possibles de ses équations, il choisit pour des raisons esthétiques celle qui décrivait un univers statique et fini. De même, on ne peut pas démontrer le « principe cosmologique » qui sous-tend tous les modèles actuels d’univers et stipule qu’il n’existe aucune position privilégiée dans l’espace.

 



Einstein             t2yh52a3

 

 

 

Auteur du Principe d’équivalence étendu à toute la physique. Les transformations de Galilée sont une approximation des transformations de Lorentz.

 

Introduction de la relativité du temps. Introduction du i dans la métrique de Minkowski : ds²= dx²+dy²+dz²+dt² devient ds²=-dx²-dy²-dz²+c²dt² - il s’ensuit que le principe de Galilée est le mouvement géodésique dans un espace plat (euclidien) alors que le principe de Newton est le mouvement géodésique dans un espace courbe. Mis en perspective avec une vision d’univers en expansion, l’espace est plat sauf vers certaines limites temporelles (big bang ou big crunch) ou géométriques (trous noirs).

 

Dans les modèles cosmologiques relativistes, l’Univers s’identifie à une entité physico-géométrique : l’espace-temps-matière. Remarquons que l’identification du monde physique et de l’espace (ou de l’espace-temps) géométrique reste mal comprise du public. Lorsqu’un conférencier parle de l’expansion de l’Univers, il se voit invariablement poser la question : dans quoi l’Univers gonfle-t-il ? Cette formulation incorrecte est sans doute accentuée par l’analogie trop souvent employée entre l’Univers en expansion et la surface d’un ballon que l’on gonfle. En fait, l’Univers ne gonfle dans rien, puisqu’il n’existe pas d’espace en dehors de lui. On ignore souvent, tout comme les Grecs d’il y a deux mille ans, que les mathématiques savent décrire des espaces non euclidiens parfaitement finis (un vaisseau spatial filant droit devant lui reviendrait à son point de départ), mais n’ayant nul besoin d’un espace référent extérieur. De même, le temps, qui est une propriété de l’Univers au même titre que l’espace, n’a pas de référent extérieur, de sorte que l’autre question souvent posée : qu’y avait-il avant le big bang est également incorrecte. Vers 1230, le philosophe Guillaume d’Auvergne l’avait remarquablement exprimé : « De même que le Monde n’a pas de dehors, n’a pas d’au-delà, puisqu’il contient et embrasse toute chose, de même le temps, qui a commencé à la création du Monde, n’a pas d’auparavant ni de précédemment, puisqu’il contient en lui tous les temps qui sont ses parties ».

 

La cosmologie relativiste fait appel aux géométries non-euclidiennes, si bien que, désormais, les deux possibilités d’espace fini ou infini sont envisageables. En effet, les modèles de Big Bang indiquent que l’espace est soit sphérique (de courbure positive), soit hyperbolique (de courbure négative), soit euclidien (de courbure moyenne nulle). Dans le premier cas, des astronomes qui mesuraient la somme des angles de très grands triangles, dans l’espace, trouveraient une valeur supérieure à 180 degrés ; dans le deuxième cas, cette somme serait inférieure à 180 degrés, et c’est seulement dans le troisième cas qu’ils trouveraient la valeur de 180 degrés que nous mesurons sur les feuilles de papier.

 

La différence se joue dans la quantité moyenne de matière contenue dans l’Univers, puisqu’en relativité générale, la matière détermine la géométrie de l’espace-temps. Au-dessous d’un certain seuil critique de densité, l’espace est hyperbolique, au-dessus il est sphérique, c’est seulement à la valeur exacte de la densité critique que l’Univers est euclidien.

 

Les modèles de Friedmann

 

A côté de justes critiques, de faux procès sont intentés à la cosmologie. L’un d’entre eux a injustement gâché la renommée scientifique du plus grand cosmologiste de ce siècle : Georges Lemaître, inventeur du concept de big bang avec le Russe Alexandre Friedmann. On lui a reproché de vouloir confirmer par la science le récit de la Genèse. Il n’en était rien : abbé, certes, mais brillant scientifique, Lemaître tenait à une distinction radicale entre science et religion, pensant que l’on ne pourra jamais réduire l’Etre suprême au rang d’une hypothèse scientifique – comme le disait à Napoléon le mathématicien français Pierre Simon de Laplace.

 

 friedmanlemaitre

 

 

Les modèles d’Univers de A. Friedmann et G. Lemaître se distinguent par les propriétés de l’espace (telle la courbure) et l’évolution temporelle de l’Univers (expansion ou contraction). Les propriétés de l’espace sont de trois types :

 

1 – Modèle à courbure positive, telle l’hypersphère à dimensions, si l’espace est sphérique, l’Univers est spatialement fini et temporellement « fermé » : après la phase actuelle d’expansion, il se contractera et son histoire s’achèvera par l’opposé d’un Big Bang nommé Big Crunch.

 

2 – Modèle euclidien, où la courbure est nulle et où la somme des angles de tout triangle est égale à 180 degrés. Si l’Univers est euclidien, il est temporellement « ouvert », son expansion se poursuivra éternellement. Cependant, on ne sait plus, dans ce cas, si l’espace est fini ou infini, car la question de la finitude ou de l’infinitude de l’espace relève non plus de la relativité générale, mais de la topologie.

 

3 – Modèle à courbure négative, telle une nappe plissée où chaque point serait analogue à une selle de cheval. Si l’Univers est hyperbolique, il est temporellement « ouvert » : son expansion se poursuivra éternellement. Cependant, on ne sait plus, dans ce cas, si l’espace est fini ou infini.

 

Si k=1 modèle elliptique

Si k=0 modèle parabolique

Si k=-1 modèle hyperbolique

 

Ainsi un certain nombre de « variantes » topologiques des espaces à trois dimensions peuvent être appliquées à la description de l’espace réel.

 

● Pour les univers à courbure positive, elles sont toutes fermées. La situation est bien différente pour les univers à courbure négative ou nulle (favorisés par les observations actuelles, qui indiquent que la densité de matière est inférieure au seuil critique).

 

● Sur les 18 topologies euclidiennes, six sont fermées et orientables (à deux dimensions, un plan est orientable : il possède deux faces distinctes ; un ruban de Möbius n’est pas orientable : il n’a qu’une face). C’est notamment le cas de « l’hypertore » : l’espace défini par l’intérieur d’un cube ordinaire dont on considère que les faces opposées deux à deux sont identiques. Dans cette topologie, l’espace reste euclidien mais acquiert un volume fini.

 

● Quant aux solutions hyperboliques, il en existe une infinité, dont certaines sont fermées. L’une des plus intéressantes est représentable par l’un des polyèdres réguliers, l’icosaèdre, où l’on identifie d’une certaine façon toutes les faces deux à deux ; l’espace intérieur, fini, devient « chiffonné » et à courbure négative.

 

Un espace hyperbolique compact

 

Modèle d’un espace chiffonnée hyperbolique. L’intérieur de cet icosaèdre dont les faces de même couleur sont identifiées est un espace fermé de courbure négative (sur la figure, certaines faces visibles à l’avant sont identifiées à des faces cachées à l’arrière). L’espace réel pourrait être de cette nature. C’est l’une des possibilités qu’explorent les cosmologistes aujourd’hui.



 

icosaedre


 

 

Avec ces possibilités de « fermeture » topologique de l’Univers disparaît une croyance récente de la cosmologie moderne, selon laquelle, pour savoir si l’espace est fini ou infini, il suffirait de mesurer la quantité de matière qu’il contient. On voit simultanément réapparaître, par le détour de mathématiques sophistiquées, un mythe ancien : l’usage des corps parfaits platoniciens pour expliquer l’architecture secrète du monde !

 

Ces considérations apportent également un nouvel éclairage sur les rapports entre le monde « réel » et le monde « perçu ». Le monde perçu est inévitablement brouillé par l’imperfection de nos sens. La physique nous apprend qu’il existe aussi un brouillage « objectif », reflétant la nature physique du monde indépendamment de nos sens. Au niveau microscopique (quantique), le principe d’incertitude d’Heisenberg implique qu’une particule, comme un électron, n’a de « réalité » que si l’on effectue une mesure sur elle, et cette mesure modifie ses propriétés. Au niveau macroscopique, les « mirages gravitationnels » déforment notre vision de l’Univers. Ceux-ci résultent de la courbure de l’espace-temps. Les rayons lumineux émis par les astres lointains (galaxies, quasars) rencontrent sur leur trajet jusqu’à nous des masses (étoiles, galaxies, amas de galaxies) ; en courbant l’espace dans leur voisinage, ces masses intermédiaires perturbent les trajets des rayons lumineux et engendrent des illusions d’optiques, des « mirages » qui déforment, amplifient ou démultiplient les images des sources situées à l’arrière-plan.

 

Les modèles d’Univers chiffonnés : modèles quantiques

 

Le brouillage cosmique pourrait être complet, et non plus localisé dans certaines directions d’observation. Là, ce serait la forme globale de l’espace qui démultiplierait les trajets de la lumière entre les sources lointaines et nous, de sorte que nous serions plongés dans un univers d’apparence très différente de ce qu’il est en réalité. Par exemple, chaque galaxie « réelle » aurait des dizaines d’images fantômes réparties dans toutes les directions du ciel, mais qu’il serait difficile de reconnaître en tant que telles. L’Univers nous paraîtrait vaste, « déplié », contenant des milliards de galaxies, tandis qu’il serait en réalité beaucoup plus petit, chiffonné, contenant beaucoup moins d’objets que nous en percevons. Ce miroir aux alouettes cosmique plongerait le cosmologiste entre l’illusion de l’infini et une réalité finie.

 

L’illusion cosmique (d’après les travaux de JP Luminet CNRS)

 

On peut envisager l’espace comme un jeu de Pac Man, où les personnages qui sortent par un bord de l’écran réapparaissent sur le bord opposé. Cette configuration est celle d’un tore, puisqu’on obtient un tore en recollant les bords opposés d’un carré.

 


chiff1 

 

On peut reprendre cette idée de recollement à trois dimensions : si l’Univers était comme l’intérieur d’une boîte dont les faces opposées étaient recollées, le nombre de galaxies nous paraîtrait bien supérieur à ce qu’il est en réalité. Sur cette figure, on a représenté les résultats d’une simulation où l’on a placé par hasard une vingtaine de galaxies dans un modèle d’Univers « hypertorique » dont la taille est d’un milliard d’années-lumière seulement.

 

L’aspect du ciel ne se réduit pas aux images des vingt galaxies, car les rayons lumineux empruntent de multiples trajets pour nous parvenir.

 

 


chiff2 

 

Au contraire, l’image de chacune des « vraies » galaxies est démultipliée en un grand nombre d’images « fantômes », qui donnent à l’Univers l’apparence d’être beaucoup plus vaste et peuplé.

 

 


chiff3 

 

 

L’Univers quantique (d’après les travaux de JP Luminet CNRS)

 

Peut-on légitimement remonter le passé cosmique jusqu’à la singularité ? Non : lorsque les dimensions de la « bulle » d’univers observable (aujourd’hui 1028 cm) étaient inférieures à 10-33 cm (correspondant, selon les modèles actuels, à un temps plus petit que 10-43 s), la relativité générale classique perd tout pouvoir prédictif car les effets quantiques deviennent prépondérants : une théorie de la gravitation quantique devient impérative, nécessitant une unification complète des quatre interactions physiques (électromagnétique, forte, faible, gravitationnelle).

 

Cependant, cette théorie n’existe pas, en raison de difficultés fondamentales liées à la nécessaire redéfinition de concepts tels que l’espace, le temps, la causalité, le rôle de l’observateur, etc. De nombreuses propositions ont été faites : supercordes, introduction de dimensions supplémentaires, etc. Ce n’est pas le lieu de les recenser, mais considérons l’une des approches, celle de la cosmologie quantique.

 

La cosmologie quantique résulte de l’application des principes de la mécanique quantique à la description de l’Univers dans son ensemble. Elle tente de répondre de façon rationnelle aux questions des origines (d’où venons-nous ?) et de la contingence (pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ?).

 

La description de la dynamique de l’Univers à l’échelle quantique a initialement été proposée dans les années 1960 par John Wheeler et Bryce de Witt : au niveau microscopique, la géométrie de l’univers devient « floue », comparable à une sorte d’écume constamment agitée de petites fluctuations. La cosmologie quantique ne peut être mise en œuvre que pour des modèles très simples, ce qui réduit sa portée par apport aux ambitions théoriques originelles. Deux approximations principales celle de Hartle et Hawking et celle de Linde.

 

Un modèle classique (non quantique), où l’espace est lisse à toutes les échelles.



ecume1
 

 

 Un modèle où la structure à petite échelle est agitée de fluctuations quantiques.

  


ecume2



 

En termes simples, le modèle quantique de Hartle et Hawking n’a ni frontière ni bord, comme la surface d’une sphère mais avec deux dimensions supplémentaires. Autrement dit, l’Univers serait fini non seulement dans l’espace (son « volume » total serait fini) mais aussi dans le temps. La problématique singularité initiale disparaîtrait : l’Univers n’aurait pas eu de commencement et n’aurait jamais de fin. Cependant, cette nouvelle « éternité du temps » ne serait trouvée qu’aux prix de l’abandon du temps cosmique réel (mesuré par les horloges ou par l’expansion des galaxies) au profit d’un temps imaginaire (au sens mathématique du terme).


 

ecume3

 

 

Un modèle quantique où l’Univers n’est qu’une bulle au sein d’une mousse composée d’un nombre infini de bulles, chacune ayant ses propres lois physiques. L’approche de A. Lindé, bien différente, suppose des conditions initiales chaotiques. Qualitativement, Lindé présente sa solution (non exacte) sous la forme d’un gigantesque univers éternel et auto-reproducteur, constitué d’une « mousse d’Univers ». Chaque bulle de cette mousse aurait ses propres caractéristiques : constantes physiques, nombre de dimensions spatiales, dynamique. Notre Univers observable ne serait qu’une infime partie de l’une de ces bulles, démesurément gonflée par l’inflation. Là encore, l’Univers « global » n’aurait ni commencement ni fin, même si les bulles individuelles, avec notamment ce qui semble être « notre Univers », pouvaient naître et mourir.

 

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