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21 mars 2021 7 21 /03 /mars /2021 02:03

Critique radicale de l'être contre l'avoir

Discours sur le faux omniprésent

 

 

Partie 3

« Les femmes prennent souvent le chemin de l’amitié dans l’espoir d’y rencontrer l’amour. » Anne Barratin, De toutes les paroisses, 1913.

« La femme aimante ressemble aux médecins de Molière. Elle veut qu’on se porte bien selon Hippocrate, c’est-à-dire selon sa méthode et par ses soins exclusifs à elle. » Henri-Frédéric Amiel, Journal intime, 1877.

« Les femmes savent mieux feindre de ne pas aimer qu’elles ne savent aimer véritablement ; elles ont plus de plaisir à devoir un cœur à leur adresse qu’à leur sincérité. Leur vanité se trouve flattée de tous les tourments qu’elles font souffrir, et je ne doute point qu’elles soient plus touchées de l’embarras d’un amant qui ne sait à quoi s’en tenir, que du plaisir de le rendre parfaitement heureux. » Charles de Saint-Évremond, Les pensées, sentiments et maximes, 1740.

« Beaucoup de femmes portent une si grande exagération dans leur culte, qu’elles veulent toujours trouver un Dieu dans leur idole ; tandis que celles qui aiment un homme pour lui-même avant de l’aimer pour elles, adorent ses petitesses autant que ses grandeurs. » Honoré de Balzac, Un grand homme de province à Paris, 1839.

Eros c’est le désir des sens, la passion, l’ardeur, la ferveur, le feu, l’élan, la flamme, la fougue et la joie qui en leurs multiples dimensions organiques du devenir de vie fondent toutes les dynamiques de réalité. C’est le ce par quoi le Cosmos sacral de la vie est la synthèse de tous les mouvements du faire naître le monde. Ce dernier s’exprimant justement dans l’opposition dialectique entre les principes dichotomiques du fécond et de l’infertile, illustrés notamment par le couple empédocléen de l’attirance et de la répulsion. Ces principes contradictoires, d’une part, la tendance de vie en l’Eros (chaleur élaboratrice de plaisir), d’autre part, la tendance de mort en Thanatos (impulsion froide de destruction) produisent ainsi en leur rencontre cosmique et historique tout le faire du destin des conflits du monde.

Comme l’ont fort bien montré les nombreuses études réalisées in vivo sur les derniers groupes humains archaïques du siècle précédent, en confirmation de tout ce que les diverses missions catholiques en terre d’Amérique avaient d’ailleurs pu rapporter, dans la communauté primitive qui ignore la pathologie du spectacle du pouvoir et de la possession, le sexe, le désir et l’émotion vont de soi. Ce qui, bien entendu, ne veut pas dire que ce soi est sans problème mais simplement qu’aucun problème ne peut parvenir à produire une problématique qui irait jusqu’à disjoindre l’homme de son humanité.

L’homme se vit là tout simplement comme humain dans un champ d’anti-marchandisation alors que dans la société de l’avoir aucune relation humaine n’échappant à l’absolutisme de l’objet qui entend dès lors continûment contrôler possessivement l’homme en tant qu’ustensile affectif et sexuel, l’aller à l’autre est une venue difficile et tourmentée qui, à rebours, ne va pas de soi, va mal, va de travers ou va même complètement à l’envers.

L’empire de la marchandise en réalisant aujourd’hui sa domination totalitaire sur le monde a du même coup entrepris de définitivement digérer la sexualité humaine pour enfin faire surgir une économie des désirs tout entière asservis aux désirs de l’économie.

Toute la survie dans la société de l’avoir en laquelle règne la production du libre échange de l’économie narcissique s’annonce ainsi comme une immense accumulation de spectacles où s’organise partout l’errance en l’oubli de l’être. Tout ce qui hier pouvait encore directement se vivre en authenticité de sentiments, s’est désormais éloigné dans une représentation de facticité où règne la dictature démocratique des froides techniques du calcul, de l’envie, de la parure, de l’ostentation, de la mise en scène et du faux semblant.

L’exemple le plus frappant en est les vies diurnes et nocturnes de nos contemporains dans les grandes villes occidentales comme Paris par exemple, petit bourgeois écolo-bobo gauchiste ou de droite, soumises à l’appétence aux gains, au faux-semblant et au paraître bourgeois sous fond de la tyrannie des rapports humains soumises à la tyrannie de la valeur d’échange et de l’argent, de l’égoïsme, de l’ambition et de la rivalité démesurées des égos. Le pauvre vieux sage Héraclite s’en retournerait dans sa tombe tant le niveau de débauche y est élevé !

Le vrai jouir ne cesse de disparaître à mesure que la tyrannie du faux plaisir l’absorbe en le retournant en son contraire puisque dans le monde actuel du véridique partout renversé en fallacieux, la substance de l’homme n’est plus qu’un moment réifié du spectacle de l’argent.

Le royaume de l’angoisse et de la chosification marchande a fait de l’homme une vulgaire viande flexible et précaire, simple objet trivial d’appropriation, d’utilisation, de compensation, d’affichage et d’apparence. Le marché des choses angoissées qui en appert a profané et converti la sacralité érotique en la réécrivant comme une banale et lamentable récréation destinée à fuir l’ennui omniprésent dans des échappées distractives où l’humain s’égare et se gaspille en pauvres images-objets de sa propre dénaturation.

Le marché de l’ordre sexuel régnant a pour spécificité capitale de vider la sexualité humaine de son essence même ; la tendresse en la beauté du désir. Il place ainsi au centre de sa logique de marchandisation despotique la négation de l’autre et de soi-même, contraignant chaque individu à se trouver alternativement en situation de consommateur ou de consommé, de joueur ou jouet, d’acquéreur ou de matière acquise.

L’origine du spectacle actuel de la misère sexuelle victorieuse est la perte d’unité sensuelle du monde et l’expansion gigantesque du spectacle moderne de la triste industrie de la sexualité brute exprime la totalité de cette perte. La mise en scène propagée de la sexualité misérable n’est que le langage commun des humains séparés de l’humain qui ne se retrouvent qu’en foule atomisée et solitaire. Ce qui de la sorte relie les partenaires n’est plus qu’un rapport spectaculaire à leur propre isolement conjugué. Le spectacle du fétichisme marchand réunit les sexes erratiques en les maintenant divisés et disloqués, et il ne les réunit justement qu’en tant que séparé de soi et séparé de l’autre.

Le principe de la production marchande de la sexualité aliénée, c’est la perte de soi dans la création chaotique et inconsciente d’une relation sexuelle qui échappe totalement à la conscience humaine du désir et qui enferme chacun dans un rôle adéquat au négoce de la passivité généralisée. Le noyau radicalement humain de l’érotisme authentique, c’est, au contraire, la direction consciente par l’homme de l’ensemble alchimique et frondeur des véritables sensualités de vie, en une dynamique charnelle antichosiste et non-médiée.

La passion de l’amour porte en elle l’amour de la passion en cette dialectique qui pose la communauté réussie et raffinée des corps et des âmes, et qui par l’orgasme atteint positionne ainsi le sommet de tous les couronnements possibles de l’accordance spirituelle et charnelle. Dans l’obscurité de la survie quotidienne en l’avoir, il n’existe que des partenaires sur le marché des angoisses, des solitudes et des déserts de la fausse communication amoureuse. En la lumière des passions de vraie vie, l’enlacement cosmique des amants est création infinie de l’anti-consommable car il n’est plus rapport de choses humaines déshumanisées. Il est le dépassement de tous les fétichismes de la marchandise et l’abolition de toutes les médiations qui aliènent et dégradent le plaisir dans les séductions cadavériques du pouvoir du quantitatif.

Là seul, le rapport à l’humain peut être enfin lui-même humain parce qu’il est cosmique. Alors que c’est le Rien qui fonde le couple de la société spectaculaire marchande autour de ces deux pauvres égarés toujours côte à côte sans être jamais ensemble, c’est le Tout qui permet le mouvement sacral des désirs comblés dans un perpétuel renforcement mutuel dont le plaisir du qualitatif véridique est la dynamique d’unification de l’éblouissement commun. La société du despotisme marchand est, par essence, celle de l’impuissance orgasmique puisque l’énergie humaine accumulée en spectacles de représentation et de possession ne peut que déboucher de plus en plus sur une gigantesque pulsion d’angoisse sans cesse décuplée par le fait que le véritable plaisir d’être s’il s’assouvit illusoirement sur le marché de la chosification, est de plus en plus confronté à la réalité substantielle de son inaccomplissement authentique. L’érotique du plaisir dans la démocratie du capitalisme avancé est une fête permanente de la névrose mercantile qui n’a pas d’autre éclairage que le plaisir factice des désespérances tenaces.

La fête est née du jour où les vraies joies humaines primordiales de la permanence communautaire ayant disparu, il a bien fallu recréer des moments d’illusion pour permettre aux individus isolés dans les fausses rencontres de la société de l’avoir, de s’imaginer que du fin fond de leur détresse certaines récréations étaient cependant encore possibles. Désormais, la fête à proportion de l’ennui spectaculaire qui suinte de tous les pores des espaces du fétichisme de la marchandise est partout puisque la vraie joie y est absolument et universellement déficiente à mesure que progresse la crise permanente de la jouissance véridique.

L’homme de la communauté de l’être a parfois des inquiétudes qui disent la spécificité déroutante ou alarmante d’un événement particulier, mais qui d’emblée et au regard du vivre communautaire sont dépassées et surmontées dans le vivre de la sérénité commune. A rebours, l’homme de la société de l’avoir, dans la séparation généralisée de l’homme et de la nature, du singulier et de l’universel, a perdu tout point de vue unitaire sur l’accomplir cosmique de l’activité d’Eros. Il est donc en l’errance chronique d’angoisse permanente sur le marché sans fin des égoïsmes particuliers.

La mise en spectacle de la réification sous le capitalisme moderne impose à chacun un rôle dans la passivité généralisée du fétichisme amoureux de la marchandise qui est d’abord la généralisation passive de l’amour de la marchandise fétichiste. La colonisation des divers secteurs de la pratique sociale ne fait que trouver dans l’espace affectif et sexuel son expression la plus criante à mesure que la toute-puissance moderniste de la servitude désirante est devenue le libre mouvement ubiquiste de la démocratie du misérable. La paupérisation sans fin de l’être au fur et à mesure que le spectacle de la marchandise a libéré le sexe pour mieux l’asservir au libre marché des délires narcissiques de l’argent et du paraître bourgeois, a fait du désir un objet de trafic, de servitude, de traite et de prostitution universelles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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