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24 mars 2010 3 24 /03 /mars /2010 19:57
L’enseignement orphique
Rites et Mystères

    

 

gadlu

 

 

Orphée

 

Fils du roi de Thrace, Oeagre et de la Muse Calliope, Orphée est le plus grand poète légendaire de la Grèce. Comblé de dons multiples par Apollon, il reçut en cadeau du dieu une lyre à sept cordes, à laquelle il ajouta, dit-on, deux autres cordes, en souvenir des neuf  Muses, les sœurs de sa mère. Il tirait de cet instrument des accents si émouvants et si mélodieux que les fleuves s’arrêtaient, les roches le suivaient, les arbres cessaient de bruire. Il avait aussi la faculté d’apprivoiser les bêtes féroces.

 

Les Argonautes se servirent de ses talents dans leur expédition. Par la douceur et la beauté de sa voix, il sut calmer les flots agités, surpasser la séduction des Sirènes et endormir le dragon de Colchide. Il voyagea en Egypte et s’initia aux mystères d’Osiris, dont il devait s’inspirer en fondant les mystères orphiques d’Eleusis. Au retour de l’expédition des Argonautes, il s’établit en Thrace, où il épousa la nymphe Eurydice. Un jour, la jeune femme, voulant échapper aux avances du berger Aristée, s’enfuit et, piquée par un serpent, mourut aussitôt.


 

Orphée et Eurydice1

 


Fou de douleur, Orphée obtint de Zeus la permission d’aller la retrouver aux Enfers et de la ramener sur Terre. Avec sa lyre, il calma le féroce Cerbère, apaisa un moment les Furies et arracha sa femme à la mort, mais à condition de ne pas la regarder avant d’avoir atteint le monde des vivants. Au moment où il parvenait aux portes de l’Enfer, il tournait la tête pour voir si Eurydice le suivait. Alors, elle s’évanouit à ses yeux et pour toujours. Revenu en Thrace, Orphée voulut demeurer fidèle à son épouse disparue, et dédaigna l’amour des femmes de son pays, qui dépitées, mirent le poète en pièces. Sa tête jetée dans l’Hèbre et fut recueillie à Lesbos.

 

Sa lyre fut placée par Zeus parmi les constellations à la demande d’Apollon et des Muses, qui, de leur côté, accordèrent une sépulture à ses membres épars aux pieds de l’Olympe.

 

Orphée et Eurydice

 

Orphée est célèbre non pour ses qualités de guerre mais pour ses talents de musicien. Lorsqu’il chantait, même les bêtes sauvages étaient charmées. Il réussit lors de la conquête de la toison d’or à endormir le dragon qui gardait la Toison et à surpasser par sa voix les chants des redoutables sirènes.

 

Orphée était marié à la nymphe Eurydice à laquelle il vouait un amour sans bornes. Or la malheureuse Eurydice fut un jour tuée par la morsure d’un serpent dissimulé par les herbes. Fou de douleur, Orphée descendit aux Enfers et réussit à convaincre par ses chants Hadès et Perséphone, les dieux des Enfers, de laisser repartir sa bien-aimée. Cependant, ils imposèrent une condition : durant le voyage vers le monde des vivants, il ne devrait pas regarder Eurydice.

 

Mais, Orphée ne put résister à la tentation de regarder Eurydice alors qu’il n’était qu’à quelques pas de la sortie du monde infernal. Malgré ses lamentations, Hadès ne consentit pas à donner une autre chance à Orphée et Eurydice. Inconsolable, Orphée fut tué par les Bacchantes, jalouses de l’amour qu’il portait à Eurydice.




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Les Argonautes

 

 

On appelle ainsi les héros qui firent voile pour la Colchide sous la direction de Jason, afin de rapporter à Pélias, roi d’Iolcos, soucieux d’écarter son neveu du trône, la Toison d’or du bélier consacré à Arès par le roi de Colchide, Aiétés. Au nombre d’environ cinquante, les illustres Argonautes, parmi lesquels on cite Jason, Admète, Amphion, Zéthos, Tydée, Thésée, Héraclès, les Dioscures, Orphée et une foule d’autres héros, s’embarquèrent sur le navire Argo, construit sous la direction d’Athéna dans des bois de Dodone. On peut suivre, d’après le récit d’Apollonios de Rhodes, le voyage des illustres navigateurs.

 



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Leur périple les conduisit d’abord sur l’île de Lemnos, puis les mena dans l’île de Samothrace, où, sur les conseils d’Orphée, ils s’initièrent aux Mystères. Ayant franchi l’Hellespont, les Argonautes jetèrent l’ancre sur la côte de l’île Cyzique, pays des Diolones, gouverné par le roi Cyzicos, qui les accueillit avec tous les honneurs de l’hospitalité. Mais après avoir quitté l’île, ils furent pris dans une immense tempête et rejetés sur le territoire de Cyzicos, par une nuit sombre. Les indigènes ne reconnurent pas leurs hôtes de la veille, et les prenant pour des pirates, ils engagèrent contre les intrus une lutte sans merci, au cours de laquelle leur roi fut tué par Jason. Au petit jour, les combattants des deux camps s’aperçurent de leur méprise et, par des jeux et des veillés funèbres, rendirent hommage aux dépouilles mortelles du roi et de ses guerriers. Après avoir quitté l’île, l’Argo fit escale sur la côte de Mysie, où Hylas fut entraîné dans les eaux par des nymphes trop éprises de lui. Héraclès et Polyphème, qui étaient partis à sa recherche, furent abandonnés par leurs compagnons, qui levèrent l’ancre et firent voile vers le pays des Bébryces chez le roi Amycos, qu’ils tuèrent ainsi que beaucoup de ses sujets. Parvenus ensuite à Thrace, les Argonautes, avec l’aide des Boréades Calaïs et Zétès, réussirent à débarrasser le devin Phinée des Harpyes qui le tourmentaient sans cesse. En témoignage de reconnaissance, le devin donna à ses hôtes des conseils sur le moyen d’éviter les dangers qu’ils encouraient lors de leur voyage.

 

Les Argonautes purent ainsi sans trop d’encombre passer entre les Symplégades, ou les Roches flottantes, qui, poussées l’une contre l’autre par des courants contraires, écrasaient les navires. Après avoir atteint la mer Noire, ils abordèrent en Colchide chez le roi Aiétès, possesseur de la Toison d’or. Grâce au concours de Médée, la fille du roi, Jason put s’en emparer et reprit la route de la mer. Médée, qui s’était enfuie avec les Argonautes, tua son frère Absyrtos et répandit tout au long de sa route les membres du malheureux, afin d’empêcher Aiétés, occupé à ramasser les restes de son fils, de continuer à les poursuivre. Ce geste criminel déplut cependant à Zeus, qui dépêcha sur le navire Argo une puissante tornade. Un devin déclara que seule Circée pourrait purifier les héros criminels. L’Argo remonta alors le cours de l’Eridan (le Pô) et du Rhône, puis descendit vers la Méditerranée et gagna la Sardaigne et l’île d’Aeaea, le royaume de Circé, où ils firent escale. La magicienne purifia les Argonautes, et ils purent reprendre la mer. Ils résistèrent aux chants mélodieux des sirènes grâce à Orphée, qui, de sa lyre, surpassa les dangereuses magiciennes, passèrent ensuite sans dommage entre Charybde et Scylla et atteignirent Corcyre, la pays des Phéaciens. Le roi Alcinoos, ami d’Aiétès, leur demanda la restitution de Médée, mais seulement si elle était vierge. Aussi Jason s’empressa d’épouser celle qui l’avait suivi si fidèlement. Le navire fit route par la suite vers la Libye, la Crète, où le Géant Talos, qui tuait tous les étrangers, succomba aux enchantements de Médée en se déchirant la veine du pied, ce qui provoqua sa mort. Lorsque les Argonautes quittèrent cette île, une nuit opaque les entoura soudain. Ils supplièrent Phoebos de les éclairer. Le dieu les exauça et les navigateurs réussirent à aborder dans la petite île des Sporades. Dès lors, leur périple touchait à sa fin. Après avoir débarqué à Egine, ils regagnèrent Iolcos, avec la précieuse Toison d’or.

 

Cet immense voyage ne serait, selon certains mythographes, que l’image métaphorique d’une entreprise de colonisation dans le Pont Euxin et en Asie Mineure, ou bien le symbole de la découverte dans le Caucase (l’ancien Colchide) de merveilleuses mines d’or. Mais, il existe une autre signification… disons que des textes mythologiques, religieux et philosophiques peuvent s’interpréter de différentes façons, il y a donc plusieurs niveaux de lecture qui font appel à des niveaux de connaissances et de consciences différentes propre à chacun…

 

L’enseignement orphique

 

« En un mot, l’air est pour eux ce que l’eau et la mer sont ici pour notre usage, et ce que l’air est pour nous, c’est l’éther que l’est pour eux. » Platon (Phédon).

 

Le problème étant, et étant uniquement celui-là : rêvons-nous que nous existons ou existons-nous vraiment ? – Il apparaît qu’on touche, avec Apollôn et Dionysos, l’endroit et l’envers d’une réalité unique.

 

« L’homme est le rêve d’une ombre »  Pindare, Huitième Pythique.

 


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Sans doute la cosmogonie d’Orphée doit-elle se mesurer à l’inextricable prolifération des causes et des effets, des volontés gouvernant le monde, la force dionysiaque menaçant constamment la survie même de l’humanité. En voici l’essentiel :

 

Avant toute chose, comme il est dit au chant XVI de L’Iliade, existe une puissance terrible qui l’emporte même sur les dieux : c’est la Nuit. Des abîmes de la Nuit (confondue avec le Temps dont Pindare dit qu’il est « Maître des dieux ») jaillit l’œuf cosmique ; du noir absolu, informel, ce dur objet immaculé. Le Vent, aussi invisible que le Temps, aussi fluant, est à l’origine de cette apparition, de cette matérialisation première. Nuit et Vent, indomptables parce qu’impalpables, ont ensemble, sans étreinte parce que confondus déjà dans leur essence qui est absence absolue, formé et mis au monde une plénitude solide, l’œuf cosmique, d’où Erôs sortira à son tour.

 

De l’œuf primordial, on retrouve le concept en Inde, en Perse, en Assyrie, en Egypte. Epiménide de Crète, au VIIe siècle avant J.C., n’a fait que reprendre cet élément essentiel des doctrines orphiques. Erôs ayant scindé en deux le cercle fragile qui le tenait prisonnier, comme l’oiseau enclos mais porteur d’ailes et dont le devenir est d’être véloce, presque immatériel, il en résulta Ciel et Terre destinés, par Erôs, à s’unir et à procréer aussi bien les dieux que les hommes, les lynx ravageurs de troupeaux et les grues voyageuses.

 

Intéressantes similitudes entre la vision du chaos originel et les théories du physiologue ionien Anaximandre de Milet (VIe siècle) qui en eut probablement connaissance. L’Apeiron d’Anaximandre ou Infini illimité, contient tous les contraires comme le chaud (soleil) et le froid (terre) dont la fusion permet aux créatures animées d’apparaître. Première solution au problème de l’Un et du Multiple qui découle de cet Un et y retourne après un cycle déterminé. Problème qui obséda tous les philosophes grecs.

 

La nécessité de s’extraire du bourbier qu’est la vie humaine (et pour Orphée, le plus abominable des supplices, dans l’Hadès, est d’être immergé dans la fange ; ce fut là, d’ailleurs, l’un des rites initiatiques des Mystères d’Eleusis, si l’on en croit l’imprudent Aristophane) est à l’origine des spéculations orphiques. L’homme reste une créature ambivalente, capable du meilleur et du pire, doué d’attributs mâles ou femelles dont les prérogatives l’égarent. Pareille dualité, répétons-le, est due à son origine dramatique (Dionysos dévoré par les Titans, cet épisode donna lieu à des rites qui se perpétuèrent longtemps ; à Ténédos, par exemple, des enfants étaient immolés et mangés ; il ne faut jamais oublier que les sacrifices de bêtes ne sont qu’un substitut).

 

Donc Orphée, aussi compatissant qu’intransigeant, propose à ses adeptes d’être des purs. La vie sur cette terre n’est en elle-même que l’occasion d’un choix. Représente-t-elle vraiment une punition ? Les chrétiens, plus tard, se sont plu à décrire la longue suite d’afflictions qui est l’inévitable lot des créatures humaines. Mais en vérité Orphée attribue nos maux uniquement à ces actes que nous mettons au monde jour après jour, à ces pensées discordantes qui prolifèrent en nous, dans la veille comme dans le sommeil. Nulle morale n’est en cause que celle de l’évidence : toute laideur est contagieuse et l’homme dépare le monde quand il se conduit mal.

 

Chacun est l’artisan de sa perte. Chacun doit vivre de manière à éviter la répétition des mêmes erreurs à travers des existences similaires, menées aveuglément, donc vainement. Quiconque ignore cette vérité tombe et retombe dans le piège. Etayée par une telle certitude, l’œuvre de Platon met en garde contre l’enchaînement malencontreux des renaissances. Il envisage dans Le Cratyle, par exemple, la collusion révélatrice des mots sôma (corps) et sêma (tombeau). Les interdits qui s’ensuivent et qui n’ont rien de brimades arbitraires ne servent qu’à rétablir l’équilibre perdu, entre les appétits et leur assouvissement. L’ego dévastateur, l’ego puérilement tendant les bras vers tout ce qui est désirable, il importe de le tenir en respect.

 

          


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L’Orient où est explicitée une doctrine des réincarnations, antérieure au Bouddha (VIe siècle), féconda-t-il la pensée grecque à distance ? L’Orient où la pensée ascèse, dans le même temps, était prônée ? Qui peut, grâce à une claire vision des mécanismes maléfiques, maîtriser en soi le désir du désir, celui-là passera enfin le seuil de la délivrance. Orphée, dans ses chants, dont l’envoûtante beauté s’apparente à la voix des oiseaux et apaise nos tempêtes intérieures, continue à nous annoncer cela, qui n’a pas de prix.

 

Quels sont ces commandements particuliers, ou plutôt ces recommandations qui rétablissent la santé de l’âme, enfin responsable de son propre sort ? Il faut s’aimer soi-même pour se vouloir beau. Narcisse n’avait pas tort. Mais il faut s’aimer suffisamment pour désirer sa propre transsubstantiation, pour désirer n’être plus que miroir d’eau, miroir de l’Univers incidemment incarné ici et là, mais qui se fait et se défait sans cesse.

 

La beauté des créatures, interchangeables malgré leurs différences, appelle le respect. Tuer son semblable est le premier des crimes ; comme tuer des bêtes sauvages ou domestiques qui, dans le germe de leur excellence, l’égalent aux dieux.

 

Il découle de cet interdit premier que manger de la chair rend l’homme impur, et donc le condamne à des expiations sans fin. Evidemment, les sacrifices sanglants, par lesquels on a accoutumé de rendre hommage aux dieux, sont répréhensibles. Ils doivent être remplacés par des offrandes de fleurs, de fruits, de lait, de miel.

 

Hérodote rappelle (l’Enquête 2, 123) que les Grecs prirent le concept de l’immortalité de l’âme aux Egyptiens, et de sa transmigration. Pour les Egyptiens, l’âme, après une première existence humaine, entre dans le corps des diverses créatures animales peuplant le monde (du moins l’interprétation « exotérique » que l’on a faite ? !). D’où le culte qu’ils ont pour les bêtes sauvages et domestiques, et leurs dieux zoomorphes. Après trois mille ans de pérégrinations, l’âme s’incarne à nouveau dans une apparence humaine, riche d’une expérience qui lui permettra d’atteindre à sa propre essence divine, à l’union avec l’Un que cette créature humaine est redevenue, et avec le Multiple qu’elle a incarné et en quoi l’Un ne cesse de se subdiviser.




 

Acropole-grec

 

 

 

En bref, le précepte essentiel est d’éviter toute souillure. La souillure s’attache au meurtre, à la mort comme à la vie qui lui est liée, donc à la naissance. On n’approchera pas d’une femme qui vient d’enfanter, faisant entrer par-là un être dans le cycle des réincarnations. (La roue est l’un des symboles d’Orphée – la roue bouddhique – avec l’échelle qu’on retrouve comme moyen d’accéder aux espaces célestes, dans toutes les mystiques).

 

On évitera aussi le contact des morts et même des cercueils. Le port d’un vêtement blanc est bien entendu de très bon aloi. Il annonce qu’on tend vers l’état de candeur qui permettra l’accès aux îles des Bienheureux (cités par Pindare dans sa Seconde Olympique).

 

Les Mystères orphiques permettaient à l’initié de se croire arrivé à la dernière étape de ce long cheminement où joies et douleurs fondent sur le pèlerin. La béatitude est le prix d’une décantation lente qu’il ne faut pas confondre avec une ascèse toute formelle. Il s’agit non de se refuser aux plaisirs quelconques, mais de les reconnaître pour dérisoires et veules.

 

Enfin l’âme s’épanouit, elle exulte à cause de sa propre beauté. Une simple fleur, dans le raffinement exquis de ses nuances et de ses contours, resplendit autant qu’une étoile. Pour en arriver là, l’initié a observé les règles données par Orphée : le respect du serment, l’aide fraternelle, l’absence de trivialité dans le plaisir, la sobriété, la piété envers les dieux, l’émerveillement toujours avisé par un contact permanent avec l’univers, la pratique du chant, de la musique, la connaissance de certains pouvoirs naturels qu’on acquiert en vivant dans le rayonnement des plantes, des arbres, des sources, du vent, et qu’il ne faut pas confondre avec la magie.

 

Il est impossible, comme pour les Mystères d’Eleusis qui ne font que reprendre des éléments identiques, de savoir en quoi consistait l’initiation orphique, les Télétaï. Les fameux chants d’Orphée comportaient d’abord des hymnes adressés aux dieux et célébraient leur existence et leur nature propre ; ils étaient accompagnés de prières demandant secours et protection. Platon, non sans mépris, fait allusion à des jeux. Mais à quelle sorte de jeux les initiés aux Mystères orphiques pouvaient-ils se livrer ? Mimaient-ils, couronnés de jacinthes et d’anémones, et dansant pieds nus sur l’herbe, parmi les chants du rossignol, du coucou, de la huppe, le bonheur naïf, léger, enfantin en quoi ils avaient foi et qui devait irriter les « non-purs » ? Car, pour ces humbles orgueilleux, le reste de l’humanité demeurait dans l’ignorance et l’aberration.

 

« Allons, hommes, qui par nature vivez obscurs, semblables à la feuille, impuissantes créatures pétries de limon, fantômes inconsistants pareils à des ombres, êtres dépourvus d’ailes, éphémères, infortunés mortels, hommes semblables à des songes, prêtez votre attention à nous les immortels, toujours existants, exempts de vieillesse, occupés de pensées éternelles, afin qu’après avoir entendu de nous toute la vérité sur les choses célestes, connaissant à fond la nature des oiseaux, la genèse des dieux et des fleuves et de l’Erèbe et du Vide, vous puissiez, de ma part, envoyer promener Prodicos désormais. »

 

« Ou peut-être dans les retraites

De l’Olympe aux bois touffus,

Où la cithare d’Orphée,

Jadis, par ses accents, rassemblait

Et les arbres et les bêtes sauvages. »


 

Les mystères de Delphes

 

« Connais-toi toi-même – et tu connaîtras l’Univers et les Dieux. » Inscription du temple de Delphes.

 

« Le Sommeil, le Rêve et l’Extase sont les trois portes ouvertes sur l’Au-Delà, d’où nous viennent la science de l’âme et l’art de la divination. »

 

« L’Evolution est la loi de la Vie.

Le Nombre est la loi de l’Univers.

L’Unité est la loi de Dieu. »

 

« Tu trouveras à gauche de la demeure d’Hadès, une source, et près d’elle, un cyprès blanc dressé ; de cette source ne t’approche absolument pas. Tu en trouveras une seconde, qui fait couler son eau fraîche. A partir du marais de Mnémosyne ; devant elle, il y a des gardiens. Dis : Je suis l’enfant de la Terre et du Ciel étoilé, et ma race est céleste ; cela, vous le savez aussi. Je suis desséchée de soif et je meurs ; donnez-moi vite l’eau fraîche qui coule du marais de Mnémosyne. Et ils te donneront à boire de cette source divine. Et dès lors tu règneras parmi les autres Héros. »

 

« Je suis desséché par la soif et je meurs. – Eh bien, bois à la source jamais tarie, à droite où est le cyprès. Qui es-tu ? D’où vient-tu ? Je suis fils de la Terre et du Ciel étoilé. »

 

« Pure, je viens d’entre les purs, ô souveraine des enfers, Euklês, Eubouleus et vous tous, dieux immortels ; car je me flatte d’être de votre bienheureuse race. Mais la Moire m’accable, et d’autres dieux immortels (…) et la foudre, frappée des astres. Du cercle pénible et dur à supporter je me suis envolée, et mes pieds rapides je me suis élancée vers la couronne désirée. Dans le giron de la souveraine, de la reine de la Terre, je me suis enfoncée ; de la couronne désirée, j’ai chu avec mes pieds rapides. Ô heureux, bienheureux, au lieu de mortel, tu seras dieu. Chevreau, je suis tombé dans le lait. »    Orphée.

 



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Sôma = Sêma  -  Corps = Tombeau

Naître, c’est déjà Mourir !

 

« L’homme est le rêve d’une ombre »  Pindare, Huitième Pythique.

 

 

Orphée, étant descendu chez Hadès à cause de sa femme et ayant vu le monde d’en bas tel qu’il était, cessa d’honorer Dionysos, et regarda dès lors Hélios comme le plus grand des dieux, l’appelant Apollon. S’éveillant la nuit à l’aube, il montait, sur la montagne appelée le mont Pangée et attendait le lever du soleil, afin de voir en premier Hélios. C’est pourquoi Dionysos, pris de colère contre lui, envoya contre lui les Bassarides, ainsi que le raconte Eschyle, le poète tragique : elles le déchirèrent en morceaux et elles jetèrent ses membres séparément les uns des autres ; mais les Muses, les ayant rassemblés, les enterrèrent dans la ville appelée Lébethra.

 

Malgré l’effort des initiés, le polythéisme n’avait abouti en Asie, en Afrique et en Europe qu’à une débâcle de la civilisation. Cela n’atteint plus la sublime cosmogonie d’Orphée si splendidement chantée, mais déjà diminuée par Homère. On ne peut en accuser que la difficulté pour la nature humaine de se maintenir à une certaine hauteur intellectuelle. Pour les grands esprits de l’antiquité, les Dieux ne furent jamais qu’une expression poétique des forces hiérarchisées de la nature, une image parlante de son organisme interne, et c’est aussi comme symboles des forces cosmiques et animiques que ces dieux vivent indestructibles dans la conscience de l’humanité. Dans la pensée des initiés, cette diversité des dieux ou des forces était dominée et pénétrée par le Dieu suprême ou Esprit pur.

 

Le but principal des sanctuaires de Memphis, de Delphes et d’Eleusis avait été précisément d’enseigner cette unité de Dieu avec les idées théosophiques et la discipline morale qui s’y rattachent. Mais les disciples d’Orphée, de Pythagore et de Platon échouèrent devant l’égoïsme des politiciens, devant la mesquinerie des sophistes et les passions de la foule. La décomposition sociale et politique de la Grèce fut la conséquence de sa décomposition religieuse, morale et intellectuel.

 

Apollon, le verbe solaire, la manifestation du Dieu suprême et du monde supraterrestre par la beauté, la justice et la divination, se tait. Plus d’oracles, plus d’inspirés, plus de vrais poètes : Minerve – Sagesse et Providence se voile devant son peuple changé en satyres, qui profane les Mystères, insulte les sages et les dieux, sur le théâtre de Bacchus, dans les farces aristophanesques. Les Mystères eux-mêmes se corrompent ; car on admet les sycophantes et les courtisanes aux fêtes d’Eleusis. Quand l’âme s’épaissit, la religion devient idolâtre ; quand la pensée se matérialise, la philosophie tombe dans le scepticisme.

 

Les Esséniens professaient le dogme essentiel de la doctrine orphique et pythagoricienne, celui de la préexistence de l’âme, conséquence et raison de son immortalité. « L’âme, disaient-ils, descendu de l’éther le plus subtil et attirée dans le corps par un certain charme naturel, y demeure comme dans une prison ; délivrée des liens du corps comme d’un long esclavage, elle s’envole avec joie. » (Josèphe, A. J. H., 8).

 

« Pour l’âme qui vient du ciel, la naissance est une mort » avait dit Empédocle, cinq cent ans avant le Christ. Quelque sublime que soit un esprit, une fois englouti dans la chair, il perd temporairement le souvenir de tout son passé ; une fois saisies dans l’engrenage de la vie corporelle, le développement de sa conscience terrestre est soumis aux lois du monde où il s’incarne. Il tombe sous la force des éléments. Plus haute fut son origine, plus grand sera l’effort pour recouvrer ses puissances endormies, ses innéités célestes et prendre conscience de sa mission.

 




Grece784
 

 

 

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