4. La Hiérarchie angélique
Nous devons la hiérarchie angélique à un certain Denys l’Aéropagite. Membre du Conseil de la Cité (l’aréopage), Denys aurait été converti par Saint Paul au milieu du premier siècle. La tradition rapporte qu’il devint le premier évêque de la ville et qu’il serait mort en martyr. Il fut confondu avec Saint Denys, ancien évêque évangélisateur de la Gaule, martyrisé sur la colline de Montmartre et inhumé en secret dans le petit village de Saint-Denis, en France. Pour éviter toute confusion, on donna à l’auteur de la classification angélique le nom de Pseudo-Denys.
Toutefois, ce n’est pourtant pas à Denys l’athénien que l’on doit la célèbre classification des anges car elle ne fut rédigée qu’au Vème siècle, ce qui signifie que son véritable auteur reste inconnu. Il écrivit plusieurs ouvrages traitant des problèmes mystiques, entre autres sur la nature, les propriétés et la hiérarchie des anges. Ses manuscrits furent reconnus comme des œuvres majeures lors du premier Concile de Constantinople, en l’an 533. Le pape Grégoire le Grand, au VIème siècle, évoqua pour la première fois l’organisation des trois triades de la hiérarchie céleste.
Selon les enseignements du Pseudos-Denys, l’être humain incarné se situe au centre des différents mondes matériels et spirituels, avec les trois règnes minéral, végétal et animal d’un côté, et les trois hiérarchies célestes de l’autre. Uni à la matière par son corps physique, il est aussi relié aux hiérarchies spirituelles et peut contacter les anges par la pensée. Denys révéla l’existence et le rôle des neuf hiérarchies d’entités spirituelles à travers lesquelles l’homme pouvait accéder au divin. La hiérarchie représentait les neuf degrés cosmiques de la sagesse. Sa conception spirituelle évolutive fut bannie par l’Eglise catholique romaine, lors d’un concile en l’an 869 au cours duquel elle rejeta aussi le principe jusqu’alors accepté de la réincarnation.
Au-dessus de l’échelle des êtres, brille l’essence divine, lieu de création et finalité de toute chose, centre et âme du monde, astre de vie d’amour, source première, ultime perfection. De ce foyer suprême sont émis les premiers rayons de lumière qui viennent frapper de leur puissance les intelligences les plus parfaites se situant tout autour du trône divin : les Séraphins. Ceux-ci, pareils à de vastes miroirs réfléchissent l’image obtenue sur les entités qui leur sont directement inférieures, les Chérubins. Et ainsi de suite, en un mouvement descendant, la lumière originelle est transmise hiérarchiquement des Séraphins aux Anges, jusqu’aux hommes. Le but de cette gradation est d’unir et d’assimiler à Dieu. Pour avoir le droit de se fondre en lui au terme de leur accomplissement, les êtres ont besoin d’être illuminés, irradiés, purifiés. Cet éveil progressif suit une loi simple consistant à associer diverses créatures entre-elles dans une interactivité permanente.
Denys classa les Anges en trois hiérarchies divisées en trois chœurs. Saint Thomas d’Aquin donna un sens à cette structure, en précisant les relations de chaque catégorie d’anges avec Dieu et avec l’homme. La première hiérarchie voit la face de Dieu ; la seconde connaît Dieu à travers la contemplation de l’univers ; la troisième se consacre aux affaires humaines. La hiérarchie angélique est une échelle de pouvoirs, de rôles, de fonctions et de responsabilités. Plus les êtres sont proches de Dieu, plus ils sont purs, leur perfection variant en fonction de leur degré d’illumination et de la place qu’ils occupent au sein de la hiérarchie.
1ère Hiérarchie
Les Séraphins – Les Chérubins – Les Trônes
2ème Hiérarchie
Les Dominations – Les Vertus ou Pouvoirs – Les Puissances
3ème Hiérarchie
Les Principautés – Les Archanges – Les Anges
5. Le libre arbitre des Anges
Les anges possèdent une personnalité propre. Chacun porte un nom. Toutefois, ils restent dépendants de l’essence divine dans laquelle ils puisent leur puissance et leur lumière. Il paraît à première vue impossible que les anges aient pu se rebeller contre Dieu, à moins qu’ils n’aient été dotés de libre arbitre car seuls les êtres doués d’intelligence peuvent se déterminer librement, seules les créatures animées d’une volonté propre possèdent la libre détermination de leurs actes.
Les Pères de l’Eglise ne s’accordent pas entre eux sur ce point délicat. Ils ne conçoivent pas le libre arbitre des anges à l’image du nôtre. Celui des anges se révèle dans son intégrité naturelle, dans sa perfection native. Les anges ne délibèrent jamais car ils ont une préhension directe de la vérité. Leur choix est plus pur que le nôtre. Il n’est pas faussé par les désirs, les émotions. Si l’homme est libre de renoncer à l’amour de Dieu, l’ange n’a pas ce choix car il lui est entièrement soumis.
L’ange est une créature intelligente et volontaire, inférieure à Dieu mais supérieure à l’âme humaine. L’Eglise enseigne que les anges furent créés dans un état de bonheur et de grâce perpétuel avec la liberté de choisir entre le bien et le mal. Un certain nombre d’entre eux se révoltèrent contre l’autorité divine, chutèrent et devinrent des démons. Selon l’Eglise, les anges sont des esprits immortels soit purs et saints, soit mauvais et déchus. Apparemment, tous les anges n’étaient pas dévoués à Dieu puisqu’il y eut rébellion et chute.
6. Puissance et missions des anges
Chaque catégorie d’anges est dotée de la puissance convenant à sa position dans la hiérarchie et à sa mission spécifique. Dans la Bible, les anges sont des entités vigoureuses dotées d’immenses pouvoirs. Ils peuvent s’entretenir avec Dieu, opérer des miracles, détourner les lois naturelles, raser des cités entières, prévoir le futur, se déplacer dans les airs, déclencher l’Apocalypse… Nous ignorons jusqu’où s’étend leur puissance sur la matière mais nous savons qu’ils peuvent agir sur elle, parfois d’une manière surnaturelle. Les Ecritures sont remplies de faits merveilleux, d’actes miraculeux attribués aux anges.
Les théologiens pensent que les bons anges exercent une véritable domination sur les démons privés de perfection. Ils les gouvernent à leur guise. Pour Saint Augustin : « L’Ange, déserteur de la vie et dégradé par le péché est régi par l’esprit qui est demeuré vivant, raisonnable, pieux et juste ». Selon Saint Grégoire : « Les Puissances sont des anges supérieurs auxquels sont soumises les puissances opposées. « Selon Saint Thomas, le pouvoir des anges est tel que le dernier d’entre eux commande à Lucifer et se fait obéir de lui.
Or, les actualités du monde témoignent de l’incapacité des « Fils de la Lumière » à vaincre les « Fils des Ténèbres ». Si les nages bons et mauvais étaient entièrement soumis et dévoués à Dieu, où se situerait dès lors leur libre arbitre ? Et s’ils n’étaient que des serviteurs, de simples exécutants de sa volonté, exempts de sentiments et de volonté propre, comment auraient-ils pu se révolter ? La tradition est formelle sur ce point, il y a bien eu faute.
Dès lors, l’insistance sur la souveraineté absolue de Dieu aboutit à inscrire l’origine du mal dans sa propre création. Son ambivalence devient inévitable. Nous pouvons supposer que le libre arbitre des anges soit limité par les diverses missions que Dieu leur confie et par des lois immuables mises en place depuis la nuit des temps. Les démons sont eux aussi soumis à ces mêmes règles. Les anges peuvent devenir à l’occasion les exécuteurs de la vengeance divine. Devons-nous considérer ces derniers comme de bons ou de mauvais anges ? Pendant de nombreux siècles, les Pères de l’Eglise ont pensé que Dieu donnait aux anges rebelles la charge de ces « corvées ». Mais cette idée paraît simpliste. Dans la Bible, les anges sont les ministres de la bonté divine tout autant que ses rayons vengeurs. Lorsque les anges rebelles furent destitués, c’est l’archange Michel et ses légions qui reçurent pour mission de corriger les infidèles. Ce fut de « bons » anges qui chassèrent Adam et Eve du Paradis. C’est un Chérubin armé d’une épée flamboyante qui fut chargé de leur interdire l’entrée du Jardin d’Eden. Ce seront des anges de Dieu qui présideront à l’Apocalypse et au Jour du Jugement dernier, comme c’est eux qui provoquèrent le Déluge universel.
C’est eux encore qui exterminèrent la population licencieuse de Sodome et Gomorrhe. Les messagers de la colère divine sont toujours des anges. Agissent-ils de gaieté de cœur ? Ont-ils leurs « mots à dire » ? Peuvent-ils refuser une mission qui leur semblerait injustifiée ? Le fait est que les anges peuvent parfois être amenés à exercer des ministères et des missions, en totale contradiction avec l’idée que nous nous faisons du bien.
C’est la raison pour laquelle de nombreux théologiens ne leur prêtèrent aucun libre arbitre. C’était l’explication la plus facile. Sans conscience et sans volonté propre, les anges devenaient de simples exécutants placides, effectuant sans état d’âme particulier et sans se poser la moindre interrogation morale, les missions agréables ou douloureuses que Dieu leur confiait. Le mystère reste donc entier… Mais la mission des anges essentielle à nos yeux reste bien entendu celle de « gardien ».
La tradition prête à chacun d’entre nous un ami ailé bienveillant, un frère céleste, un confident, un conseiller, un intercesseur. La croyance en l’existence de l’ange gardien se retrouve dans les plus anciens textes chrétiens, chaque fidèle possédant un ange protecteur chargé de veiller sur sa vie. Les Ecritures saintes ne mentionnent jamais explicitement le terme « d’ange gardien », même si elles décrivent le voyage du jeune Tobie avec son compagnon céleste, l’archange Raphaël qui lui déclara être « toujours présent auprès de lui. » La Bible fait par contre souvent référence aux missions de protection dévolues aux anges.
Au IVème siècle, saint Basile le Grand affirma que tout être humain était accompagné d’un ange protecteur et pasteur. « Chaque homme a son ange gardien qu’il reçoit en naissant » disait Saint Jérôme. « Il ne l’acquiert qu’après le baptême » affirmait Origène, révélant aussi que « chacun a l’assistance de deux anges, un ange de justice, un ange d’iniquité. Si de bonnes pensées occupent notre cœur et si la justice a produit de nombreux fruits en nous, nul doute que ce soit l’ange du Seigneur qui nous parle ; mais si ce sont de mauvaises pensées qui s’agitent dans notre cœur, c’est l’ange du diable qui nous les suggère. » Selon lui, nous aurions non pas une, mais deux entités à nos côtés, la première nous incitant au bien, la seconde au mal.
Les missions des anges gardiens sont nombreuses et diversifiées. Ils nous transmettent tout ce que véhiculent leurs rayons : lumière, sagesse, amour, savoir… Ils nous protègent des dangers et nous en avertissent au besoin. Les anges peuvent adoucir certains moments de crise mais ils ne peuvent agir contre les lois, les forces et les cycles cosmiques. Il agissent en sauveteurs seulement quand cela leur est permis. Les anges assurent aussi le lien avec la divinité. De par leur mission spécifique d’intermédiaires entre le plan physique et les mondes spirituels, ils intercèdent et prient pour nous. Circulant constamment entre notre âme et le divin, ils nous assistent dans nos prières et transmettent toutes nos demandes et requêtes.
Les anges nous écoutent, nous consolent et nous aident utilement. Ils sont tout prêts de nous, tels des colonnes resplendissantes de lumière. Grâce à leur situation privilégiée, ils voient les effets dans les causes et les causes dans les effets et donc, ils connaissent l’avenir. Les anges sont nos muses. Ils nous distillent le sens du beau. Par le biais de l’inspiration, de l’intuition, des rêves et de notre petite voix intérieure, ils nous enseignent le sens de l’harmonie et de la beauté. Ils nous donnent de précieux conseils, guident notre créativité, agissent sur notre imagination à travers des impressions plus ou moins vives, des symboles, des images, des sensations, des émotions. Ils tentent de nous inciter au bien de manière inconsciente et douce. A ce titre, ils sont des initiateurs et des instructeurs. Saint Thomas disait que la connaissance des choses célestes nous arrivait par des révélations angéliques. A l’occasion, ils deviennent des « guides » et des « maîtres » spirituels.
Les anges exercent une action sur la volonté des hommes soit intérieure soit extérieure. Par l’intérieur, lorsqu’ils nous inspirent, par l’extérieur lorsqu’ils nous font des « signes » nous amenant à suivre une voie plutôt qu’une autre. Toutefois, leurs actions restent limitées à notre libre-arbitre. Enfin, les anges nous accueillent au moment de la mort. De nombreuses personnes au seuil du trépas ont décrit des apparitions angéliques d’une grande beauté. Des individus déclarés cliniquement morts sont revenus miraculeusement à la vie et ont raconté avoir éprouvé le sentiment diffus d’une « présence » accompagnatrice et rassurante.
Les puissances et missions bienfaitrices des entités de lumière sont malheureusement contrecarrées par celles appartenant au « camp adverse », c’est-à-dire les démons. Bien que soumis aux mêmes lois, ces derniers possèdent un avantage énorme sur les anges, ils travaillent dans et sur la matière, et ce plan constitue leur terrain de prédilection.
1. Introduction
La démonologie est liée de près à l’angélologie puisque les démons ne sont rien d’autres que d’anciens anges déchus, c’est du moins ce que la tradition enseigne. La démonologie est la science qui étudie les créatures infernales. Un démon est un être surnaturel capable d’influer sur l’existence humaine, généralement de façon maléfique. Il est présent, sous des formes diverses, dans la plupart des religions.
Le mot « démon » vient d’un mot grec ancien, daimon, désignant des êtres intermédiaires qui pouvaient autant améliorer la vie des gens qu’exécuter la sentence des dieux. Le daimon grec n’était pas un être malveillant par nature puisque Socrate avait le sien et qu’il s’en portait fort bien. La démonologie enseigne que les anges eurent le choix entre le bien et le mal. Certains choisirent le mal, s’éloignèrent de Dieu et devinrent des anges des ténèbres. Les objectifs de la démonologie sont d’opérer une classification des mauvais esprits, de connaître leurs histoires, de comprendre la manière dont ils opèrent et de tenter de les invoquer afin d’obtenir leurs faveurs.
Les démons sont des entités maléfiques qui, au même titre que les anges, président aux destinées humaines mais dans un sens négatif. Considérés comme « nécessaire » au dogme puisque s’opposant aux anges de bien, les démons se sont vite trouvés une physiologie, un domicile et des occupations. En se basant sur l’angéologie babylonienne et hébraïque, on affirma que les anges déchus peuplaient la terre.
Ils étaient partout, notamment dans l’air et n’avaient qu’un but, nous inciter au mal en permanence. Pratiquement absent aux débuts de la pensée juive, le diable et son armée devinrent peu à peu des acteurs essentiels. Les premiers livres de l’Ancien Testament ne laissent apparaître que quelques rares créatures maléfiques dont, la plus connue est sans conteste le serpent. Aux Egyptiens, les Hébreux empruntèrent l’idée que les démons résidaient dans des lieux désolés. Dès lors, le désert devint un lieu peuplé de serpents brûlants et d’étranges êtres ailés. Dans le Lévitique, Azazel, le démon du désert, reçoit le bouc émissaire chargé des impuretés d’Israël. Sur les montagnes règnent des monstres velus, caprins ou bovins auxquels on offre des sacrifices. Peu à peu, l’imaginaire juif se peuple de créatures diaboliques inspirées par les dieux des civilisations rencontrées au cours de l’Exode (à Babylone notamment).
Job cite deux monstres primordiaux, Béhémoth et Léviathan, décrits respectivement comme un hippopotame et un crocodile. Job et Isaïe parlent de Lilith (la première femme d’Adam), un redoutable démon femelle dévoreuse d’enfants. Le Livre de Tobie présente Asmodée comme le pire des démons, celui qui tua les sept maris de Sara. Dans les Evangiles, les démons sont appelés des « esprits immondes », des « esprits damnés » ou encore des « esprits agités ».
Par opposition aux anges demeurés dans la clarté, Satan et ses disciples ne pouvaient être que « noirs. Le diable prit, sous l’influence de l’Eglise, particulièrement durant le Moyen Age, une dimension de plus en plus effrayante. Autant les anges de lumière représentaient un idéal de sublime perfection, autant les démons et leur maître furent figurés comme des êtres monstrueux capables de se transformer à volonté pour mieux duper les mortels. Comme l’Eglise accordait au diable un physique polymorphe, aucune règle ne fut imposée aux artistes chargés de le représenter. L’important était de lui donner un aspect repoussant afin de l’opposer à la beauté de Dieu et de ses anges, et bien évidemment de tétaniser les fidèles.
Des créatures hybrides effrayantes et hétéroclites, des hommes insectes, oiseaux ou mammifères aux têtes multiples furent figurées avec un rare talent par le peintre belge Jérôme Bosh, dans un véritable « fourmillement diabolique ». Devant l’imagination débridée de certains artistes, l’Eglise dut se résoudre à interdire, par le Concile de Trente en 1563, certaines images jugées grotesques, scandaleuses ou provocantes, particulièrement dans les lieux de culte. Les portraits fantastiques brossés par les légendes venues d’Orient, les visions tourmentées des moines et des nonnes dans les couvents, les sermons des prêtres durant les offices exhortant les fidèles à avoir peur du malin, alimentèrent les aveux des sorcières soumises aux supplices de l’Inquisition. Elles avouèrent n’importe quoi, même les descriptions les plus extravagantes.
Si jadis, le diable effrayait les peuples, aujourd’hui magie et sorcellerie font plutôt recette. « Harry Potter » est le livre le plus vendu dans le monde après la Bible ! Cette littérature d’apparence anodine et les films qui lui ont été consacrés constituent auprès de la jeunesse une incitation à l’esprit satanique. Depuis leur sortie, les associations de sorciers n’ont jamais reçu autant de demandes d’adhésion ! De nos jours, la fête d’Halloween a remplacé la traditionnelle fête de la Toussaint. Extérieurement festive, elle pousse insidieusement les jeunes à s’intéresser à la magie noire. Elle les incite à aimer ce qui est laid. Films d’horreur et jeux vidéo font le reste. Blasés, les jeunes réclament des sensations de plus en plus fortes.
Dans une société en manque de repères, les adolescents ne croient plus en Dieu ni à ses anges, au demeurant parfaitement absents de notre monde. Si Dieu promet un utopique paradis, après bien des privations, Satan pour sa part offre des réalités concrètes à savourer immédiatement comme la drogue et le sexe. Que demande-t-il en échange ? Presque rien – votre âme – que vous lui cédez, au bas d’un parchemin signé de votre sang. Ce pacte que sorciers et sorcières passaient jadis avec le démon leur conférait la puissance magique mais condamnait leur âme à vivre pour l’éternité dans les tourments de l’Enfer, c’est du moins ce que prétendait l’Eglise. Un fait est sûr, Satan a beaucoup plus d’atouts dans son jeu que son « adversaire » et nous constituions à ses yeux des proies bien faciles…
2. Apparence des démons
Les démons ont leurs propres caractéristiques physiques. Certains gardent une apparence relativement humaine, d’autres arborent des formes polymorphes mélangeant des animaux connus ou légendaires. Chaque démon a ses spécialités et peut être invoqué de manière à agir dans ses domaines de prédilection. Nous n’aborderons pas dans ce dossier l’invocation des démons, de la manière que nous n’avons pas évoqué la magie angélique, par manque de place, et aussi parce que nous ne souhaitons pas inciter nos lecteurs à de telles pratiques.
Nous avons du diable et de ses légions une vision naïve. Les caractéristiques physiques grotesques qui lui ont été attribuées en Occident, provenaient d’anciennes représentations orientales : un nez en bec de vautour, des oreilles pointues, des ailes de chauve-souris, des cheveux hirsutes, de longues dents acérées, des pieds et des cornes de bouc, une queue et une langue fourchues, des sabots de cheval…
Satan représente l’image même de la bestialité, de l’instinct animal, des forces primitives. On a mis en exergue sa cruauté et la bassesse de son âme. Ses traits hideux, son corps difforme rappellent qu’il n’est que le « singe » de Dieu. On l’a représenté avec des visages sur son bas-ventre ou sur ses fesses que sorciers et sorcières devaient embrasser lors des sabbats au moment du baiser infamant ou osculum infame. Satan est un traître, un fourbe, un menteur habile et rusé. Il règne sur un kyrielle de créatures infernales plus abominables les unes que les autres et s’incarne en une multitude d’esprits retords formant les soldats de son armée. Etre hybride, Satan est une créature dotée d’une grande capacité de transformation.
Il peut prendre l’aspect d’êtres hybrides mi-hommes mi-animaux, sortes de dérivés des satyres de l’Antiquité, de faunes (hommes chèvre avec des cornes de bouc et des pieds fourchus). La plus rusée de toutes les créatures vivantes que le diable peut incarner est bien évidemment le serpent, préfigurant le mal dans l’Ecriture. Il est le tentateur par excellence. On le figure, enroulé autour de l’arbre de la connaissance et parfois, on l’affuble d’une tête humaine. L’image du serpent est destinée à souligner son côté luxurieux et répugnant. Le diable prend aussi l’apparence d’un dragon, animal redoutable crachant du feu et possédant deux ou quatre pattes, une queue de reptile, un corps recouvert d’écailles et une ou plusieurs têtes monstrueuses. Saint Jean, dans son Apocalypse, présenta Satan comme un dragon couleur de feu avec sept têtes et dix cornes.
Il évoqua aussi un « un léopard, avec des pieds d’ours et une gueule de lion. » Le malin prend souvent plaisir à se montrer sous l’apparence d’une bête sauvage : « Le diable, comme un lion rugissant, rôde cherchant qui dévorer » lit-on dans la Bible. L’image du lion indique sa puissance et la royauté qu’il exerce. Si l’ours est avide, le lion est fier et orgueilleux. Le renard, associé à la ruse et à la malice est un autre symbole du diable tout comme les rapaces, les chauve-souris, les oiseaux nocturnes, les aigles, les vautours et les insectes nuisibles.
Il se révèle également à travers des « harpies » empruntées à la mythologie antique, de harpies, de « chimères », de centaures et de griffons. Avec le recul, la manipulation iconographique chrétienne paraît évidente. Au début, le diable avait une forme humaine sans aucune connotation effrayante. C’est sous la pression ecclésiastique qu’il prit une dimension repoussante. La première apparition figurée de Lucifer se trouverait, selon l’ouvrage « Les Anges et les Démons » de Sophie Cassagnes Brouquet, dans l’église égyptienne de Baouit. Le diable y serait montré sous les traits d’un bel ange. Seule la couleur sombre de sa peau permettrait de le distinguer. Lucifer n’était-il pas le plus bel ange de Dieu ? Aurait-il pu séduire Eve, s’il en avait été autrement ? N’évoque-t-on pas régulièrement la « beauté » du diable ? Bref, peut-on attraper les mouches avec du vinaigre ? Nous ne le pensons pas. Nous attirons votre attention sur le fait que Lucifer et Satan sont deux entités distinctes ayant « fauté » de manière différente. Il y a chute et chute !
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