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L’origine de l’Univers

 

« Au commencement était le Verbe »

 

 

Aujourd’hui, toutes les observations corroborent la théorie du big bang. Tandis que les scénarios de l’apparition des atomes, des étoiles, des galaxies et des planètes sont acceptés par tous les scientifiques. Mais ce sont bien là les seules certitudes. Car dès qu’ils abordent les parages de « l’instant zéro », les chercheurs butent sur une énigme, tout en rêvant d’une équation ultime.

 

 

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Ces dernières années ont été marquées par de formidables progrès dans l’observation du cosmos lointain et dans l’élaboration de théories mathématiques largement sophistiquées, qui font évoluer le questionnement de la science sur l’Univers et son origine. Questions qui ont inspiré d’innombrables mythes aux Homo sapiens sapiens, mais n’ont attiré les esprits scientifiques que depuis peu. C’est, en effet, Isaac Newton qui, en publiant sa théorie de la gravitation universelle en 1687, a permis de penser « rationnellement » le cosmos. Les corps s’attirant les uns les autres, dit-il en substance, l’Univers doit être uniformément peuplé d’étoiles et infini, en sorte que les forces d’attraction de tous les astres s’annulent ; sinon, toutes les étoiles et planètes s’aggloméreraient les unes aux autres. L’idée est juste, mais pas forcément vraie : aujourd’hui, l’image du monde, léguée par Albert Einstein, est celle d’un Univers dynamique, évolutif, en équilibre instable, où l’implosion n’est d’ailleurs pas exclue…

 

Près d’un siècle après l’invention de la théorie du big bang, confirmée par toutes les observations astronomiques, le mystère de l’origine demeure irrésolu. En s’aventurant toujours plus loin dans l’espace-temps dans l’espoir d’assister enfin à « la scène primitive », les astrophysiciens nous content l’histoire cosmique comme celle d’une course à l’unité, et le big bang comme un état fondamental, mélange abstrait d’espace, de temps et d’énergie, qui évoque le chaos des anciens mythes.

 

Une limite… métaphysique

 

Cette quête de l’origine de l’Univers sous-tend, chez certains chercheurs, le rêve d’une théorie du tout, qui permettrait d’expliquer le monde à partir d’une équation ultime, écho rationnel de l’affirmation de saint Jean dans le premier verset de son évangile : « Au commencement était le Verbe. » Ici, la cosmologie touche à sa limite : difficile d’imaginer ce que le physicien répondrait au philosophe lui demandant si cette loi ultime préexistait au monde…

 

Aussi, malgré ses succès objectifs, la théorie du big bang risque fort d’osciller, perpétuellement indécise, entre physique et métaphysique, à jamais incapable de répondre à la question de Leibniz : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »

 

I - Tout à coup, du big bang jaillit la lumière

 

Au tout début, l’Univers ne mesurait que 10-30 mm. Même pas le noyau d’un atome ! Mais il s’agissait d’une pure énergie qui, libérée à une vitesse incommensurable, a engendré en quelques instants notre Univers.

 

Trop tard ! Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire, là, tout près, mais pas le temps de voir ce qui… Voir ? Mais voir quoi ? La lumière n’existe pas encore ! Pas plus que la matière. Il n’y a rien, sinon cette tension inouïe de l’espace qui se dilate à une vitesse fulgurante. Un espace habité de pure énergie. Si un observateur avait été là, il aurait assisté à la naissance même de l’Univers : le big bang, rien que ça… Il s’en est fallu d’un petit dix millionième de milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde. Juste avant, ce n’était pas le néant, mais comment parler d’avant, puisque « avant », le temps n’existait pas… Et juste après, l’histoire de l’Univers est déjà en marche : le temps s’est soudain décidé à exister, choisissant de s’écouler en sens unique – vers le futur -, tandis que l’espace se déploie dans tous les sens, telle la toile d’un trampoline violemment tendue par des géants.

 

 

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En apparence, l’Univers est alors minuscule : à peine un millième de milliardième de milliardième de milliardième de millimètre. Mais ce chiffre ne donne que la mesure de l’Univers observable, borné par un « horizon cosmologique » se déployant à la vitesse de la lumière. En réalité, l’Univers est déjà gigantesque, peut-être même infini, mais pour le savoir, il faudra attendre que nous parvienne, au fil du temps, l’information (ondes de gravitation, rayonnements) en provenance des régions lointaines de l’espace. La taille de l’Univers observable est ainsi facile à calculer : il suffit, en gros, de multiplier la vitesse de la lumière par l’âge de l’Univers pour connaître son rayon. A l’instant où notre histoire commence, l’Univers observable mesure ainsi 10-30 mm, une taille si petite qu’on ne peut même pas la représenter. A ce moment-là, l’espace est plein d’un plasma d’énergie chauffé à 1032 degrés… Mais soudain, durant un milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde, la force de l’énergie, qui tord littéralement l’espace-temps, est libérée et dilate l’espace, à une vitesse infiniment supérieure à celle de la lumière.

 

Une faramineuse inflation !

 

Durant cette période, que les cosmologistes appellent « l’ère de l’inflation », un point quelconque de l’Univers voit sa taille multipliée par 10100, 101000 ou même 101000 000 000 000, d’après les calculs du théoricien américain d’origine russe Andreï Linde, l’un des pères de la théorie de l’inflation. Qu’est-ce qui a provoqué ce gigantesque gonflement ? Pour certains physiciens, l’inflation est causée par la première brisure de symétrie, c’est-à-dire l’apparition, à partir du « champ unifié » régnant à l’origine, de la vénérable et mystérieuse gravitation et de la force électronucléaire, maîtresse de l’énergie et grosse de la matière en devenir. Andreï Linde n’est pas d’accord : « L’inflation primordiale et le big bang sont un seul et même événement. »

 

 

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Quoi qu’il en soit, de nouvelles brisures de symétrie s’annoncent bientôt : la force électronucléaire se sépare en deux forces, dites nucléaires forte et électrofaible, d’où naissent quarks et leptons. Présentes auparavant à l’état virtuel, ces particules croissent et se multiplient dans l’Univers en expansion, baigné d’autres particules. La matière est née. Puis la force électromagnétique se dédouble aussi, générant la force nucléaire faible et l’électromagnétisme. Désormais, gravitation, forces nucléaires forte et faible, électromagnétisme structureront à jamais atomes, étoiles, galaxies et planètes.

 

Un milliardième de seconde a passé depuis le big bang. La force nucléaire forte assemble quarks et gluons par deux ou trois, qui constituent les premiers protons et neutrons. La température descend en dessous de 100 milliards de degrés. Agé de près d’un centième de seconde, l’univers est un plasma brûlant, opaque et obscur, plus dense que l’acier, un fluide étrange aux particules serrées les unes contres les autres.

 

Passent une seconde, une minute, deux minutes, trois minutes… C’est à ce moment-là, alors que l’Univers apparent a dépassé la taille respectable de 50.000.000 km de rayon, que l’histoire cosmique connaît l’un de ses plus imposants épisodes. L’espace-temps-plasma est à moins de 1 milliard de degrés lorsque protons et neutrons s’assemblent par paires pour former les premiers noyaux atomiques d’hélium 4 ; en moins d’une minute, ce processus de nucléosynthèse primordiale s’achève, la matière originelle se fige, plongé dans une obscurité totale.

 

 

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Il ne se passera rien de notable pendant plus de… 300.000 ans ! La température baisse insensiblement jusqu’à environ 5000° C, tandis qu’augmente, proportionnellement, la longueur d’onde du rayonnement électromagnétique qui baigne l’espace. Du coup, les rayons gamma cèdent la place aux rayons X, puis aux ultraviolets. De partout commence à jaillir un impénétrable brouillard de lumière.

 

C’est alors que les rayons d’hydrogène et d’hélium capturent tous les électrons esseulés qui parcourent l’Univers : les premiers atomes apparaissent. Libérés des interactions incessantes avec ces électrons, les rayons lumineux se propagent dans un espace-temps vide, entre de minuscules îlots de matière que forment les atomes d’hydrogène et d’hélium : lentement, le brouillard lumineux se dissipe sur l’Univers. L’image de ce brouillard de lumière, dernier vestige de l’origine du monde, file à 300.000 km/s vers le futur. Quinze milliards d’années plus tard, en 1965, atténué par l’expansion cosmique, il sera détecté par deux Américains, Arno Penzias et Robert Wilson, (prix Nobel de physique). La découverte de ce « rayonnement fossile », après celle de l’expansion cosmique par Edwin Hubble, en 1929, et après la vérification, par George Gamow, en 1950, que la composition chimique de l’Univers correspond rigoureusement à celle que prévoit la théorie de la nucléosynthèse primordiale, marquera la victoire par K.O. du big bang sur tous les autres modèles de l’origine du cosmos.

 

Les mystères de l’énergie et de la matière sombre

 

Il est peu probable que la théorie du big bang, imaginée pour la première fois en 1930 par l’abbé Lemaître et soutenue depuis lors par ses « trois piliers » - l’expansion, le rayonnement fossile et la nucléosynthèse – soit remise en question dans l’avenir. Au moins dans ses grandes lignes : l’Univers actuel est en expansion depuis une quinzaine de milliards d’années, à partir d’un point singulier de l’espace et du temps et d’un état dense et chaud. Reste aux astronomes à résoudre deux profonds mystères, celui de la matière sombre, et celui de l’énergie sombre…

 

 

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On connaît la matière sombre depuis les années 1930 : il s’agit d’une masse de matière totalement invisible, de nature encore inconnue, qui auréole les galaxies et représente tout de même 99 % de la masse totale du cosmos ! S’agit-il de particules aussi exotiques que théoriques – axions, neutralinos, photinos, paraphotinos, flatinos et autres gluinos – qui n’interagissent pas avec la matière ordinaire ? C’est une hypothèse. Quant à l’énergie sombre, théorisée par Einstein et découverte à la fin du siècle dernier par plusieurs équipes internationales, elle se comporte comme un « accélérateur d’expansion ». Là encore, personne ne connaît ni la nature ni l’origine de cette formidable énergie cachée dans la trame de l’espace-temps.

 

 

II – La matière se met à faire des grumeaux

 

Cent millions d’années après le big bang naissaient les premiers astres. Or, cette période, baptisée « âge des ténèbres », n’en finit pas de dérouter les chercheurs. Seule certitude : des fluctuations de densité dans le plasma cosmique ont empêché l’Univers de filer vers sa mort thermique, nous permettant d’être ici. A partir de là, les scénarios varient.

 

 

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Une immensité glaciale, plongée dans une obscurité absolue ; une nuit sans fin, vertigineuse et angoissante : le cosmos serait-il désespérément vide ? En tout cas, quelque cent millions d’années après le big bang, depuis l’éclair aveuglant émis lors de la libération de la lumière, l’espace-temps poursuit une inéluctable expansion, diluant le gaz primordial, hydrogène et hélium, qui refroidit lentement. La température universelle est ainsi descendue à –200° C. Tandis que l’Univers apparent a désormais acquis des dimensions astronomiques : plus de cent millions d’années-lumière de rayon. A ce rythme, dans des milliards de milliards d’années, il ne restera plus que quelques atomes par année-lumière-cube s’éloignant les uns des autres dans un espace-temps infini, tendant vers le zéro absolu (-273,15° C) : ce sera, comme disent les cosmologistes, la « mort thermique » de l’Univers.

 

Si, aujourd’hui, soit quinze milliards d’années après le big bang, il existe des scientifiques pour réfléchir à l’origine supposée et aux fins possibles de l’Univers, c’est que le scénario d’un Univers homogène ne tient pas. Le simple fait que nous soyons là pour tenter de raconter la grande épopée cosmique prouve qu’il a dû se passer quelque chose de très spécial…

 

En effet : dans l’obscurité, un phénomène, passé inaperçu depuis le big bang, commence à prendre une importance considérable. Jusqu’ici, nous avons décrit l’Univers comme un milieu homogène et isotrope. Or, c’est inexact : d’infimes fluctuations de densité, dont on ignore l’origine, existent depuis le big bang, dans le plasma cosmique. S’agit-il de fluctuations quantiques ? De rides de l’espace-temps ? Quoi qu’il en soit, ces « grumeaux » sont perceptibles dans le rayonnement de fond cosmologique, émis 300.000 ans après le big bang et observés, en 1992, par le satellite américain Cobe.

 

C’est à ces grumeaux que nous devons d’être là. Ils n’ont pourtant rien de spectaculaires. Cobe a mesuré des différences de température, 0,0002° C, entre les régions les plus chaudes et les plus froides de ce plasma. Infimes et pourtant décisives ! Car ces différences de température révèlent des différences de densité, qui se manifestent par des variations de la force de gravitation. Force qui attire vers les régions les plus denses les particules matérielles.

 

D’où viennent les galaxies ?

 

Voilà qui ruine tout homogénéité cosmique : de loin en loin, des îlots de matière se forment, plus riches en gaz que les régions voisines. Et ces germes cosmiques vont, par un effet boule de neige, attirer de plus en plus de matière, vidant l’espace autour d’eux. Bref, l’Univers quasiment uniforme du big bang devient progressivement granuleux, peuplé de véritables nuages de gaz de plus en plus denses et massifs.

 

 

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Lesquels vont commencer à s’effondrer sous l’effet de leur propre poids et, en leur cœur, la température et la pression vont progressivement monter… monter… Et après ? Après, les astronomes ne savent pas encore ce qui s’est passé. En fait, si ce scénario de fragmentation du gaz primordial homogène en nuages est la seule façon d’expliquer la structure de l’Univers en étoiles et galaxies, personne n’a jamais observé le processus à l’œuvre : des plans cruciaux du film cosmique manquent. Ces régions où la matière s’organise sont trop lointaines dans l’espace-temps et les télescopes géants nécessaires pour les observer n’existent pas encore.

 

Les chercheurs en sont réduits aux conjectures sur cette époque qu’ils ont baptisée « l’âge des ténèbres », temps où l’Univers était encore noir comme une nuit sans étoiles. Selon eux, la suite des événements dépend de la fragmentation et de la condensation des premiers nuages de gaz. Lorsqu’ils sauront quelle était la masse de ces nébuleuses, ils comprendront mieux à quels astres elles dont donné naissance. En attendant, plus théories sont possibles. La plus simples voudraient que ces nébuleuses aient engendré des étoiles. Mais pour que naisse une étoile, encore faut-il de l’hydrogène, de l’hélium et des « éléments lourds » : carbone, azote… C’est cette savante mixture, qui permet aux embryons stellaires de s’embraser.

 

L’hypothèse des trous noirs

 

Problème : à l’âge des ténèbres, il y avait, dans l’espace, que deux atomes disponibles, l’hydrogène et l’hélium. Or, les simulations montrent qu’en l’absence d’une pincée d’éléments lourds lors de la contraction des nébuleuses primordiales, l’échauffement du gaz devait prendre le dessus sur la gravitation. La pression gazeuse qui s’ensuivit devait empêcher ou, à tout le moins, gêner le déclenchement des réactions nucléaires nécessaires à la naissance des étoiles ! Pour que le processus d’effondrement gravitationnel demeure efficace, les astronomes suggèrent donc que les toutes premières étoiles devaient être des supergéantes bleues, cent ou deux cent fois plus massives que le Soleil : après une vie éphémère et flamboyante, elles auraient explosé en supernovae, libérant, dans l’espace, les atomes créés dans leurs forges nucléaires : carbone, oxygène, azote, mais aussi silicium, fer, argent, platine et or…

 

 

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Faute de preuve tangible, d’autres scénarios ont été envisagés. Le plus étrange postule que ces nébuleuses, très massives, se seraient contractées jusqu’à s’effondrer… en trous noirs ! Attirées par la prodigieuse attraction de ces gouffres de l’espace-temps, accélérée à une vitesse proche de celle de la lumière, chauffée à plusieurs millions de degrés, la matière primordiale aurait alors brillé d’un éclat aveuglant, avant de disparaître dans ces trous noirs. Un phénomène bien connu : de tels astres sont bel et bien observés, aujourd’hui : il s’agit des quasars, ces noyaux de galaxies au centre desquels des trous noirs massifs – des millions, voire des milliards de fois plus massifs que le Soleil – embrasent la matière. A l’appui de cette thèse des « trous noirs primordiaux », la découverte récente que toutes les grandes structures de l’Univers, amas d’étoiles géants et galaxies, possèdent en leur cœur un trou noir géant.

 

En outre, les astronomes observent des quasars de plus en plus loin, donc de plus en plus tôt dans l’histoire de l’Univers, preuve qu’ils ont dû se former quelques centaines de millions d’années tout au plus après le big bang. Les trous noirs seraient-ils les foyers de naissance et d’organisation des étoiles et des galaxies ? Si oui, ils auraient servi d’attracteur à la matière cosmique et, autour d’eux, peu à peu, les nuages en rotation se seraient condensés en étoiles, à condition de ne pas s’approcher trop près des maelströms cosmiques.


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