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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 20:58

Orphée l’enchanteur

Billet d’humeur sur le Ré-enchantement du Monde

   

Le souffle d'or

 

Ré-enchanté la vie et le monde, voilà une bien étrange idée, une idée cocasse même…

Ce que nous pensons être la réalité de la vie, disons les règles de l’existence, que nous nous imposons, est influencée par tout un réseau de pensées, de symboles, de traditions et de croyances. En somme, la vie n’est pas ce que nous voyons mais ce que nous croyons. Si nous croyons à la violence des marchés et du libéralisme, au cynisme politique et économique, aux violences raciales et sociales alors le monde sera-t-elle que nous l’imaginons.

On me rétorquera, sans doute, que tout cela n’a rien à voir ; que la vie dans la cité, c’est-à-dire le monde extérieur, doit avoir des règles qui lui sont propres (propres à sa survie) et que les idéaux et les utopies doivent rester dans l’imaginaire humain. La vie intérieure ne devant pas empiéter sur la vie extérieure.

Que constatons-nous aujourd’hui, l’existence devient de plus en plus difficile et précaire pour un maximum de gens. La crise économique et financière, et sans doute la récession qui s’annonce, resserre son étau sur nos rêves d’une vie meilleure, plus épanouie, plus riche et plus belle. Des nuages noirs s’amoncellent sur notre avenir promettant des lendemains qui déchantent.

Pourtant, imperturbablement le soleil se lève chaque matin et brille de mille feux comme autant de flammes d’amour qui partent dans toutes les directions de l’Univers pour l’en nourrir. Sur son passage, la Terre est aussi inondée de lumière. 

 

soleil

  

Ô Hélios, dieu de lumière tu es le plus merveilleux et le plus grand de tous !

Quoi qu’il arrive, quoiqu’il advienne pour le genre humain, le soleil est là, il brille de mille éclats, il remplit son rôle dans le grand dessein de la Création. Et son rôle, c’est l’Amour ! Car l’amour s’est l’envie de vivre, l’envie d’abondance, l’envie de croissance et finalement l’envie d’aimer ce qui revient au même. Car vivre s’est aimé, c’est rayonner de lumière et d’amour.

Le possible ré-enchantement du monde est là, à porté de main, où plutôt à chaque levé du soleil pour que ce dernier s’élève enfin dans nos cœurs.

Ô Hélios, enchante ma vie et mon cœur, donnes-moi une raison de vivre et d’aimer ! 

 

Grec78a4

   

 

 

 

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 18:57

J’ai vu le jour de l’Apocalypse

Billet d’humeur sur un monde en décrépitude

   

Tyrell-Office02

 

J’ai vu le jour de l’Apocalypse.

C’était un jour ordinaire, je me promenais en ville, et je flânais de-ci de-là. Je cherchais quelques produits et accessoires divers pour combler mes désirs matériels du moment.

Je déambulais dans les rues de la ville, c’était un samedi après-midi je crois, le temps était pluvieux un peu verglacé en ces premières journées d’hiver, le vent soufflait par intermittence. En ce début de week-end, journée de détente et de shopping, il y avait une foule immense et bigarrée qui déambulait dans les rues à la recherche de bonnes affaires à réaliser.

J’étais seul, et je me suis mis à penser à toi, à ma dernière relation amoureuse. Oh, était-ce vraiment de l’amour ? C’était-on vraiment aimé ? Je ne m’en souviens presque plus, tout cela me semble désormais si loin comme dans un rêve.

Dans un éclair, un sursaut de conscience, je venais de réaliser que ma vie sentimentale et sociale était d’une pauvreté sans nom. Je n’avais « aimé » que pour mon plaisir personnel comme on achète un produit dans une galerie marchande.

Je vivais dans un univers social réduit à la simple satisfaction de mes désirs égocentriques. Dans ma médiocrité existentielle, je ne faisais les choses que pour la satisfaction de ma modeste personne.

Tout en marchant dans la rue, je décidais de lever les yeux et d’étendre mon regard autour de moi. Ce jour-là, j’étais calme, impassible et même inexpressif comme à l’accoutumé.  

 

blade runner

 

 

Quel ne fut pas ma surprise de constater, étrangement, que les gens de cette ville avaient tous le même regard inexpressif et tourné à l’intérieur d’eux-mêmes. Pas un son, pas un bruit ne sortait de cette foule informe. Ils erraient comme des ombres entre les étales des marchands. Savaient-ils, au moins, ce qu’ils cherchaient, je me suis permis d’en douter car moi-même je ne savais plus ce que je faisais là…

Je voyais des hommes et des femmes qui marchaient droit devant eux sans se regarder dans l’indifférence la plus totale.

Je voyais des commerçants et des vendeurs ambulants qui cherchaient à attirer l’attention du public pour vendre toujours plus.

Je voyais des grands panneaux publicitaires qui promettaient subtilement et parfois maladroitement une vie meilleure en achetant tels ou tels produits.  

 

Blade Runner city4

 

Je voyais sur des écrans de télévision les discours mensongers des hommes politiques qui certifiaient, à grands renforts d’arguments, que la crise économique était derrière nous, et que nous aurions des lendemains qui chantent contre l’espérance de quelques voix électorales âpres à satisfaire leurs ambitions politiques.

Je voyais le regard désabusé d’un jeune homme qui essayait d’aborder ces homologues féminins, dans le but de faire une rencontre, effet sans retour.

Je voyais une superbe jeune femme, élégamment accoutrée, qui déambulait nonchalamment dans la rue pour attirer le regard des hommes, ce fut sans résultat. 

 

bladezhora

 

 Je voyais le regard désespéré et à la fois résigné d’un mendiant assis au coin d’une rue qui tendait une affiche et un bol dans l’espoir de recevoir une modeste aumône, ce fut sans effet.

Je voyais une manifestation de salariés en colère parce que leur usine était menacée de fermeture et d’une délocalisation à cause de la crise, et tenter d’attirer l’attention  des pouvoirs publics sur leurs sorts, ce fut perdu d’avance.

Je voyais la foule des badots qui marchaient dans le vide et qui évitaient de s’approcher des laissés-pour-compte de la société, des sans-domiciles fixes devenus mendiants pour survivre.

Je voyais les gens faire semblant de ne pas voir ces individus abandonnaient à leurs propres sorts car, semble-t-il, la pauvreté est comme une maladie honteuse qui s’attrape sans crier gare.

Je voyais des jeunes gens s’émerveillaient de communiquer sur Internet pour rencontrer d’autres personnes à l’autre bout du pays ou du monde, ce fut étonnant.  

 

blade runner mariee1            Blade-runner-Roy

  

 

  

Je voyais des personnes hypnotisées dans leurs canapés en regardant des émissions de télé-réalité où des jeunes garçons et filles se comportent de façon idiotes, ce fut affligeant.

Je voyais des supporters hurlaient leurs soutiens à tels ou tels équipes de sport comme si leurs vies et leurs bonheurs en dépendaient, ce fut consternant.

Je cherchais le regard de mes semblables pour tenter de comprendre ce qui se passait-là en cet instant, ce fut en pure perte, leurs regards étaient froids et fuyants.

Je venais de réaliser que passer toute une vie sans aimer était aussi vide de sens que cette société marchande où tout à un prix même l’amour.

Le ciel s’était tût, il n’y avait pas un seul appel de désespoir qui puisse trouver le moindre écho dans les cieux. Les anges étaient devenus sourds et aveugles aux suppliques des hommes. Comment pouvaient-ils détourner le regard des souffrances humaines ? Nous détournions, nous-mêmes, le regard de nos semblables ; peut-être que les anges voulaient nous faire comprendre quelque chose…  

 

Blade Runner cyborg1

  

Ce qui me frappa ce fut le regard vide et dénué d’espoir de mes contemporains. Ils étaient réduits à une simple mécanique comme on remonte le ressort d’un automate pour qu’il puisse remplir sa fonction. Cette ville était remplie de corps sans âme qui déambulaient dans un monde où l’amour n’a pas sa place.

Oui, ce jour-là ce fut l’Apocalypse, mais à mon grand désespoir, je venais de prendre conscience qu’il en fut ainsi tous les jours, comme une même journée qui se répète sans cesse, comme un disque rayé qui ne peut franchir le sillon suivant, comme une musique qui ne peut élever son octave.

Et si, dans un ultime espoir, l’Apocalypse pouvait faire émerger un monde nouveau où le besoin d’amour, de fraternité et de reconnaissance humaine puissent enfin trouver sa place. Un monde où les problèmes économiques et sociaux trouvent enfin leurs résolutions. Un monde où le besoin d’aimer et d’être aimé puisse trouver enfin pleine satisfaction car la solitude affective et sentimentale est à la mesure du désert économique et sociale qui s’est emparé de nos villes et de nos cœurs.

J’ai vu le jour de l’Apocalypse, ce fut une journée ordinaire, comme un samedi après-midi en ces premières heures d’hiver.  

 

Blade-20Runner

 

   

 

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9 avril 2010 5 09 /04 /avril /2010 17:31

La naissance d'un nouveau Soleil

   

L'émergence de ce qui vient en vous !

 

  

 

 

Avènement

 

 

A propos de cette Rome historique et qui est désormais vaticane, mes amis, elle n’est qu’un aspect de la force de l’ « anti-Shambhala » dont tout être en ce monde se fait le fidèle représentant à chaque fois qu’il laisse s’exprimer de façon débridée ce que l’on appelle l’ego. Ainsi, je le répète, la Rome vaticane ne fait que se conformer à la Rome intérieure de chacun. Elle imite purement et simplement le modèle de fonctionnement de l’ensemble de l’humanité terrestre. Le Principe de Rome est depuis toujours un principe d’agitation ; agitation matérielle et émotionnelle par le besoin de satisfaction de toutes les ambitions et agitation mentale enfin, par le détournement de la conscience de son propre centre donc de son but. Il y a deux mille ans et plus, la Rome historique promettait à son peuple « du pain et des jeux ». La Rome intérieure, depuis le commencement des temps et jusqu’à nos jours n’a pas non plus d’autre slogan. La bannière de l’ego exacerbé demeure invariable. C’est une bannière totalitaire, contre-révolutionnaire qui pratique l’étouffement de conscience.

 

- Pourquoi dis-tu « ego exacerbé » ? Voudrais-tu sous-entendre qu’il existe un « ego tolérable » ?

 

- Mais interroge-toi donc… ! Quelle est cette mode qui fait de l’ego systématiquement et sans discernement l’ennemi à abattre ? Tout d’abord sache que la Vie n’a pas d’ennemi. Elle est présente au cœur même de ce que vous appelez la mort et de ce que vous nommez erreur et obstacle. La Vie se déguise constamment pour tirer de vous le meilleur parti. Elle revêt mille masques pour extraire de votre cœur sa quintessence… la cinquième essence qui fleurit au centre des quatre branches de la croix. La Vie a besoin de l’ego.

 

Celui-ci est son outil privilégié, le médiateur incontournable et merveilleux entre la matière engourdie, en quête de son devenir et la Supra-conscience de « Ce qui est ». S’acharner inconsidérément sur l’ego revient à confesser l’ignorance de sa fonction.

 

Si vous ne pouviez dire « moi », ou « je », vous ne pourriez entamer de chemin volontaire et authentique vers votre Demeure ; vous ne pourriez en aucune façon entrevoir la Révolution fondamentale. Vous continueriez de subir et de bégayer la même existence basée sur les mêmes principes qui encrassent la conscience jusqu’à l’engluer. Cependant, lorsque je parle d’ « ego exacerbé », je parle de cette énergie plombante qui vous fait prononcer le « moi » et le « je » simultanément et qui donc vous détourne de l’Amour, à la fois chemin et but du chemin. L’outil de libération, le véhicule de l’avance devient alors instrument d’asservissement et moyen de stagnation.

 

Toute chose, voyez-vous, possède son contraire en son propre sein. Seul l’esprit que vous décidez d’y insuffler lui donne sa dimension ascensionnelle… Ainsi, votre personnalité incarnée est-elle toujours une manifestation de « Ce qui vient » en vous. Voyez-la comme un cadeau divin. Le plus adapté possible à vos besoins… non pas, certes, à vos envies. Ce que vous en faites… est autre chose. C’est une affaire entre vous et vous… Affaire de détermination et d’Amour, ou de paresse et d’égoïsme. Toute latitude vous est laissée d’entreprendre la Révolution ou pas.

 

C’est également ainsi que se mettent en place sur l’échiquier les pièces du Gouvernement mondial. La Force Christique qui demeure par nature l’essence de la seule véritable Révolution ne se contacte pas à coups d’arguments philosophiques. Elle requiert la matière comme alliée majeure, c’est-à-dire l’implication de tout être dans l’action. « Le cœur au bout des mains » pourraient être sa devise. Une devise qui suggère instamment de passer de l’état critique à l’état christique.

 

Je sais… lorsque l’on manie une telle expression, on fait peur ou on fait sourire. Etat christique… Cela signifie-t-il en clair que nous ayons tous la possibilité d’atteindre un tel niveau ? Eh bien oui, je vous l’affirme. Encore faut-il comprendre le sens d’une telle affirmation afin que celle-ci ne participe pas à l’enflure de l’ego. L’état christique n’est en aucune façon un état figé par la grâce duquel tout être qui y accéderait serait susceptible d’assimiler son rôle à celui du Maître Jésus, le Christ historique. C’est un état de conscience si affiné, si ouvert, et en expansion permanente telle que plus rien n’est autre que compréhension, sagesse et compassion. L’état christique signifie un état de transmutation constamment communiqué à tous les niveaux de la vie et qui voyage de soi à l’univers, de la cellule à la globalité de l’être. Révéler en son propre cœur la conscience christique ne veut aucunement dire « être le Christ », retenez bien cela ! Cela veut dire tout simplement laisser toute la place en soi au champ de conscience indescriptible qu’Il incarne et rayonne. Cela signifie aussi participer de Sa nature et faire corps avec Elle, volontairement, dans Sa mission ascensionnelle.

  

Sachez maintenant que chacun peut réaliser en lui tout ce que ces concepts suggèrent. La barre n’est trop haute pour personne. C’est une certitude aussi évidente que le lever du soleil chaque matin ! La révolution intérieure et fondamentale que cela implique ne fait pas la distinction entre l’être et l’agir. Elle est analogue à un arbre tout entier en ce sens qu’elle ne privilégie pas les racines au détriment des branches et vice versa. La compréhension de ce mécanisme paraît d’une simplicité enfantine mais bien rares sont ceux qui l’intègrent.

 

Ce qui se passe sur le plan mondial aujourd’hui a ceci d’étrange que l’arbre se résume à un tronc, c’est-à-dire à une manifestation de surface. Ses deux extrémités, terrestre et céleste, l’agir et l’être, sont presque absentes…

 

- … C’est précisément cela qui désespère

  

-  Mais pourquoi désespérer ? C’est un bien ! Du déséquilibre naît la volonté de l’équilibre

et la recherche de sa voie d’accès.

 

Le Gouvernement mondial dont j’évoquais précédemment l’existence et qui s’acharne à brider toutes les manifestations de l’être et de l’agir afin de niveler les consciences représente, à son propre insu, une chance inouïe dans la quête de la maturité christique. La majeure partie de l’humanité terrestre se trouve déjà ou va bientôt se trouver face à ses propres peurs.     Elle se place ainsi dans la situation idéale d’un « ramonage christique » sans précédent. L’impasse qu’elle découvre est si manifeste qu’elle exige la Révolution décisive.

 

C’est cette Lumière qui vient vers vous, vers nous… Quelque chose est en train de se passer… Quelque chose de merveilleux va arriver à la vitesse de l’expansion de cet Univers ! Quelque chose qui va tout changer ! Le cours de l'Histoire ? Et pourquoi pas...

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 17:04

Un nouvel âge s'annonce

   

 

Celui de l'émergence d'un nouveau soleil en notre coeur

 

  

 

 

La Porte de Jade

 

 

 

              « Derrière les gouvernements qui se succèdent, vous avez du sentir la permanence de certaines forces, de certains principes ; cette stabilité ne s’explique que par des puissances occultes qui, en fait, dirigent le monde. » Le seuil du jardin, André Hardellet.

 

               « Certains ouvrages renferment une sagesse différente de la nôtre, et des idées qui pourraient nous faire douter de l’infaillibilité de la parole divine ». Film Au nom de la Rose.

 

               « Le doute est l’ennemi de la foi ». 

   

              - Qu’est-ce donc que le Principe de Rome ?

 

              - Le Principe de Rome est intemporel. Je pourrais l’appeler de tout autre nom, du nom par exemple de chacun des dictateurs que cette Terre a portés et porte encore aujourd’hui. Je pourrais l’appeler même du nom du tyran qui s’agite subtilement en tout être humain et qui est à la racine de la souffrance. Dans l’histoire de votre humanité, ce Principe s’est toujours exprimé à son point culminant de façon périodique… et voici qu’à nouveau vous le portez à son paroxysme… mais avec une démesure qui s’annonce à la hauteur de l’enjeu.

 

              « Il y a environ un siècle et demi que ce processus s’est engagé de façon radicale. C’est un mécanisme qui se base sur les moyens d’action de la pieuvre : une tête et de multiples bras capables de s’engager dans toutes les directions. Il s’agit, en fait, d’une Organisation tentaculaire prétendant régir tous les domaines de la vie, de l’intime au collectif. C’est une Organisation qui fait de vos incohérences son terrain d’action. Elle vous a progressivement invités à entrer dans un jeu dont vous ignorez l’ampleur, les règles et le but. C’est elle qui décide des guerres et des trêves, c’est elle qui vend les armes mais aussi ce qu’il faut pour panser les plaies. C’est elle qui fait nommer les chefs d’états, nombre de responsables religieux et vous dit ce qu’il convient de croire ou de rejeter. C’est elle aussi qui, déjà, décide de votre santé physique et psychique tout en vous laissant l’illusion de gérer votre vie. C’est elle qui chaque jour vous distrait de mille façons afin de vous donner la sensation de pouvoir saisir le bonheur. C’est elle, enfin, qui vous éloigne de vous-mêmes par l’omniprésence de ses bras faussement protecteurs. En vous aidant à cultiver le « moi-je », elle fait de vous un numéro parmi d’autres, un anonyme de plus sur l’interminable liste des manipulés. »

  

 

Matrix80 

 

    

            « Voici ce que je vous dis : Vous pensez être libres ? Mais libres de quoi ? De voyager de la marge d’une page au bord opposé de cette même page ! Avez-vous seulement décidé, d’ailleurs, de la page en question ? Avez-vous pris conscience que vous pouviez sortir de son cadre dès l’instant où vous concevez clairement qu’il n’est qu’un cadre ? »

 

              « Ce faisant, ce n’est pas seulement l’Organisation mondiale du Pouvoir et de l’Assujettissement que je pointe du doigt mais la légion de ses collaborateurs, l’armée des faibles et des indécis dont vous faites tous partie à votre niveau. Je connais vos arguments : Pourquoi évoquer tout cela ? Pourquoi prendre le risque de faire naître une peur de plus, voire d’engendrer une paranoïa ? Pour la même raison que celle qui incite l’enfant à apprendre à marcher au risque de s’écorcher le genou. Parce que le champ de la Vie demande à ce que vous bougiez. Parce que la marche est d’abord un mouvement. Parce qu’on accomplit celui-ci à l’intérieur de soi et qu’il est la conséquence d’une barrière mentale que l’on fait progressivement tomber. »

 

              « Le Principe de Rome que vous avez laissé s’incarner ne peut concevoir chez ses sujets ni le passage à l’acte ni le passage à l’être. Il ne tolère le droit d’exister qu’à ceux qui se coulent dans le moule du bon citoyen. Son trône est fait de dogmes. La Rome historique, voyez-vous, a toujours été la farouche adversaire du Principe Christique, c’est-à-dire, en d’autres termes, de la résurgence de « Ce qui vient » en chacun. Après avoir tenté d’étouffer « sur le terrain » la Force qui animait le Maître Jésus et ses Frères esséniens, elle a fait mine d’accepter cette dernière afin de l’englober, de la vicier et finalement de l’étouffer de l’intérieur… jusqu’à ce que l’humanité ne bénéficie plus aujourd’hui que d’une image déformée et appauvrie de l’enseignement christique.

   

 

Matrix76

 

   

              « Ce faisant, cette même Rome historique qui s’est faite aujourd’hui religieuse se révèle devenir une alliée de choix du Gouvernement de domination mondiale dont je vous évoquais précédemment l’action souterraine. Elle est devenue une pieuvre à l’intérieur de la pieuvre, purement politique au sens manipulateur du terme. Il est nécessaire qu’elle aille jusqu’au bout du chemin qu’elle a emprunté tout comme il est nécessaire que chaque homme et chaque femme expérimente l’impasse personnelle de son orgueil, de ses chapelets de mensonges et de ses pulsions de pouvoir. »

 

              « Le remède est simple même s’il ressemble fort à un mécanisme d’auto-sevrage qui fait appel à la volonté : extirpez-vous de l’univers intoxiquant des médias. Dans vos sociétés occidentales, journaux, revues, émissions diverses n’ont que très rarement le but sincère de vous informer mais bien celui de vous déformer, voire de vous rendre informes. L’uniformisation des opinions et des consciences représente la cible non encore avouée de quelques-uns. Elle est une des phases de l’asservissement tout d’abord mental qu’une minorité se propose d’instaurer sur cette planète à l’ouverture de l’actuelle charnière entre deux âges. Les complices et les acteurs de cette intoxication sont quant à eux extraordinairement nombreux, tenus en laisse par leur ego et son cortège de peurs et de besoins. »

   

 

Matrix84

 

     

              Les responsables politiques, économiques et religieux de votre monde utilisent les mêmes subterfuges pour polir les consciences selon le modèle souhaité. Ce sont les mêmes hommes à des places différentes.

 

              Et quel est ce modèle ?

 

              C’est un modèle d’uniformisation et de dépendance. Pourtant, plutôt que de lui donner un nom précis, on pourrait dire qu’il évolue en fonction de tout ce qui renforce le pouvoir des Institutions en place… basé sur l’assoupissement général et l’état hypnoïde dans lequel votre humanité se trouve plongée.

   

Si vous voulez connaître la vérité… Il suffit de suivre le chemin… est de descendre au « fond du gouffre » pour suivre le lapin blanc…

  

 

 

Morpheo-Neo

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 12:23

 

Ainsi l’on nous enseigne que les grandes Pyramides ont été construites sous leur surveillance directe, « lorsque Dhruva [l’étoile polaire d’alors] était au moment le plus bas de sa culmination et quand les Krittikâs (Pléiades) regardaient par-dessus sa tête [se trouvaient sur le même méridien, mais plus haut], pour surveiller le travail des Géants ». Il s’ensuit donc que les premières Pyramides ayant été construites au commencement de l’année sidérale, sous Dhura (Alpha-Polaris), cela a dû se passer il y a plus de 31.000 ans (31.105). Bunsen avait raison en admettant pour l’Egypte une antiquité de plus 21.000 ans, mais cette concession ne saurait guère suffire à épuiser la vérité et les faits sur ce sujet. Comme le dit M. Gérard Massey :

   

« Les récits faits par les prêtres et autres personnages Egyptiens, au sujet de la mesure du temps en Egypte, commencent à avoir l’air d’être moins mensongers, aux yeux de ceux qui ont échappé à leurs entraves bibliques. On a trouvé récemment à Sakkarah des inscriptions qui font mention de deux cycles Sothiacaux… enregistrés à cette époque, il y a de cela maintenant 6.000 ans. Ainsi, à l’époque où Hérodote était en Egypte, les Egyptiens avaient, comme on le sait maintenant, observé au moins cinq différents cycles Sothiacaux de 1.461 ans… »

   

Les prêtres firent savoir à l’historien grec qu’ils avaient noté le temps pendant une si longue durée, que le soleil s’était deux fois levé là où il se couchait alors et s’était deux fois couché là où il se levait. Cela… ne peut se comprendre, comme un fait naturel, qu’à la suite de deux cycles de précession ou d’une période de 51.736 ans.

   

 

 

soleil

 

   

Mor Isaac « The Natural Genesis » nous montre les anciens Syriens expliquant leur monde par les « Gouvernants » et les « Dieux Actifs » de la même façon que les Chaldéens. Le Monde inférieur était le monde Sublunaire (le nôtre), surveillé par les « Anges » du premier ordre ou de l’ordre le plus bas ; celui qui venait immédiatement après était Mercure, gouverné par les « Archanges » ; puis venait Vénus, dont les Dieux étaient les « Principautés », le quatrième était celui du Soleil, domaine et demeure des plus hauts et des plus puissants Dieux de notre système, les Dieux solaires de toutes les nations ; le cinquième, celui de Mars, gouverné par les « Vertus » ; le sixième, celui de Bel ou Jupiter, était gouverné par les « Dominations » ; le septième, le monde de Saturne, était gouverné par les « Trônes ». Ces Mondes sont ceux de la Forme. Au-dessus, viennent les Quatre mondes supérieurs, amenant encore au nombre de sept, puisque les Trois les plus hauts sont « impossibles à mentionner et à nommer ». Le huitième, composé de 1.122 étoiles, est le domaine des Chérubins ; le neuvième, appartenant aux étoiles mobiles que leur distance empêche de dénombrer, possède les Séraphins ; quant au dixième, Kircher dit, en citant Mor Isaac, qu’il est composé « d’étoiles invisibles que l’on pourrait prendre, dit-on, pour des nuages, tant elles sont massées dans la zone que nous appelons la Via Straminis ou Voie lactée », et il se hâte d’expliquer que « ce sont les étoiles de Lucifer, englouties avec lui dans son terrible naufrage ». Ce qui vient après et plus loin que les dix Mondes (notre Quaternaire), ou que le Monde Aroupa, les Syriens ne pouvaient le dire. « Tout ce qu’ils savaient, c’était que là commençait le vaste et incompréhensible océan de l’infini, la demeure de la vraie divinité, sans limites et sans fin. »

   

Champollion montre la même croyance parmi les Egyptiens. Hermès, après avoir parlé du Père-Mère et du Fils dont l’Esprit (collectivement le Divin Fiat) forme l’Univers, dit : « Sept Agents [Media] furent aussi formés, pour contenir les Mondes Matériels [ou manifestés] dans leurs Cercles respectifs, et l’action de ces Agents reçut le nom de Destinée. » Il énumère ensuite sept, dix et douze ordres, mais il serait trop long de les détailler ici.

  

 

 

creation du monde

 

 

Comme le docteur Weber et d’autres personnes déclarent que le Rig Vidhâna ainsi que le Brahmânda Pourâna et tous les ouvrages de ce genre, qu’ils décrivent l’efficacité magique des Mandras du Rig Véda ou les futurs Kalpas, sont des compilations modernes « n’appartenant probablement qu’à l’époque des Pourânas », il est inutile de renvoyer le lecteur à leurs explications mystiques et il vaut mieux citer tout simplement les livres archaïques qui sont absolument inconnus de Orientalistes. Ces ouvrages expliquent ce qui embarrasse tellement les savants, c’est-à-dire que les Saptarshis, les « Fils Nés du Mental » de Brahmâ, sont mentionnés sous certains noms dans le Shatapatha Brâhmana ; sous certains autres dans le Mahâbhârata et que le Vâyou Pourâna cite neuf Richis au lieu de sept, en ajoutant à la liste les noms de Brighou et Daksha. Il en est, toutefois, de même dans toutes les Ecritures saintes exotériques. La Doctrine Secrète donne une longue généalogie de Richis, mais les sépare en plusieurs classes. De même que les Dieux Egyptiens qui étaient divisés en sept et même en douze Classes, les Richis Indiens sont divisés en Hiérarchies. Les premiers trois groupes sont le groupe Divin, le groupe Cosmique et le groupe Sublunaire. Ensuite, viennent les Dieux Solaires de notre Système, les Dieux Planétaires, les Dieux Submondains et les Dieux purement Humains, c’est-à-dire les Héros et les Manoushis.

   

Toutefois, nous ne nous occupons que des Dieux Pré-Cosmiques et Divins, les Prajâpatis ou les Sept Constructeurs. On trouve infailliblement ce groupe dans toutes les Cosmogonies. En raison de la perte des documents égyptiens archaïques, puisque, selon M. Maspero, « les matériaux et les données historiques que nous possédons, pour étudier l’histoire de l’évolution religieuse en Egypte, ne sont, ni complets, ni, très souvent, intelligibles », il faut avoir recours aux anciennes Hymnes et aux inscriptions qui se trouvent sur les tombes, afin de corroborer en partie, et indirectement, les données offertes par la Doctrine Secrète. Une de ces données démontre qu’Osiris, comme Brahma-Prajâpati, Adam Kadmon, Ormazd et bien d’autres Logoï, était le chef et la synthèse du groupe des « Créateurs » ou Constructeurs. Avant qu’Osiris ne devint « l’Unique » et le Dieu le plus haut de l’Egypte, il fut adoré à Abydos comme le Chef ou Guide de la Légion Céleste des Constructeurs appartenant au plus élevé des trois Ordres. L’hymne gravée sur la stèle votive d’un tombeau d’Abydos (3° registre), s’adresse à Osiris en ces termes :

   

 

 

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« Salut à toi, ô Osiris, fils ainé de Seb ; toi le plus grand des six Dieux issus de la déesse Noo [l’Eau primordiale], toi le grand favori de ton père Râ ; Père des Pères, Roi de la Durée, Maître de l’Eternité… qui, aussitôt que ceux-ci jaillirent du Sein de ta mère, rassembla toutes les couronnes sur ta tête et attacha sur elle l’Uraeus [serpent ou naja] Dieu multiforme dont le nom est inconnu et qui a de nombreux noms dans les villes et les provinces. »

   

Sortant de l’Eau primordiale couronné de l’uraeus, qui est le serpent-emblème du Feu Cosmique et étant lui-même le septième, dominant les six Dieux primaires issus du Père-Mère, Noo et Noot, le Ciel, que peut donc être Osiris si ce n’est le principal Prajâpati, la principale Séphira, le principal Amshaspend, Ormazd ! Il est certain que ce dernier Dieu solaire et cosmique occupait, au début de l’évolution religieuse, la même position que l’Archange « dont le nom était secret ». Cet Archange était Michel, le représentant sur la terre du Dieu Caché des Juifs ; en un mot c’est sa « Face » que l’on prétend avoir précédé les Juifs sous la forme d’une « Colonne de Feu ». Burnof dit : « Les sept Amshaspends, qui sont assurément nos Archanges, représentent aussi les personnifications des Vertus divines ». Ces Archanges sont donc certainement aussi les Saptarshis des Hindous, bien qu’il soit presque impossible de classer chacun avec son prototype et son équivalent Païen, puisque, comme dans le cas d’Osiris, ils ont tous « tant de noms dans les villes et les provinces ». Nous donnerons cependant à tour de rôle quelques-uns des plus importants.

   

Une chose est ainsi incontestablement prouvée. Plus nous étudions leurs Hiérarchies, plus nous constatons leur identité et plus nous acquérons de preuves qu’il n’y a pas un seul des Dieux personnels passés ou présents, parmi ceux qui nous sont connus depuis les premiers jours de l’Histoire, qui n’appartienne à la troisième phase de la manifestation Cosmique. Dans toutes les religions nous trouvons la Divinité cachée, qui constitue la base ; puis le Rayon qu’elle émet et qui tombe dans la Matière Cosmique primordiale, la première manifestation ; ensuite le résultat Androgyne, la double Force abstraite Mâle et Femelle personnifiée, la seconde phase ; enfin cette Force se divise, durant la troisième, en Sept Forces, appelées les Pouvoirs créateurs par toutes les anciennes religions, et les « Vertus de Dieu » par les Chrétiens. Ces derniers explications et ces qualifications métaphysiques abstraites n’ont pas empêché l’Eglise romaine et l’Eglise grecque de vouer un culte à ces « Vertus » en les personnifiant sous les noms distincts des Sept Archanges. Dans le Livre des Druschim, dans le Talmud, on établit entre ces groupes une distinction qui est l’explication cabalistique correcte. Il y est dit :

    

 

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« Il y a trois groupes (ou ordres) de Séphiroth : 1° les Séphiroth appelés les « Attributs Divins » [abstraits] ; 2° les Séphiroth physiques ou sidéraux [personnels] en un groupe de sept et en un autre de dix ; 3° les Séphiroth métaphysiques ou périphrases de Jéhovah, qui sont les trois premières Séphiroth [Kether, Chokmah et Binah], le reste des sept formant les sept Esprits (personnels) de la Présence [et aussi des planètes]. »

   

Il faut appliquer la même division à l’évolution primaire, secondaire et tertiaire des Dieux dans chaque Théogonie, si l’on veut en traduire ésotériquement la signification. Il ne nous faut pas confondre les personnifications purement métaphysiques des attributs abstraits de la Divinité, avec leur réflexion, les Dieux Sidéraux. Cette réflexion, toutefois, est en réalité l’expression objective de l’abstraction ; des Entités vivantes et les modèles formés sur ce Prototype divin. De plus, les trois Séphiroth métaphysiques ou la « périphrase de Jéhovah », ne sont pas Jéhovah. C’est ce dernier lui-même, avec ses titres additionnels d’Adonaï, d’Elohim, de Sabaoth et les nombreux noms qu’on lui prodigue, qui est la périphrase du Shaddai, le Tout-Puissant. Ce nom est, en vérité, une circonlocution, une trop abondante fleur de rhétorique juive et a toujours été rejeté par les occultistes. Pour les Cabalistes juifs et même pour les Alchimistes chrétiens et les Rose-Croix, Jéhovah était un écran commode, unifié en repliant les nombreux panneaux et adopté comme substitut, le nom d’une Séphira individuelle quelconque étant aussi bon qu’un autre, pour ceux qui possédaient le secret. Le Tétragrammaton, l’Ineffable, la « Somme Totale » Sidérale, n’ont été inventés que dans le seul but de tromper les profanes et de symboliser la vie et la génération. Le Nom véritable et qui ne peut pas être prononcé, le « Mot qui n’est pas un mot », doit être cherché parmi les sept noms des Sept premières Emanations ou des « Fils du Feu », dans les Ecritures Saintes secrètes de toutes les grandes nations et même dans le Zohar, la doctrine Cabalistique de la plus petite de toutes, c’est-à-dire de la nation juive. Ce mot qui est composé de sept lettres dans toutes les langues, se trouve incorporé dans les ruines architecturales de toutes les grandes constructions sacrées du monde, depuis les ruines cylopéennes de l’Ile de Pâques (portion d’un continent enseveli sous les mers il y a plutôt 4.000.000 d’années que 20.000), jusqu’aux premières pyramides égyptiennes.

   

Il suffit de montrer par quelques exemples, la vérité de ce qui a été affirmé au commencement de cet essai, c’est-à-dire qu’aucune Cosmogonie, dans le monde entier, à l’exception de celle des Chrétiens, n’a jamais attribué à l’Unique Cause Suprême, au Principe Divin Universel, la création immédiate de notre terre, de l’homme ou de quoi que ce soit s’y rattachant. Cette assertion s’appliquerait aussi bien à la Cabale des Hébreux ou des Chaldéens, qu’à la Genèse, si celle-ci avait jamais été complètement comprise et, ce qui est bien plus important, correctement traduite. Partout l’on trouve un Logos (une « Lumière rayonnant dans les Ténèbres », en vérité), ou bien l’Architecte des Mondes est ésotériquement mis au pluriel. L’Eglise Latine, paradoxale comme toujours, tout en appliquant l’épithète de Créateur à Jéhovah seul, adopte une kyrielle de noms pour ses Forces actives, noms qui trahissent le secret. En effet, si ces Forces n’avaient aucun rapport avec la prétendue « Création », pourquoi les appeler Elohim (Alhim), qui est un mot au pluriel ; pourquoi les appeler les « travailleurs divins » et les Energies divines, les pierres célestes incandescentes (lapides igniti coelorum) et surtout les Soutiens de ce Monde (rectores mundi), les « Roues du Monde » (Rotae, Auphanim), les Flammes et les Pouvoirs, les « Fils de Dieu » (B’ne Alhim), les Vigilants Conseillers, etc.

  

 

 

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On affirme souvent, et injustement, comme d’ordinaire, que la Chine, qui est un pays presque aussi vieux que l’Inde, n’avait pas de Cosmogonie. On se plaint de ce que celle-ci était inconnue à Confucius et que les Bouddhistes y ont étendu leur Cosmogonie, sans introduire un Dieu Personnel. Le Yi-King, « l’essence même de la pensée ancienne et l’œuvre commune des sages les plus vénérés », n’arrive pas à montrer une Cosmogonie distincte. Néanmoins, il en existait une et même bien distincte. Seulement, comme Confucius n’admettait pas une vie future et que les Bouddhistes chinois repoussent l’idée d’un Unique Créateur et se bornent à accepter une Cause avec ses effets innombrables, ils sont incompris par ceux qui croient à un Dieu personnel. Le « grand Extrême », comme commencement des « changements » (transmigrations), constitue la plus courte et, peut-être, la plus suggestive de toutes les Cosmogonies, pour ceux qui, comme les Confucianistes, aiment la vertu pour elle-même et essaient de faire le bien sans aucun égoïsme et sans songer sans cesse à la récompense et au profit. Le « grand Extrême » de Confucius produit « Deux Nombres ». Ces Deux produisent à leur tour les « Quatre Images » et celles-ci donnent naissance aux « Huit Symboles ». On se plaint de ce que, si les Confucianistes y voient « le ciel, la terre et l’homme en miniature », on peut y voir tout ce qu’on veut. Evidemment, mais il en est de même de beaucoup de symboles, surtout de ceux des religions plus récentes. Ceux qui ont quelques notions de la numérotation Occulte voient dans ces « Nombres » le symbole, si grossier qu’il voit, d’une harmonieuse Evolution progressive du Cosmos et de ses êtres Célestes et Terrestres. Et celui qui a étudié l’évolution numérique dans la Cosmogonie primordiale de Pythagore – contemporain de Confucius – retrouvera toujours la même idée dans sa Triade, son Tétraktys et sa Décade, émergeant de la Monade Une et solitaire. Le biographe chrétien de Confucius se moque de lui parce qu’il « parle de divination », avant et après ce passage, et il le représente comme disant :

   

« Les huit symboles déterminent la bonne et la mauvaise fortune et ils conduisent aux grandes actions. Il n’y a pas d’images que l’on puisse imiter et qui soient plus grandes que le ciel et la terre. Il n’y a pas de changements plus grands que les quatre saisons (il voulait parler du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest, etc.). Il n’y a pas d’images suspendues plus brillantes que le soleil et la lune. Pour préparer les choses en vue de leur usage, personne n’est plus grand que le sage. Pour déterminer la bonne et la mauvaise fortune, il n’y a rien de plus grand que les pailles divinatoires et la tortue. »

  

 

 

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Par conséquent, les « pailles divinatoires » et la « tortue », le « groupe de lignes symboliques » et le grand sage qui les examine à mesure qu’elles deviennent une, puis deux, puisque les deux deviennent quatre et les quatre deviennent huit, tandis que les autres groupes deviennent « trois et six », sont ridiculisés uniquement parce que ces sages symboles sont mal compris.

   

L’auteur que nous venons de citer et ses collègues se moqueront donc, sans aucun doute, des Stances données dans notre texte, car elles représentent précisément la même idée. La vieille carte archaïque de la Cosmogonie est remplie de lignes dans le style de celles de Confucius, de cercles concentriques et de points. Toutes ces choses représentent pourtant les conceptions les plus abstraites et les plus philosophiques de la Cosmogonie de notre Univers. En tout cas, elles peuvent, peut-être mieux répondre aux besoins et aux buts scientifiques de notre époque, que ne le font les essais cosmogoniques de Saint Augustin et du vénérable Bède, bien que ces derniers aient été publiés plus d’un millier d’années après la Cosmogonie de Confucius.

   

Confucius, un des plus grands sages du monde antique, croyait à la magie antique et la pratiquait lui-même, « si nous tenons pour acquis ce qu’affirme le Kià-yü » et « il la porta aux nues dans le Yi-King », nous disent ses vénérables critiques. Il n’en est pas moins vrai qu’à son époque, 600 ans avant J.-C., Confucius et son école enseignaient déjà la sphéricité de la terre et même le système héliocentrique, tandis qu’environ trois fois 600 ans après le philosophe chinois, les Papes de Rome menacèrent et même brûlèrent les « hérétiques » pour avoir affirmé la même chose. On se moque de lui parce qu’il parle de la « Tortue Sacrée ». Aucune personne sans parti pris, n’établirait une grande différence entre une tortue et un agneau présentés comme candidats à un caractère sacré, car tous les deux ne sont que des symboles et pas autre chose. Le Taureau, l’Aigle et le Lion, et parfois la Colombe, sont les « animaux sacrés » de la Bible Occidentale : on trouve les trois premiers groupés autour des Evangélistes et le quatrième, qui leur est associé et qui a un visage humain, est un Séraphin, c’est-à-dire un « serpent ardent » et probablement l’Agathodaïmon des Gnostiques.

  

 

 

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Le choix est curieux et montre clairement combien les premiers chrétiens étaient paradoxaux dans leurs préférences. En effet, pourquoi auraient-ils choisi ces symboles du Paganisme égyptien, alors que l’Aigle n’est mentionné qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, lorsque Jésus en parle comme d’un mangeur de charognes, et que dans l’Ancien Testament on l’appelle impur ; alors que le Lion est comparé à Satan, car tous les deux rugissent en cherchant des hommes à dévorer et alors que les Bœufs sont chassés du temple ? D’autre part, le Serpent, cité comme un exemple de sagesse, est considéré maintenant comme le symbole du Diable. On peut vraiment dire que la perle ésotérique de la religion du Christ, dégradée par la théologie chrétienne, a choisi une coquille étrange et bien mal appropriée, pour y naître et y évoluer.

   

Comme nous l’avons expliqué, les « Animaux Sacrés », les « Flammes » et les « Etincelles », dans les « Quatre Sacrés », se rapportent aux prototypes de tout ce que renferme l’Univers dans la Pensée Divine, dans la Racine qui est le Cube Parfait ou la Base du Cosmos, collectivement et individuellement. Ils ont tous un rapport occulte avec les Formes Cosmiques primordiales et les premières concrétions, le travail et l’évolution du Cosmos.

   

Dans les premières Cosmogonies exotériques Hindoues, ce n’est pas même le Démiurge qui crée, car on lit dans une des Pourânas :

   

« Le grand Architecte du Monde donne la première impulsion au mouvement rotatoire de notre système planétaire, en marchant tour à tour sur chaque planète et sur chaque corps. »

    

 

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C’est cette action « qui est cause que chaque sphère tourne sur elle-même et toutes autour du Soleil », après quoi ce sont les Brahmândika », les Pitris Solaires et Lunaires et les Dhyân-Chochans « qui prennent possession de leurs sphères respectives [terres et planètes], jusqu’à la fin du Kalpa ». Les Créateurs sont les Richis, à la plupart desquels on attribue la confection des Mantras ou Hymnes de la Rig-Véda. Ils sont tantôt sept, tantôt dix, lorsqu’ils deviennent Prajâpati, le « Seigneur des Etres » ; ils redeviennent ensuite les sept et les quatorze Manous, en qualité de représentants des sept et des quatorze Manous, en qualité de représentants des sept et des quatorze cycles d’Existence, ou Jours de Brahma, répondant ainsi aux sept Eons, jusqu’à ce qu’à la fin de la première phase de l’Evolution, ils soient transformés en les sept Richis stellaires, les Saptarishis, tandis que leurs doubles humains apparaissent sur cette terre en qualité de Héros, de Rois et de Sages.

   

La Doctrine Esotérique de l’Orient ayant ainsi fourni et fait vibrer la tonique qui, sous son vêtement allégorique est, comme on peut le voir, aussi scientifique que philosophique et poétique, chaque nation a suivi sa trace. C’est en fouillant les religions exotériques qu’il nous faut découvrir l’idée-racine, avant d’aborder les vérités ésotériques, de peur d’avoir à les repousser. De plus, chaque symbole, dans chaque religion nationale, peut être interprété ésotériquement et la preuve que l’on peut avoir de bien le lire lorsqu’on le transcrit dans les nombres et formes géométriques correspondants ressort de l’extraordinaire concordance qui existe entre tous les glyphes et tous les symboles, si grandes que puissent être les différences extérieures qui les caractérisent car, à leur origine, ces symboles étaient tous identiques. Prenez, par exemple, les phrases par lesquelles commencent diverses Cosmogonies ; dans tous les cas, c’est un cercle, un œuf ou une tête. Les Ténèbres sont toujours associées avec ce premier symbole et l’enveloppent, comme le montrent les systèmes des Hindous, des Egyptiens et des Chaldéo-Hébreux et même celui des Scandinaves. De là viennent les corbeaux noirs, les colombes noires, les eaux noires et même les flammes noires ; la septième langue d’Agni, le Dieu du Feu, est appelée Kâti, la « Noire » parce que s’était une flamme noire vacillante. Deux colombes noires s’envolèrent d’Egypte et, se perchant sur les chênes de Dodone donnèrent leurs noms aux Dieux grecs. Néo mit en liberté un corbeau noir après le Déluge, qui est un symbole du Pralava Cosmique après lequel commença la vraie création ou l’évolution de notre Terre et de notre Humanité. Les corbeaux « noirs » d’Odin voltigeaient autour de la Déesse Saga et « murmuraient à son oreille le passé et l’avenir ». Quelle est donc la signification cachée de tous ces oiseaux noirs ? C’est qu’ils sont tous en rapports avec la Sagesse primordiale qui découle de la Source pré-cosmique de Tout, symbolisée par la Tête, le Cercle ou l’œuf. Ils ont tous une signification identique et se rapportent à l’homme Archétype Primordiale Adam Kadmon, l’origine créateur de toutes choses, qui est composé de la Légion des Pouvoirs Cosmiques ; les Dhyâns-Chochans Créateurs au-delà desquels tout est Ténèbres.

  

 

 

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Interrogeons la sagesse de la Cabale, quelque voilée et déformée qu’elle soit aujourd’hui, pour donner, dans son langage numérique, une signification approximative au moins, au mot « corbeau ».

   

Or, comme l’explication secrète du premier verset de la Genèse est : « En Râsh (B’râsh) ou la Tête, se sont développés les Dieux, les Cieux et la Terre », il devient facile de comprendre la signification ésotérique du Corbeau, dès l’instant que nous avons déterminé la signification semblable du Déluge de Noé. Quelles que puissent être les nombreuses autres significations de cette allégorie emblématique, sa signification principale est celle d’un nouveau Cycle et d’une nouvelle Ronde ; Notre Quatrième Ronde. Le « Corbeau », ou Eth-h’orebv, donne la même valeur numérique que la « Tête » et ne revint pas dans l’arche, tandis que la Colombe revint en rapportant le rameau d’olivier. Lorsque Noé, le nouvel homme de la nouvelle Race (dont le prototype est Vaivasvata Manou) se prépare à quitter l’Arche, la Matrice ou Argha, de la Nature terrestre, il représente le symbole de l’homme purement spirituel, sans sexe en androgyne des trois premières Races, qui ont quitté la Terre pour toujours. Numériquement, dans la Cabale, Jéhovah, Adam et Noé ne font qu’un. C’est donc, tout au plus, la Divinité qui descend sur le mont Ararat et, plus tard, sur le mont Sinaï, pour s’incarner à partir de ce moment dans l’homme, son image, suivant le processus naturel, la matrice de la mère dont les symboles sont, dans la Genèse, l’Arche, le Mont (Sinaï), etc. L’allégorie juive est à la fois astronomique et physiologique, plutôt qu’anthropomorphique.

   

« L’idée fondamentale que renferme la philosophie des Hébreux était que Dieu contenait toutes choses en lui-même et que l’homme était son image : l’homme comprenant la femme [en qualité d’androgyne] ; et que la géométrie (les nombres et les mesures applicables à l’astronomie), sont contenus dans les mots homme et femme. L’apparente incongruité d’une pareille méthode était éliminée par la démonstration du lien qui existait entre l’homme et la femme et un système spéciale de nombre, de mesures et de géométrie et par les périodes de gestation qui expliquent le rapport qu’il y a entre les termes employés et les faits démontrés et perfectionnent la méthode usitée. »

   

On prétend que la cause primordiale étant absolument inconnaissable, « le symbole de sa première manifestation compréhensible était la conception d’un cercle avec son diamètre, afin de faire naître en même temps l’idée de géométrie, de phallicisme et d’astronomie » et que cela servit plus tard à « désigner tout simplement les organes génitaux humains ». Le cycle entier des événements depuis Adam et les Patriarches, jusqu’à Noé, est donc utilisé à des fins phalliques et astronomiques, qui se régissent mutuellement, comme par exemple les périodes lunaires. La Genèse des Hébreux commence donc aussi à la sortie de l’Arche, à la fin du Déluge, c’est-à-dire à la Quatrième Race. Pour le peuple Aryen, il n’en est pas de même.

   

L’Esotérisme Oriental n’a jamais abaissé la Divinité Unique Infinie, qui contient toutes choses, à de pareils usages, et c’est démontré par l’absence de Brahma de la Rig Véda et par les modestes positions qu’occupent Roudra et Vishnou qui sont devenus, bien des siècles plus tard, les grands puissants Dieux, les « Infinis » des cultes exotériques. Mais eux-mêmes, tout « Créateurs » qu’ils puissent être tous les trois, ne sont pas les « Créateurs » directs et les « ancêtres de l’homme ». Ils sont représentés comme occupant une place encore moins élevée et sont appelés les Prajâpatis, les Pitris, nos Ancêtres Lunaires, etc., mais jamais le « Dieu Un Infini ». La Philosophie Esotérique représente l’homme physique, seul, comme crée à l’image de la Divinité, qui ne représente, du reste, que les « Dieux inférieurs ». C’est le MOI SUPERIEUR, le véritable EGO, qui seul est divin, qui seul est DIEU.

  

 

 

La Porte de Jade

 

   

   

 

 

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 12:00

La Théogonie des Dieux Créateurs

   

Pour bien comprendre l’idée qui se cache sous toutes les Cosmologie anciennes, il est nécessaire d’étudier et d’analyser comparativement toutes les grandes religions de l’antiquité, car ce n’est que par cette méthode que l’idée mère peut être mis en évidence. La Science exacte, si elle pouvait s’élever à une telle hauteur en remontant à la source première et originale des opérations de la Nature, appellerait cette idée la hiérarchie des Forces. La conception originale, transcendante et philosophique, était une. Mais comme, au cours des âges, les systèmes commencèrent à refléter de plus en plus les idiosyncrasies des nations et comme celles-ci, après s’être séparées se formèrent en groupes distincts, dont chacun évoluait suivant la direction particulière de sa nation ou de sa tribu, le développement excessif de l’imagination humaine jeta graduellement un voile sur l’idée principale. Tandis que dans quelques pays les Forces, ou plutôt les Pouvoirs intelligents de la Nature, reçurent des honneurs divins qu’ils ne méritaient guère, dans d’autres – comme de nos jours en Europe et dans les autres pays civilisés - l’idée seule que ces Forces soient douées d’intelligence paraît absurde et on la déclare anti-scientifique. On se sent par conséquent soulagé par les données que l’on trouve dans l’Introduction à « Asgard and the Gods », « Tales and Traductions of our Northern Ancestors », publié par W.S.W. Anson, où il est dit :

  

 

 

Ingres - Jupiter et Thetis

 

  

« Bien que dans l’Asie centrale, sur les bords de l’Indus, dans le pays des Pyramides, dans les péninsules grecques et italienne et même dans le Nord, où errèrent les Celtes, les Teutons et les Slaves, les conceptions religieuses des peuples aient revêtu des formes différentes, leur origine commune est pourtant encore reconnaissable. Nous appelons l’attention sur le rapport qu’il y a entre les histoires des dieux, la pensée profonde qu’elles renferment et leur importance, afin que le lecteur puisse voir que ce n’est pas un monde magique dû à une imagination vagabonde qui s’ouvre devant lui, mais que… la Vie et la Nature ont constitué la base de l’existence et de l’action de ces divinités ».

 

Bien qu’il soit impossible pour un Occultiste, ou pour un étudiant de l’Esotérisme Oriental, d’accepter l’étrange idée que « les conceptions religieuses des nations les plus fameuses de l’antiquité sont en relations avec les débuts de la civilisation parmi les races Germaniques », il n’en est pas moins content de voir exprimer des vérités comme celles-ci : « Ces contes de fées ne sont pas des histoires sans signification, écrites pour amuser les oisifs ; elles renferment en elles la religion profonde de nos ancêtres ».

 

Précisément. Non, seulement leur Religion, mais aussi leur Histoire, car un mythe en Grec signifie tradition orale, transmise de bouche en bouche d’une génération à l’autre. Et, même d’après son étymologie moderne, ce mot veut dire une déclaration fabuleuse exprimant une vérité importante, l’histoire de quelque personnage extraordinaire, à la biographie duquel l’imagination populaire a donné un développement excessif, grâce à la vénération d’une série de générations, mais qui n’est pas entièrement une fable. Tout comme nos ancêtres, les Aryens primitifs, nous croyons fermement à la personnalité et à l’intelligence de plus d’une des Forces qui produisent des phénomènes dans la Nature.

 

Avec le temps, l’enseignement archaïque devint moins clair ; les nations perdirent plus ou moins de vue le Principe supérieur et unique de toutes choses et commencèrent à transférer les attributs abstraits de la « cause sans cause » aux effets produits, qui devinrent à leur tour causatifs, c’est-à-dire aux Pouvoirs créateurs de l’Univers. Les grandes nations agirent ainsi dans la crainte de profaner l’idée ; les plus petites le firent, soit parce qu’elles ne la comprirent pas, soit faute de posséder le degré de conception philosophique indispensable pour la conserver dans toute sa pureté immaculée. Mais toutes, à l’exception des derniers Aryens, devenus aujourd’hui Européens et Chrétiens, témoignèrent de cette vénération dans leurs Cosmogonies. Comme le montre Thomas Taylor « Monthly Magazine, avril 1797 », celui de tous les traducteurs des fragments grecs qui possède le plus d’intuition, aucune nation n’a jamais considéré le Principe Unique comme étant le créateur immédiat de l’Univers visible, car aucun homme sensé ne s’imaginerait qu’un dessinateur ou un architecte ait construit de ses propres mains l’édifice qu’il admire. D’après le témoignage de Damascius dans son ouvrage intitulé « Des premiers Principes », ils en parlaient comme des « Ténèbres Inconnues ». Les Babyloniens passaient ce principe sous silence. « A ce Dieu-là, dit Porphyre dans son traité « Sur l’Abstinence », qui est au-dessus de toutes choses, on ne doit adresser ni des paroles articulées, ni des pensées internes. » Hésiode commence sa Théogonie par ces mots : « Le Chaos fut produit avant toutes choses », permettant ainsi d’en conclure que sa Cause ou Celui qui l’avait créé devait être respectueusement passé sous silence. Homère, dans ses poèmes, ne s’élève pas plus haut que la Nuit, qu’il représente comme étant respectée par Jupiter. D’après tous les théologiens anciens et les doctrines de Pythagore et de Platon, Jupiter ou l’Artisan immédiat de l’Univers, n’est pas le Dieu très haut. Aussi Homère observe-t-il le silence, non seulement en ce qui concerne le premier Principe, mais aussi en ce qui concerne les deux Principes qui viennent immédiatement après le Premier, l’Ether et le Chaos d’Orphée et d’Hésiode, le Fini et l’Infini de Pythagore et de Platon. Proclus dit, en parlant du Principe le plus élevé, que c’est « l’Unité des Unités qui est au-delà du premier Adyta… plus ineffable que tout Silence, plus occulte que toute Essence… cachée parmi les Dieux intelligibles ».

 

Nous pourrions ajouter quelque chose à ce qu’écrivait Thomas Taylor en 1797, notamment que « les Juifs ne semblent pas s’être élevés plus haut que… l’Artisan immédiat de l’Univers, car Moïse parle des ténèbres qui recouvraient l’Abîme, sans même insinuer que leur Existence eût une cause. Jamais dans la Bible – ouvrage purement ésotérique et symbolique – les Juifs n’ont dégradé leur divinité métaphorique autant que l’ont fait les Chrétiens en acceptant Jéhovah comme leur Dieu vivant, unique et pourtant personnel.

 

Ce Premier, ou plutôt cet Unique Principe, était appelé le « Cercle du Ciel », symbolisé par un hiérogramme représentant un Point dans un Cercle ou dans un Triangle Equilatéral, Point qui était le Logos. Ainsi dans le Rig Véda, ou Brahmâ n’est même pas nommé, la Cosmologie commence par l’Hiranyagarbha, « l’œuf d’or » et par Prajâpati (plus tard Brahmâ) de qui émanent toutes les Hiérarchies de « Créateurs ». La Monade, ou le Point, est l’origine en même temps que l’Unité d’où découle le système numérique tout entier. Ce Point est la Cause Première, mais cela d’où il émane, ou plutôt dont il est l’expression, le Logos est passé sous silence. A son tour le symbole universel, le Point dans le cercle, n’était pas encore l’Architecte, mais la Cause de cet Architecte et le rapport qu’il n’y avait entre ce dernier et le Point était exactement le même que celui qui existait entre ce Point lui-même et la circonférence du Cercle, rapport qui, selon Hermès Trismégiste, ne peut pas être défini. Porphyre montre que la Monade et la Duade de Pythagore sont identiques à l’Infini et au Fini de Platon dans Philebus, où à ce que Platon appelle le sans limite et le limité. C’est la Duade, seule, la Mère qui est substantielle, la Monade étant la « cause de toute unité et la mesure de toutes choses » ; la Duade, Moulaprakriti, le Voile de (Parabrahman), est ainsi représentée comme étant en même temps la Mère du Logos et sa fille, - c’est-à-dire l’objet de sa perception, - le produit producteur et sa cause secondaire. D’après Pythagore, la Monade rentre dans le Silence et les Ténèbres, aussitôt qu’elle a évolué la Triade, dont émanent les sept derniers des dix nombres qui servent la base à l’Univers Manifesté.

   

 

Mariage des temps nouveaux

 

   

Dans la Cosmogonie Scandinave il en est encore de même.

   

« Au commencement, il y avait un grand Abîme (le Chaos), ni le jour ni la nuit n’existaient ; l’abîme était Ginnungagap, le gouffre béant, sans commencement ni fin. Le Père de tout, le Non-Créé, l’Invisible, demeurait dans les profondeurs de l’abîme (l’Espace) il exprima sa volonté et tout ce qu’il voulut prit naissance ».

  

Comme dans la Cosmogonie Hindoue, l’évolution de l’Univers est divisée en deux actes, qui sont appelés, dans l’Inde, la création Prâkrita et la création Padma. Avant que les chauds rayons émanant de la « Source de Lumière » n’eussent fait naître la vie dans les Grandes Eaux de l’Espace, les Eléments de la Première Création se montrèrent, et c’est d’eux que fut formé le Géant Ymir, ou Orgelmir (littéralement l’argile brûlant), la matière primordiale différenciée du Chaos. Puis vient la vache Audumla, la Nourrice, de qui est né Bouri, le producteur, dont le fils Bör (Born) eut de Bestla, fille des Géants du Gel (les fils d’Ymir) trois fils, Odin, Willi et We, ou « l’Esprit », la « Volonté » et la « Sainteté ». Cela eut lieu lorsque les Ténèbres régnaient encore à travers l’Espace, lorsque les Axes, les Pouvoirs créateurs ou Dhyân-Chohans, n’étaient pas encore évolués, qu’Yggdrasil, l’arbre de l’Univers, du Temps et de la Vie, n’avait pas encore poussé et qu’il n’y avait pas encore de Walhalla ou Séjour des Héros. Les légendes scandinaves de la Création de notre Vie humaine. Tout ce qui les précède est pour elles les « Ténèbres » où habite le Père de tout, la Cause de tout. Comme l’a fait remarquer l’éditeur d’Asgard and the Gods, bien que ces légendes renferment en elles l’idée de ce Père de Tout, de la cause originale de tout, « il est à peine mentionné dans les poèmes », non pas, comme il le pense, parce qu’avant que l’Evangile ne fût prêché, l’idée « ne pouvait pas s’élever jusqu’à une claire conception de l’Eternel », mais à cause de son caractère profondément ésotérique. C’est pourquoi tous les Dieux créateurs, ou Divinités personnelles n’apparaissent qu’à la phase secondaire de l’Evolution Cosmique. Zeus est né dans Cronos et de Cronos – le Temps. De même Brahma est le produit de l’émanation de Kâla « l’éternité et le temps », qui est l’un des noms de Vishnou. Pour la même raison nous trouvons Odin, le Père des Dieux et des Ases, comme Brahma est le Père des Dieux et des Asouras et nous constatons aussi le caractère androgyne de tous les principaux Dieux créateurs, depuis la seconde Monade des Grecs, jusqu’à la Sephira Adam Kadmon, jusqu’au Brahma ou Prajâpati-Vâch des Védas et jusqu’à l’androgyne de Platon qui n’est qu’une autre version du symbole Indien.

    

 

AnantaVishnu                      brahma

 

   

La meilleure définition métaphysique de la Théogonie primitive, d’après les idées des Védantins, se trouve dans les « Notes sur la Bhagavad Gîta » de T. Subba Row. Parabrahman, l’Inconnu et l’inconnaissable, comme le dit le conférencier à ses auditeurs :

  

« … n’est même pas Atmâ… Il n’est pas Ego et n’est pas Non-Ego, pas plus qu’il n’est la conscience… mais bien que n’étant pas lui-même un objet susceptible d’être connu, il n’en est pas moins capable de soutenir et de donner naissance à toutes sortes d’objets et de sortes d’existences qui deviennent objets de connaissance… C’est l’unique essence où prend naissance un centre d’énergie… qu’il appelle le Logos ».

  

Ce Logos est le Shabda Brahman des Hindous qu’il ne veut même pas appeler Ishvara (le « seigneur » Dieu), de peur que ce terme ne crée une confusion dans l’esprit du public. C’est l’Avalokiteshvara des Bouddhistes, le Verbe des Chrétiens, dans sa signification vraiment ésotérique et non pas tel qu’il est défiguré par la théologie.

  

C’est le premier Jnata, ou l’Ego dans le Cosmos et tout autre Ego… n’est que sa réflexion ou manifestation… Il existe à l’état latent dans le sein de Parabrahman à l’époque du pralaya… [Pendant le Manvantara] il a une conscience et une individualité qui lui sont propres… [Il est un centre d’énergie, mais] de pareils centres d’énergie sont presque innombrables dans le sein de Parabrahman. Il ne faut pas supposer que même ce Logos soit [le Créateur ou qu’il ne soit] qu’un unique centre d’énergie… Leur nombre est presque infini… C’est le premier Ego qui apparaît dans le Cosmos et c’est la fin de toute évolution. C’est, l’Ego abstrait… C’est la première manifestation ou aspect de Parabrahman… Dès que cet Ego commence son existence d’Etre conscient… à son point de vue objectif, Parabrahman lui apparaît comme Moûlaprakriti. Je vous prie de vous rappeler ceci… car c’est là l’origine de toutes les différents auteurs qui ont traité de la philosophie Védantine…

 

Cette Moûlaprakriti est matérielle pour lui [le Logos], de même qu’un objet matériel l’est pour nous. Cette Moûlaprakriti n’est pas plus Parabrahman, que la collection d’attributs accrochés à un pilier n’est ce pilier lui-même ; Parabrahman est une réalité non conditionnée et absolue et Moûlaprakriti est une sorte de voile jeté dessus. Parabrahman, par lui-même, ne peut être vu comme il est. Il est vu par le Logos avec un voile jeté sur lui et ce voile est la puissante extension de la matière cosmique… Parabrahman après être apparu, d’un côté comme l’Ego et de l’autre comme Moûlaprakriti, agit par l’entremise du Logos comme l’unique énergie.

    

 

Monolithe noir

 

  

Le conférencier explique, au moyen d’une belle comparaison, ce qu’il veut dire en parlant de l’activité de Quelque Chose qui n’est Rien tout en étant TOUT. Il compare le Logos au Soleil par qui irradient la lumière et la chaleur, mais dont énergie, lumière et chaleur existent dans l’Espace sous une forme inconnue et ne sont diffusées dans l’Espace que sous une forme de lumière et de chaleur visibles, le Soleil n’étant, lui, que l’agent de cette énergie. C’est la première hypostase triadique. Le quaternaire est constitué par la lumière donnant de l’énergie qu’exhale le Logos.

  

Les Cabalistes hébreux le formulèrent d’une façon qui est ésotériquement identique à celle des Védantins. Ils enseignèrent qu’Aïn-Soph ne pouvait pas être compris, qu’il ne pouvait être ni localisé, ni nommé, bien qu’il fût la Cause sans Cause de tout. De là vient son nom d’Aïn-Soph qui est un terme de négation, « l’inscrutable, l’inconnaissable et l’innommable ». Ils en firent donc un Cercle Sans Fin, une Sphère, dont l’intelligence humaine dans un effort extrême ne pouvait apercevoir que l’arrondi. Pour nous servir des termes qu’emploi quelqu’un qui a complètement déchiffré beaucoup de difficultés dans le système cabalistique, en parlant d’une de ses significations, de son ésotérisme géométrique et numérique :

  

« Fermez les yeux et en vous servant de votre propre faculté de perception consciente essayez de projeter votre pensée au dehors jusqu’aux limites les plus extrêmes, dans toutes les directions. Vous découvrirez que des lignes égales, ou des rayons de perception égaux, s’étendent avec régularité dans toutes les directions, de sorte que l’effort suprême de la perception aura pour résultat la formation de la courbe d’une sphère. La limite de cette sphère sera, nécessairement, un grand cercle et des rayons directs de la pensée dans toutes les directions devront directions devront être les rayons en ligne droite du cercle. Ce soit donc être, au point de vue humain, l’extrême limite de la conception, embrassant, tout entier, l’Aïn-Soph manifesté, qui se formule comme une figure géométrique, c’est-à-dire d’un cercle, avec ses éléments constitués par une circonférence courbe et un diamètre en droite ligne divisé en rayons. Il en résulte qu’une forme géométrique est le premier moyen reconnaissable d’établir un rapport entre Aïn-Soph et l’intelligence de l’homme.

  

Ce Grand Cercle, que l’Esotérique Oriental réduit au Point dans le Cercle Infini, est l’Avalokiteshvara, le Logos ou Verbe dont parle T. Subba Row. Mais ce cercle, ou ce Dieu manifesté, nous est aussi inconnu, sauf par son Univers manifesté, que l’est l’Unique, bien qu’il soit pour nous plus facile ou plutôt plus possible de le concevoir. Ce Logos qui sommeille dans le sein de Parabrahman pendant le Pralaya, comme notre « Ego est latent (en nous) au moment du Soushoupti » ou sommeil, qui ne peut concevoir Parabrahman que sous forme de Moulaprakriti – qui est un Voile Cosmique formé par « la puissante expansion de la matière cosmique » - n’est donc qu’un organe de la Création cosmique au travers duquel rayonnent l’Energie et la Sagesse du Parabrahman inconnu au Logos comme il l’est à nous-mêmes. De plus, comme le Logos nous est aussi inconnu que Parabrahman l’est en réalité pour Lui, l’Esotérisme Oriental et la Cabale, pour amener le Logos dans les limites de nos conceptions, ont réduit la synthèse abstraite en images concrètes, représentées par les réflexions ou aspects multipliés de ce Logos, Avalokiteshvara, Brahma, Ormazd, Osiris, Adam Kadmon ou tout autre nom qu’il vous plaira – aspects ou émanations manvantariques qui sont les Dhyan-Chohans, les Elohim, les Dévas, les Amshaspends, etc. Les métaphysiciens expliquent, d’après T. Subba Row, la racine et le germe de ces derniers comme étant la première manifestation de Parabrahman, « la trinité la plus élevée que nous puissions comprendre », qui est Moulaprakriti (le Voile), le Logos et l’énergie consciente « de ce dernier », ou son pouvoir et sa lumière (qui sont appelés dans la Bhagavad Gîta Daiviprakriti) ou « la matière, la force et l’Ego, la racine unique du Moi dont tout autre moi n’est qu’une manifestation ou une réflexion ». Ce n’est donc que dans cette Lumière (de conscience), de perception mentale et physique, que l’Occultisme pratique peut rendre le Logos visible par des formes géométriques qui, lorsqu’elles sont étudiées de très près, non seulement donnent une explication scientifique de l’existence réelle et objective des « Sept Fils de la Divine Sophia » qui est cette Lumière du Logos, mais encore montrent, à l’aide de clefs qui ne sont pas encore découvertes, qu’en ce qui concerne l’Humanité, ces « Sept Fils » et leurs innombrables émanations, centres d’énergie personnifiés, sont une nécessité absolue. Ecartez-les et le mystère de l’Etre et de l’Humanité ne sera jamais découvert et on ne s’en approchera même pas très près.

   

 

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C’est par cette Lumière que tout est créé. Cette Racine du Soi mental est aussi la racine du Soi physique, car cette Lumière est la transformation, dans notre monde manifesté, de Moûlaprakriti, appelé Aditi dans les Védas. Sous son troisième aspect elle devient Vâch, la Fille et la Mère du Logos, comme Isis est la Fille et la Mère d’Osiris, qui est Horus, et Mout, la Fille, Epouse et Mère d’Ammon, dans le Glyphe Lunaire égyptien. Dans la Cabale, Séphira est la même que Shékinah et elle est, suivant une autre synthèse, l’Epouse, la Fille et la Mère de l’Homme Céleste, Adam Kadmon et lui est même identique, tout comme Vâch est identique à Brahma et est appelée le Logos féminin. Dans le Rig Véda, Vâch est le « langage parole mystique » au moyen duquel la Connaissance Occulte et la Sagesse sont communiquées à l’homme et c’est pour cela que l’on dit que Vâch est « entrée dans les Richis ». Elle est « générée par les Dieux » ; elle est la Vâch divine, la « Reine des Dieux » et elle est associée aux Prajâpatis dans leur œuvre de création, comme Séphira l’est avec les Séphiroth. Elle est, de plus, nommée la « Mère des Védas », « puisque c’est grâce à sa puissance (comme langage mystique) que Brahma les a révélées et que c’est aussi grâce à son pouvoir qu’il produisit l’Univers », c’est-à-dire par la Parole, par des mots synthétisés par le « Verbe » et par des nombres.

  

Mais lorsque l’on parle aussi de Vâch comme de la fille de Daksha « le dieu qui vit dans tous les Kalpas », cela montre son caractère mâyâvique ; elle disparaît pendant le pralaya, absorbée dans l’unique Rayon qui dévore tout.

  

L’Esotérisme universel présente deux aspects distincts, celui de l’Orient et celui de l’Occident, dans toutes ces personnifications du Pouvoir féminin dans la Nature, ou la Nature nouménale et phénoménale. L’un est son aspect purement métaphysique, comme l’a décrit le savant conférencier dans ses « Notes on the Bhagavad Gîta », l’autre est terrestre et physique et en même temps divin, au point de vue de la conception humaine pratique et de l’Occultisme. Ils sont tous des symboles et des personnifications du Chaos, du « Grand Abîme », ou des Eaux Primordiales de l’Espace, le Voile impénétrable qui se trouve entre l’Inconnaissable et le Logos de la Création. « Se mettant, par la pensée, en rapport avec Vâch, Brahma [le Logos] créa les Eaux Primordiales ». Dans la Katha Oupanishad c’est décrit encore plus clairement :

  

« Prajâpati était cet Univers. Vâch venait après lui. Il s’associa avec elle… elle produisit ces créatures et rentra de nouveau dans Prajâpati ».

   

 

2001 2

 

     

Cela relie Vâch et Séphira avec la Déesse Kwan-Yin, la « Mère Miséricordieuse », la Voix divine de l’Ame, même dans le Bouddhisme exotérique et avec l’aspect féminin de Kwan-Shai-Yin, le Logos, le Verbe de la Création, en même temps qu’avec la Voix qui parle distinctement à l’Initié, selon le Bouddhisme Esotérique. Bath Kol, la Filia Vocis, la Fille de la Voix Divine des Hébreux, répondant du haut du Siège de Miséricorde derrière le Voile du Temple en est – un résultat.

  

Ici, nous pouvons signaler incidemment un des nombreux reproches que les « bons et pieux » missionnaires de l’Inde ont adressés à la religion du pays. L’allégorie contenue dans le Shatapatha Brâhmana, d’après laquelle Brahmâ, en sa qualité de Père des hommes, accomplit l’œuvre de la procréation grâce à une liaison incestueuse avec sa propre fille Vâch, appelée aussi Sandhyâ, le Crépuscule et Shataroûpâ (aux cent formes), est sans cesse jetée à la figure des Brâhmanes, comme condamnant leur « détestable et fausse religion ». En dehors du fait, oublié à dessein par les Européens, que le patriarche Loth est représenté comme coupable du même crime sous la forme humaine, tandis que c’était sous la forme d’un bouc que Brahmâ, ou plutôt Prajâpati, consomma l’inceste avec sa fille, elle-même sous la forme d’une biche (rohit), la signification ésotérique du troisième chapitre de la Genèse prouve le même fait. De plus, il y a certainement une signification cosmique et non pas physiologique attachée à l’allégorie hindoue, puisque Vâch est une transformation d’Aditi et de Moulaprakriti (Chaos) et que Brahmâ est une transformation de Nârâyana, l’Esprit de Dieu qui entre dans la Nature et la féconde, de sorte qu’il n’y a absolument rien de phallique dans la conception.

  

Comme nous l’avons déjà dit, Aditi-Vâch est le Logos féminin, ou Verbe, la « Parole », et Séphira est la même chose dans la Cabale. Ces Logoï féminins, sous leur aspect nouménal de Lumière, de Son et d’Ether, sont tous des corrélations qui prouvent à quel point les Anciens étaient instruits, tant dans la Science Physique, telle qu’elle est aujourd’hui connue des modernes, que dans la naissance de cette Science dans les sphères Spirituelle et Astrale.

  

« Nos anciens écrivains disaient que Vâch était de quatre sortes, qui prenaient les noms de Parâ, Pashyanti, Madhyamâ et Vaikhari. Vous trouverez cette donnée dans le Rig Véda lui-même et dans plusieurs des Oupanishads. Vaikhari Vâch est ce que nous prononçons ».

  

C’est le Son, la Parole ; c’est aussi ce qui devient compréhensible et objectif pour l’un de nos sens physiques et peut être soumis aux lois de perception. Par conséquent :

   

 

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« Chaque sorte de vaikhara Vâch existe dans sa forme madhyamâ… pashyanti et, finalement, dans sa forme parâ… La raison pour laquelle ce Pranava est appelé Vâch est celle-ci : c’est que ces quatre principes du grand Cosmos correspondent à ces quatre formes de Vâch… Le Cosmos entier, dans sa forme objective, est vaikharî Vâch ; la Lumière du Logos est la forme madhyamâ et le Logos lui-même la forme pasyanti, tandis que Parabrahman (au-delà du Noumène de tous les Noumènes) est l’aspect parâ de cette Vâch.

   

En conséquence, Vâch, Shékinah ou la « musique des sphères », de Pythagore, ne font qu’un, si nous choisissons nos exemples dans les trois philosophies religieuses de ce monde qui sont (en apparence) les plus dissemblables, celle des Hindous, celle des Grecs et celle des Hébreux Chaldéens. Ces personnifications et ces allégories peuvent être étudiées sous quatre aspects (principaux) et sous trois aspects (moins importants), soit sept en tout, comme dans l’Esotérisme. La forme parâ est la Lumière et le Son, toujours subjectifs et latents, qui existent éternellement dans le sein de l’Inconnaissable ; lorsqu’elle est transférée dans l’idéation du Logos, ou dans sa Lumière latente, elle est appelée pashyantî, et lorsqu’elle devient cette Lumière exprimée elle est madhyamâ. La Cabale en donne ainsi la définition :

  

« Il y a trois sortes de lumières, plus celle (la quatrième) qui interpénètre les autres : 1) la lumière claire et pénétrante, la lumière objective, 2) la lumière réfléchie et 3) la lumière abstraite ».

  

Les dix Séphiroth, les Trois et les Sept, sont appelés dans la Cabale les Dix Mots DBRIM (Dabarim), les Nombres et les Emanations de la Lumière Céleste, qui est à la fois Adam Kadmon et Séphira, Prajâpati-Vâch ou Brahma. Dans la Cabale, la Lumière, le Son et le Nombre sont les trois facteurs de la création. Parabrahman ne peut être connu que par le Point lumineux (le Logos), qui ne connaît pas Parabrahman, mais seulement Moûlaprakriti. De même, Adam Kadmon ne connaissait que Shékinah, bien qu’elle fût le véhicule d’Aïn-Soph. En sa qualité d’Adam Kadmon, il est, suivant l’interprétation Esotérique, le total du Nombre Dix, les Séphiroth (en étant lui-même une Trinitié) ou les trois attributs en un seul de la Divinité inconnaissable. « Lorsque l’Homme Céleste (le Logos) prit d’abord la forme de la Couronne [Kether] et s’identifia à Séphira, il en fît émaner de la Couronne Sept Lumières splendides », ce qui porte leur total à Dix ; de même Brahmâ-Prajâpati, dès qu’il fut séparé de Vâch tout en lui étant identique, fit jaillir de cette Couronne les sept Richis et les sept Manous en Prajâpatis. Dans l’exotérisme on trouvera toujours 10 et 7, qu’il s’agisse de Séphira ou de Prajâpati ; dans l’exposé ésotérique : toujours 3 et 7 qui font aussi 10. Seulement, lorsque, dans la sphère manifestée, ils sont divisés entre 3 et 7.

   

 

 

soleil mort

 

 

Cela aidera l’étudiant à comprendre pourquoi Pythagore considérait la Divinité, le Logos, comme le Centre de l’Unité et la « Source de l’Harmonie ». Nous disons que cette Divinité était le Logos et non pas la Monade qui habite dans la Solitude et le Silence, parce que Pythagore enseignait que l’Unité, étant indivisible, n’était pas un nombre. C’est aussi pour cela que l’on exigeait du candidat qui demandait à être admis dans son école, qu’il eût déjà, comme mesure préparatoire, étudié l’Arithmétique, l’Astronomie, la Géométrie et la Musique, que l’on considérait comme formant les quatre divisions des Mathématiques. Cela explique encore pourquoi les Pythagoriciens affirmaient que la doctrine des Nombres, la plus importante dans l’Esotérisme, avait été révélée à l’homme par les Divinités Célestes ; que le Monde avait été tiré du Chaos au moyen du Son ou de l’Harmonie, et édifié suivant les principes de la mesure musicale ; que les sept planètes qui régissent la destinée des mortels ont un mouvement harmonieux et, comme le dit Censorinus :

  

« Des intervalles qui correspondent aux intervalles musicaux, rendent certains sons si parfaitement consonants, qu’ils produisent la plus douce mélodie, qu’il ne nous est impossible d’entendre qu’à cause de la grandeur du son, que nos oreilles sont incapables de recevoir ».

  

Dans la Théogonie Pythagoricienne, les Hiérarchies de la Légion Céleste et les Dieux étaient comptés et aussi exprimés numériquement. Pythagore avait étudié la Science Esotérique en Inde et c’est pour cela que nous voyons ses élèves dire :

  

« La Monade [l’Unique manifesté] est le principe de toutes choses. De la Monade et de la Duade indéterminée (le Chaos), les Nombres ; des Nombres, les Points ; des Points, les Lignes ; des Lignes, Les Superficies ; des Superficies, les Solides ; de ceux-ci, les Corps Solides, dont les Eléments sont au nombre de quatre, le Feu, l’Eau, l’Air et la Terre ; desquels tout le Monde est constitué, après leur transformation (corrélation) et leur total changement. »

  

Si cela n’explique pas entièrement le mystère, cela soulève tout au moins un coin du voile qui couvre ces merveilleuses allégories derrière lesquelles on a abrité Vâch, la plus mystérieuse de toutes les Déesses brahmaniques ; celle que l’on appelle « la Vache mélodieuse qui fit jaillir de ses pis la nourriture et l’Eau » (la Terre avec tous ses pouvoirs mystiques), ou encore celle « qui nous donne la nourriture et la subsistance » (la Terre physique). Isis est aussi la Nature mystique et la Terre ; et ses cornes de vache l’identifient à Vâch qui, après avoir été reconnue dans sa forme la plus élevée comme Parâ, devient, du côté inférieur et matériel de la création, Vaikharî. Aussi, bien qu’elle soit physique, représente-t-elle la Nature mystique avec tous ses moyens et toutes ses propriétés magiques.

  

Comme déesse du Langage et du Son et comme transformation d’Aditi, elle est aussi dans un sens, le Chaos. En tout cas elle est la « Mère des Dieux » et c’est Brahmâ, Ishvara ou le Logos et Vâch, de même qu’Adam Kadmon et Séphira, qui doivent servir de point de départ à la vraie Théologie manifestée. Au-delà tout est Ténèbres et spéculations abstraites. Avec les Dhyan-Chochans et les Dieux, les Voyants, les Prophètes et les Adeptes en général sont sur un terrain solide. Que ce soit comme Aditi ou comme la divine Sophia des Gnostiques grecs, elle est la mère des Sept Fils, des « Anges de la Face », de « l’Abîme », ou du « Grand Un Vert » du Livre des Morts.

  

Au commencement de chaque cycle de 4.320.000 les Sept ou, comme le prétendaient quelques nations, les Huit Grands Dieux, descendent pour instituer le nouvel ordre de choses et pour donner l’impulsion au nouveau cycle. Ce huitième Dieu était le Cercle qui unifie, ou le Logos, séparé et mis à part de sa Légion dans le dogme exotérique, exactement comme les trois hypostases divines des anciens Grecs sont considérées maintenant par les Eglises comme trois personnes distinctes. Comme le dit un commentaire :

  

« Les Puissants accomplissent leurs grandes œuvres et laissent derrière eux d’impérissables monuments pour rappeler leur visite, chaque fois qu’ils pénètrent sous notre voile mâyâvique [l’atmosphère] ».

  

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 11:24

Demon est Deus Inversus

 

Cette phrase symbolique, sous ses aspects multiples, est certainement très dangereuse et très iconoclaste aux yeux de toutes les religions, ou plutôt de toutes les théologies dualitisques modernes, et surtout aux yeux du Christianisme. Il n’est pourtant ni juste ni correct de dire que ce soit Christianisme qui ait conçu et enfanté Satan. Satan a toujours existé en qualité « d’Adversaire », le Pouvoir opposé requis pour l’équilibre et l’harmonie des choses dans la Nature, comme l’Ombre est nécessaire pour rendre la Lumière plus brillante, la Nuit pour donner du relief au Jour et le Froid pour nous faire apprécier davantage le confort de la Chaleur. L’homogénéité est une et indivisible. Mais si l’Unique et Absolu homogène n’est pas une simple figure de langage, et si l’Hétérogénéité, sous son double aspect, est son produit, son ombre ou sa réflexion bifide, alors cette homogénéité divine elle-même doit renfermer en elle-même à la fois l’essence du bien, du mal. Si « Dieu » est Absolu, Infini et la Racine Universelle de toutes choses dans la Nature et dans son Univers, d’où proviendrait le Mal ou le Diable, si ce n’était de cette même « Matrice d’Or » de l’Absolu ? Nous sommes donc forcés soit d’accepter l’émanation du bien et du mal, d’Agathodaïmon et de Kakodaïmon, comme jaillissant du même tronc de l’Arbre de l’Etre, soit de nous résigner à l’absurdité de croire à deux Absolus éternels !

 

 

 

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Comme nous devons rechercher l’origine de l’idée en remontant jusqu’aux tous débuts de l’esprit humain, il n’est que juste de rendre son dû en même temps au Diable proverbial. L’antiquité ne connaissait aucun « dieu du mal » distinct, qui fût complètement et absolument mauvais. La pensée païenne représentait le bien et le mal comme des frères jumeaux, nés de la même mère, la Nature, et aussitôt que cette pensée cessa d’être Archaïque, la Sagesse devint de la philosophie. Au début, les symboles du bien et du mal n’étaient que de simples abstractions, la Lumière et les Ténèbres ; plus tard, ils furent choisis parmi les phénomènes cosmiques périodiques les plus naturels et les plus constants, comme le Jour et la Nuit, ou le Soleil et la Lune. Les Légions des Divinités Solaires et Lunaires furent alors appelées à les représenter, et l’on opposa le Dragon des Ténèbres au Dragon de la Lumière. La Légion de Satan est un Fils de Dieu, au même titre que celle des B’ne Alhim, les Enfants de Dieu qui vinrent « se présenter devant le Seigneur » leur Père (Job, II, I). Les « Fils de Dieu » ne devinrent les « Anges Déchus » qu’après s’être aperçus que les filles des hommes étaient belles (Genèse, VI, 2). Dans la philosophie indienne, les Souras sont classés parmi les premiers et les plus brillants des Dieux, et ne deviennent des Asouras que lorsqu’ils sont détrônés par l’imagination brahmanique. Satan ne revêtit jamais une forme anthropomorphique et individualisée, jusqu’au moment ou l’homme créa un « Dieu vivant unique et personnel », et ce ne fut alors que par nécessité urgente. Il fallait un écran, un bouc émissaire pour expliquer la cruauté, les bévues et l’injustice trop évidente de celui à qui l’on attribuait la perfection absolue, la miséricorde et la bonté. Ce fut le premier effet Karmique de l’abandon d’un Panthéisme philosophique et logique, pour édifier, en guise d’appui pour l’homme paresseux, « un Père miséricordieux dans le Ciel », dont les actions de tous les jours et de toutes les heures, comme Natura Naturans, la « Mère belle mais froide comme la pierre », contredisent l’existence. Cela conduisit aux jumeaux primordiaux, Osiris-Typhon, Ormazd-Ahriman et, finalement, Caïn-Abel et tous les tutti quanti d’opposés.

  

« Dieu », le Créateur, qui avait commencé par être synonyme de Nature, finit par être transformé en son auteur. Pascal résout astucieusement la difficulté en disant : « La nature possède des perfections pour prouver qu’elle est l’image de Dieu, et des défauts pour établir qu’elle n’est que son image ».

  

 

 

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Plus on se reporte en arrière, dans l’obscurité des époques préhistoriques, plus la forme prototype du récent Satan semble philosophique. Le premier « Adversaire », revêtu d’une forme humaine individuelle, que l’on rencontre dans la vieille littérature pouranique, est l’un des plus grands parmi ses Richis et ses Yogis-Nârada, surnommé le « faiseur de combats ».

  

C’est un Brahmapoutra, un fils de Brahmâ, le mâle. Mais nous parlerons de lui plus tard. On peut s’assurer de ce qu’est réellement le grand « Trompeur », en le cherchant avec des yeux ouverts et un esprit sans préjugés, dans toutes les Cosmogonies et dans toutes les Ecritures de l’antiquité.

  

C’est le Démiurge anthropomorphisé, le Créateur du Ciel et de la Terre, lorsqu’il est séparé des Légions collectives de ses Co-créateurs, qu’il représente et synthétise pour ainsi dire. C’est actuellement le Dieu des Théologies. « Le désir est le père de la pensée ». Ce qui avait été un symbole philosophique laissé jadis pour pervertir l’imagination humaine fut transformé, plus tard, en un Dieu hostile, trompeur, rusé et jaloux.

  

Comme on parle des Dragons et des autres Anges Déchus quelques mots suffiront ici au sujet du Satan dont on a tant médit. L’étudiant fera bien de se souvenir que, chez tous les peuples, à l’exception des nations chrétiennes, le Diable n’est pas considéré jusqu’à présent comme une entité qui soit pire que son aspect opposé, dans la double nature du prétendu Créateur. Ce n’est que naturel. On ne peut représenter Dieu comme la synthèse de l’Univers entier, comme Omniprésent, Omniscient et Infini, et le séparer du Mal. Comme il y a beaucoup plus de mal que de Bien dans le monde, il s’ensuit, logiquement, que Dieu doit inclure le Mal ou en représenter la cause directe, sous peine de renoncer à ses prétentions à l’Absolu. Les Anciens le comprenaient si bien que leurs philosophes, imités maintenant par les cabalistes, définissaient le Mal comme la « doublure » de Dieu ou du Bien, car Demon est Deus inversus est un très vieil adage. En effet, le Mal n’est qu’une force antagoniste aveugle de la Nature : c’est la réaction, l’opposition et le contraste ; c’est le mal pour les uns et le bien pour les autres. Il n’y a pas de malum in se (mal absolu) ; il n’y a que l’Ombre de la Lumière, sans laquelle celle-ci ne pourrait exister, même pour nos perceptions. Si le Mal disparaissait, le Bien disparaîtrait en même temps que lui de la Terre. Le « Vieux Dragon » était pur Esprit, avant de devenir Matière ; passif avant de devenir actif. Dans la Magie Syro-Chaldéenne, Ophis et Ophiomorphos sont réunis, dans le Zodiaque, dans le signe de l’Androgyne Vierge-Scorpion. Avant sa chute sur la Terre, le « Serpent » était Ophis-Christos, et après sa chute il devint Ophiomorphos-Chrestos. Les théories des Cabalistes représentent partout le Mal comme une Force qui est antagoniste mais, en même temps essentielle au bien, comme lui conférant vitalité et existence qu’il ne pourrait jamais avoir autrement. Il n’y aurait pas de Vie possible (dans le sens mâyâvique) sans la Mort ; pas de régénération et de construction sans destruction. Les plantes périraient si elles étaient sans cesse au soleil, et il en serait de même de l’homme, qui deviendrait un automate sans le jeu de son libre arbitre et de son aspiration vers cette lumière solaire qui perdrait son être et sa valeur pour lui s’il n’avait eu que la lumière. Le bien n’est infini et éternel que dans ce qui nous est éternellement caché, et c’est pourquoi nous l’imaginons éternel. Sur les plans manifestés, l’un fait équilibre à l’autre. Bien rares sont les Théistes, croyant à un Dieu Personnel, qui ne font pas de Satan l’ombre de Dieu ; ou qui, les confondant tous deux, ne croient pas avoir le droit d’invoquer leur idole pour solliciter son aide et sa protection, dans le but d’accomplir impunément leurs actions mauvaises et cruelles. « Ne nous induits pas en tentation » est une prière adressée tous les jours à « notre Père dans les Cieux » et non pas au Diable, par des millions de cœurs chrétiens. Ils le font en répétant les paroles mêmes que l’on attribue à leur Sauveur, sans songer un seul instant que Jacques « le frère du Seigneur » contredit formellement cette façon de s’exprimer :

  

« Que nul, lorsqu’il est tenté, ne dise : Je suis tenté par Dieu ; car Dieu ne peut ni être tenté par le mal ni tenter aucun homme ».

  

Pourquoi dire alors que c’est le Diable qui nous tente, lorsque l’Eglise nous enseigne par l’autorité du Christ, que c’est Dieu qui le fait ? Ouvrez n’importe quel livre pieux où le mot « tentation » soit défini dans son sens théologique et vous trouverez aussitôt deux définitions :

  

1) Les chagrins et les soucis au moyen desquels Dieu éprouve son peuple.

 

2) Les moyens et les séductions dont le Diable se sert pour prendre les hommes au piège et les attirer.

  

Pris littéralement, les enseignements du Christ et ceux de Jacques se contredisent ; et quel est le dogme qui puisse les concilier, si l’on repousse l’interprétation occulte ?

  

Parmi ces tentations alternantes, bien avisé sera le philosophe qui pourra décider à quel moment Dieu disparaît pour faire place au Diable ! Aussi lorsque nous lisons que « le Diable est un menteur, et le père du mensonge », c’est-à-dire un mensonge incarné, et que l’on nous dit en même temps que Satan, le Diable, était un Fils de Dieu et le plus beau de ses Archanges, nous préférons, plutôt que de croire que le Père et le Fils sont la personnification d’un gigantesque et éternel mensonge, nous adresser au Panthéisme et à la philosophie Païenne pour être renseignés.

 

 

 

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Puisque la clef de la Genèse est en notre possession, la Cabale scientifique et symbolique nous dévoile le secret. Le Grand Serpent du Jardin d’Eden et le « Seigneur Dieu » sont identiques, ainsi que Jéhovah et Caïn – ce Caïn dont la Théologie parle comme d’un « meurtrier » et d’un menteur à Dieu ! Jéhovah pousse le roi d’Israël à dénombrer le peuple, et ailleurs Satan le pousse à faire de même. Jéhovah se change en Serpents Ardents pour mordre ceux qui lui déplaisent, et Jéhovah anime le Serpent d’Airain qui les guérit.

  

Ces récits, courts et en apparence contradictoires, que l’on trouve dans l’Ancien Testament – contradictoires parce que les deux pouvoirs sont séparés, au lieu d’être considérés comme les deux aspects de la même chose – sont les échos, déformés par l’exotérisme et la théologie – au point de n’être plus reconnaissables – des dogmes universels et philosophiques de la Nature, que les anciens Sages comprenaient si bien. Nous retrouvons le même fond sous plusieurs personnifications des Pourânas, mais il y est bien plus ample et bien plus philosophiquement suggestif.

  

Par exemple, Poulastya, un « Fils de Dieu », l’un des premiers descendants, est représenté comme le premier père des Démons, les Râkshasas, les tentateurs et les dévoreurs des hommes. Pishâchâ, un démon féminin, est une fille de Daksha, lui aussi « Fils de Dieu » ; elle est encore un Dieu et la mère de tous les Pishâchâs. Ceux que l’on appelle des Démons dans les Pourânas, sont des Diables très extraordinaires lorsqu’on les juge au point de vue des idées européennes et orthodoxes, puisque tous, Dâvanas, Daityas, Pishâchas et Râkshasas, sont représentés comme extrêmement pieux, se conformant aux préceptes des Védas et quelques-uns, même, comme de grands Yogis. Mais ils sont opposés au clergé, au rituel, aux sacrifices et aux formules, ce que les principaux Yogis font précisément jusqu’à nos jours en Inde, sans être moins respectés pour cela, bien qu’il ne leur soit permis d’appartenir ni à une caste, ni à un rite ; et voilà pourquoi tous ces Géants et Titans pourâniques sont appelés des Diables. Les missionnaires, toujours à l’affût pour chercher à prouver, autant que possible, que les traditions hindoues ne sont que le reflet de la Bible juive, ont combiné tout un roman sur la prétendue identité de Poulastya et de Caïn et sur celle des Râkshasas et des Caïnites, les « Maudits » qui furent cause du « Déluge de Noé ». Poulastya habite Kedara, dont le nom signifie « un emplacement creusé », une mine, et la tradition ainsi que la Bible nous montrent Caïn comme le premier qui ai travaillé les métaux et les ait extraits !

  

S’il est très possible que les Gibborin ou Géants de la Bible sont les Râkshasas des Hindous, il est encore plus certain que tous les deux sont des Atlantéens et appartiennent aux races submergées. Quoi qu’il en soit, nul Satan n’aurait pu mettre plus de persistance à déprécier ses ennemis ou se montrer plus méprisant dans sa haine que ne le font les Théologiens chrétiens en le maudissant, lui Satan, comme le père de tous les maux. Comparez leurs vitupérations et leurs opinions sur le Diable aux idées philosophiques des Sages Pourâniques et à leur mansuétude semblable à celle du Christ. Lorsque Parâshara, dont le père fut dévoré par un Râkshasa, se préparait à détruire la race entière par des artifices magiques, son grand-père, Vasishtha, après avoir prouvé au Sage irrité, par son propre aveu, que le Mal et karma existent, mais que les « Esprits malfaisants » n’existent pas, prononce les suggestives paroles suivantes :

  

« Que ta colère s’apaise ; les Râkshasas ne sont pas coupables ; la mort de ton père fut l’œuvre de la destinée [Karma]. La colère est la passion des insensés ; elle ne sied pas à l’homme sage. Par qui, peut-on demander, quelqu’un est-il tué ? Chaque homme recueille les conséquences de ses propres actes. La colère, mon fils, est la destruction de tous ce qu’un homme obtient… et empêche d’atteindre… l’émancipation. Les… sages fuient la colère ; ne sois pas, mon enfant, sujet à son influence. Ne permets plus qu’aucun de ces inoffensifs esprits des ténèbres soit consumé ; (que ton sacrifice cesse). La miséricorde est la puissance des bons ».

  

Tout « sacrifice » de ce genre, ou toute prière adressée à Dieu pour obtenir son assistance, n’est donc pas autre chose qu’un acte de magie noire. Ce que Parâshara demandait dans sa prière, c’était la destruction des Esprits des Ténèbres, pour sa vengeance personnelle. On le traite de Païen, et les Chrétiens l’ont condamné comme tel à l’enfer éternel. Pourtant, en quoi la prière que font les souverains et les généraux avant chaque bataille, dans le but d’obtenir la destruction de leur ennemi, est-elle meilleure ? Une pareille prière est toujours un acte de magie noire de la pire espèce, dissimulé comme est le démon « M. Hyde » sous l’aspect de l’excellent « docteur Jekyll ».

  

Dans la nature humaine, le mal n’indique que la polarité de la Matière et de l’Esprit, une lutte pour la vie entre les deux Principes manifestés dans l’Espace et le Temps, Principes qui n’en font qu’un per se, puisqu’ils ont leur racine dans l’Absolu. Dans le Cosmos, l’équilibre doit être maintenu. Les opérations des deux contraires produisent l’harmonie, comme les forces centripètes et centrifuge qui, dépendant mutuellement l’une de l’autre, sont nécessaires l’une à l’autre « pour que toutes deux puissent vivre ». Si l’une était arrêtée, l’action de l’autre deviendrait immédiatement soi-destructive.

  

 

 

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Puisque la personnification appelée Satan a été analysée en détail sous son triple aspect dans l’Ancien Testament, dans la Théologie chrétienne et dans l’antique manière de penser des Gentils. C’est pour une très bonne raison que nous avons effleuré ici le sujet et essayé de donner quelques explications nouvelles. Avant de pouvoir en arriver à l’évolution de l’homme physique et divin, il faut d’abord que nous ayons une idée bien nette de l’évolution cyclique, que nous nous mettions au courant des philosophies et des croyances des quatre Races qui précédèrent notre Race actuelle et que nous sachions ce qu’étaient les idées de ces Titans et de ces Géants – de vrais Géants, au point de vue mental comme au point de vue physique.. L’antiquité tout entière était imbue de cette philosophie qui enseigne l’involution de l’esprit dans la matière, la descente cyclique progressive ou évolution active et soi-consciente. Les Gnostiques Alexandrins ont suffisamment divulgué les secrets des Initiations et leurs annales regorgent de « chutes des Eons » dans leur double qualité d’Etres Angéliques et de Périodes ; les uns étant l’évolution naturelle des autres. D’autre part, les traditions Orientales des deux côtés des « Eaux Noires », les océans qui séparent les deux Orients sont également pleines d’allégories au sujet de la chute du Plérôme ou de celle des Dieux et des Dévas. Toutes ont représenté la CHUTE comme étant l’allégorie du désir d’apprendre et d’acquérir du savoir, de connaître. La conséquence naturelle de l’évolution mentale, c’est que le Spirituel se transmue en Matériel ou Physique. La même loi de descente dans la matérialité et de remontée vers la spiritualité s’affirma durant l’ère chrétienne.

  

L’allégorie qui était présentée dans Pymandre, il y a peut-être dix mille ans, en vue d’une triple interprétation et pour servir de mémento d’un fait astronomique, anthropologique et même alchimique, c’est-à-dire l’allégorie des Sept Recteurs traversant les Sept Cercles de Feu, fut rapetissée en une interprétation matérielle et anthropomorphique – la Rébellion et la Chute des Anges. Le récit si varié et si profondément philosophique, sous sa forme poétique du « Mariage du Ciel et de la Terre », de l’amour de la Nature pour la Forme Divine, et « l’Homme Céleste » ravi par sa propre beauté réfléchie dans la Nature, c’est-à-dire l’Esprit attiré dans la Matière, est devenu maintenant, par le traitement des théologiens, « les Sept Recteurs désobéissants à Jéhovah, l’admiration de soi générant l’Orgueil Satanique qui fut suivi de leur Chute, car Jéhovah ne permettait qu’on gaspillât aucun culte sauf pour lui ». En un mot, les beaux Anges Planétaires, les glorieux Eons Cycliques des Anciens ont été synthétisés, dans leur forme la plus orthodoxe, en Samaël, le Chef des Démons dans le Talmud, « ce Grand Serpent aux douze ailes qui entraîne avec lui dans sa Chute le Système Solaire ou les Titans ». Mais Schémal – l’alter ego et le type Sabéen de Samaël – signifiait, sous son aspect philosophique et ésotérique, « l’Année » sous son mauvais aspect astrologique, avec ses douze mois, ou « ailes », de maux inévitables dans la Nature. Dans la Théogonie Esotérique, Schémal et Samaël représentaient une divinité particulière. Pour les Cabalistes, ils sont « l’Esprit de la Terre », le Dieu Personnel qui la gouverne et, par conséquent, de facto, identique à Jéhovah. Les Talmudistes eux-mêmes admettent, en effet, que Samaël est un nom divin de l’un des sept Elohim. Les Cabalistes représentent en outre Schémal et Samaël comme étant, tous deux, une forme symbolique de Saturne-Cronos ; les « douze ailes » représentant les douze mois, et le symbole, dans sa collectivité, indiquant le cycle d’une race. En tant que glyphes, Jéhovah et Saturne sont aussi identiques.

    

 

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Cela conduit ensuite à une déduction très curieuse tirée d’un dogme Catholique Romain. Beaucoup d’écrivains renommés, appartenant à l’Eglise Latine, admettent qu’une différence existe et doit être établie, entre les Titans Uraniens, les Géants antédiluviens qui furent aussi des Titans, et ces Géants post-diluviens dans lesquels les Catholiques Romains persistent à voir les descendants du Cham mythique. Pour parler plus clairement, il y a une différence à établir entre les Forces Cosmiques contraires primordiales, guidées par la loi cyclique, les Géants humains Atlantéens et les grands Adeptes post-diluviens, qu’ils fussent de droite ou de gauche. En même temps ces auteurs démontrent que Michel « le généralissime des Légions de Combattants Célestes, le garde du corps de Jéhovah » pour ainsi dire selon de Mirville, est aussi un Titan mais seulement avec l’adjectif « divin » avant son nom. De sorte que ces « Uranides » qui sont partout appelés des « Titans divins » - qui, s’étant révoltés contre Cronos, ou Saturne, sont par conséquent représentés aussi comme étant les ennemis de Samaël, lui-même un des Elohim et synonyme de Jéhovah dans sa collectivité – sont identiques à Michel et à sa légion. En un mot, les rôles sont renversés, tous les combattants sont confondus et aucun étudiant ne peut les distinguer clairement entre eux. L’explication ésotérique peut cependant mettre un peu d’ordre dans cette confusion, au milieu de laquelle Jéhovah devient Saturne, et Michel avec son Armée devient Satan avec ses Anges Rebelles, grâce aux efforts indiscrets de fidèles trop zélés, pour transformer chaque dieu païen en un diable. La véritable signification est beaucoup plus philosophique et la légende de la première « Chute » des Anges prend un aspect scientifique lorsqu’elle est correctement comprise.

 

Cronos représente la Durée sans fin et, par conséquent, immuable, sans commencement, sans fin, au-delà du Temps divisé et au-delà de l’Espace. Les Anges, Génies ou Dévas qui naquirent pour agir dans l’espace et le temps, c’est-à-dire pour traverser les sept cercles des plans super-spirituels et entrer dans les régions phénoménales ou circonscrites super-terrestres, sont allégoriquement représentés comme s’étant révoltés contre Cronos et comme ayant combattu « le Lion », qui était alors l’unique Dieu vivant, suprême. Lorsque Cronos à son tour est représenté comme mutilant Uranus, son père, la signification de cette mutilation (allégorie) est très simple. Le Temps Absolu est représenté comme devenant fini et conditionné ; une partie est dérobée au tout, indiquant ainsi que Saturne, Père des Dieux, a été transformé de l’Eternelle Durée en une Période limitée. Cronos, avec sa faux, coupe jusqu’aux cycles les plus longs, qui nous paraissent interminables et qui, néanmoins, sont limités dans l’Eternité et, avec la même faux, détruit les rebelles les plus puissants. Pas un n’échappera à la faux du Temps ! Qu’on loue Dieu ou les Dieux, ou qu’on les raille, cette faux ne tremblera pas durant la millionième partie d’une seconde dans sa course ascendante et descendante.

  

 

 

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Les Titans de la Théogonie d’Hésiode furent copiés en Grèce sur les Souras et les Asouras de l’Inde. Ces Titans d’Hésiode, les Uranides, étaient jadis représentés comme n’étant qu’au nombre de six, mais grâce à un vieux fragment de manuscrit traitant du mythe grec, on a découvert qu’il y en avait sept et que le septième se nommait Phoreg. Cela démontre absolument leur identité avec les Sept Recteurs. L’origine de la « Guerre dans le Ciel » et de la Chute, doit, selon nous, être certainement attribuée à l’Inde et doit peut-être remonter à une période bien antérieure aux récits qu’en font les Pourânas. La Târakâmaya était en effet postérieure et l’on a la description de trois Guerres distinctes dans presque toutes les Cosmogonies.

 

La première guerre eut lieu dans la nuit des temps, entre les Dieux et les (A) souras et dura toute une Année Divine. En cette circonstance les Divinités furent vaincues par les Daityas, conduits par Hrâda. Mais ensuite, grâce à une ruse de Vishnou, à qui les Dieux vaincus demandèrent du secours, ceux-ci mirent les Asouras en déroute. Dans la Vishnou Pourâna on ne trouve aucun intervalle entre les deux guerres. Dans la Doctrine Esotérique, cependant, l’une des guerres a lieu avant la formation du Système Solaire, l’autre, sur la Terre, à la « création » de l’homme et l’on parle d’une « troisième » qui aurait eu lieu à la fin de la Quatrième Race, entre ses Adeptes et ceux de la Cinquième, c’est-à-dire entre les Initiés de « l’Ile Sacrée » et les Sorciers de l’Atlantide. Nous parlerons de la première lutte, telle que la décrit Parâshara et nous tenterons d’établir une distinction entre les deux récits qui sont confondus à dessein.

   

 

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Il y est dit que les Daityas et les Asouras, s’occupant des devoirs de leurs Ordres respectifs (varnas) et suivant la voie prescrite par les Ecritures saintes, s’imposant même des pénitences religieuses – (singulières occupations pour des démons s’ils sont analogues à nos diables, comme on le prétend) – il était impossible aux dieux de les détruire. Les prières adressées à Vishnou par les dieux sont curieuses, en ce qu’elles font ressortir les idées qu’implique une divinité anthropomorphique. Ayant, après leur défaite, fui vers la côte nord de l’Océan atlantique, les dieux vaincus adressèrent de nombreuses supplications « au premier des Etres, le divin Vishnou » et entre autres, la suivante :

 

« Gloire à toi qui ne fais qu’un avec les Saints, dont la nature parfaite est à jamais bénie, et qui traverse sans gêne tous les éléments perméables ! Gloire à toi qui ne fais qu’un avec la race du Serpent à la langue double, impétueux, cruel, insatiable de plaisir et possédant de grandes richesses… Gloire à toi… O Seigneur, qui n’a ni couleur, ni extension, ni corps (ghana), ni aucune qualité universelle et dont l’essence (roûpa), pure entre les pures, ne peut être appréciée par les saints sages (Paramarshis) les plus grands des Sages ou Richis. Nous nous inclinons devant toi, dans la nature de Brahma, incréée, ne se corrompant pas (avyaya) ; devant toi qui es dans nos corps et dans tous les autres corps et dans toutes les créatures vivantes ; et en dehors duquel rien n’existe. Nous glorifions ce Vâsoudeva, le (souverain) Seigneur (de tous), qui est sans domaine, qui est la semence de toutes choses, que la dissolution ne saurait atteindre, qui est incréé et éternel, qui est dans son essence (Paramapadâtmavat) la condition suprême de l’esprit et dans sa substance (roûpa) l’ensemble de cet univers ».

 

Nous citons ce qui précède comme un exemple du champ énorme que les Pourânas offrent aux critiques hostiles et erronées de tous les Européens bigots, qui basent sur de simples apparences extérieures l’opinion qu’ils se font des religions autres que la leur. Tout homme accoutumé à soumettre ce qu’il lit à une analyse intelligente, verra au premier coup d’œil l’incongruité qu’il y a à interpeller « l’Inconnaissable » reconnu, l’Absolu sans formes et sans attributs, ainsi que les Védantins décrivent Brahman, comme « ne faisant qu’un avec la race du Serpent à la langue double, cruel et insatiable » et à associer ainsi l’abstrait avec le concret, en attribuant des adjectifs à ce qui est illimité et sans conditions. Le professeur Wilson lui-même, qui aurait dû savoir mieux après avoir vécu tant d’années aux Indes entouré de Brahmanes et de Pandits, ne laissa pas échapper une seule occasion de critiquer les Ecritures Hindoues sur ce sujet. Il s’écrie notamment :

 

« Les Pourânas enseignent constamment des doctrines incompatibles ! D’après ce passage, l’Etre Suprême n’est pas seulement la cause inerte de la création mais remplit les fonctions d’une providence active. Le commentateur cite un texte du Véda à l’appui de cette manière de voir : ‘L’Ame Universelle entrant dans les hommes, gouverne leur conduite’. Les incongruités sont d’ailleurs aussi fréquentes dans les Védas que dans les Pourânas.

  

 

 

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Moins fréquentes, en vérité, que dans la Bible mosaïque. Mais les préjugés sont grands dans les cœurs de nos Orientalistes, surtout dans ceux de nos érudits « révérends ». L’Ame Universelle n’est pas la Cause inerte de la Création, ou (Para) Brahman, mais simplement ce que nous appelons le Sixième Principe du Cosmos intellectuel sur le plan manifesté de l’être. C’est Mahat ou Mahâbouddhi, la Grande Ame, le véhicule de l’Esprit, la première réflexion primordiale de la Cause sans forme et ce qui est même au-delà de l’Esprit. Voilà pour l’attaque injustifiée du Professeur Wilson contre les Pourânas. Quant à l’appel, en apparence inconvenant, que les Dieux vaincus adressent à Vishnou, l’explication s’en trouverait dans le texte du Vishnou Pourâna si les Orientalistes voulaient y faire attention. La philosophie enseigne qu’il y a Vishnou en qualité de Brahmâ et Vishnou sous ses deux aspects. Il n’y a qu’un Brahman qui est « essentiellement Prakriti et l’Esprit… »

 

Cette ignorance est, en vérité, admirablement exprimée dans les louanges que les Yogins adressent à Brahmâ, le « soutien de la Terre », lorsqu’ils disent :

 

« Ceux qui n’ont pas pratiqué la dévotion se font une idée erronée de la nature du monde. Les ignorants qui ne comprennent pas que cet Univers est de la nature de la Sagesse et ne le jugent que comme un objet de perception, sont plongés dans l’océan de l’ignorance spirituelle. Mais ceux qui connaissent la vraie Sagesse et dont les intelligences sont pures, contemplent ce monde entier comme ne faisant qu’un avec la Connaissance Divine, comme ne faisant qu’un avec toi, ô Dieu ! Sois favorable, ô Esprit universel ».

  

 

 

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Par conséquent ce n’est pas Vishnou, « la cause inerte de la création », qui exerçait les fonctions d’une Providence active, mais l’Ame Universelle, ce qu’Eliphas Lévi appelle, sous son aspect matériel, la Lumière Astrale. Et cette « Ame » est, sous son double aspect d’Esprit et de Matière, le vrai Dieu anthropomorphique des Théistes ; car ce Dieu est une personnification de cet Agent Créateur Universel, à la fois pur et impur, du fait de l’état de sa manifestation et de sa différenciation dans ce Monde Mâyâvique – Dieu et Diable, en vérité. Mais le Professeur Wilson ne sut pas voir combien Vishnou, dans ce rôle, ressemble au Seigneur Dieu d’Israël, « surtout dans ses pratiques de tromperie, de tentation et de ruse ».

 

C’est indiqué aussi clairement que possible dans le Vishnou Pourâna, car il y est dit que : « A la fin de leurs prières (stora) les Dieux virent la divinité souveraine Hari (Vishnou), armée de la cuirasse, du bouclier et de la masse et chevauchant Garouda ».

 

Or, Garouda est le cycle manvantarique. Vishnou est donc la Divinité dans l’Espace et dans le Temps, le Dieu spécial des Vaishnavas. Les Dieux de ce genre sont appelés, dans la Philosophie Esotérique tribaux ou raciaux, c’est-à-dire qu’ils sont un des nombreux Dhyânis, ou Dieux, ou Elohim, dont l’un était ordinairement choisi, pour quelque raison spéciale, par une nation ou une tribu et devenait ainsi, peu à peu, un « Dieu au-dessus de tous les Dieux », le « Dieu très haut » comme Jéhovah, Osiris, Bel ou tout autre des Sept Régents.

 

« L’arbre est connu par ses fruits » ; la nature d’un Dieu par ses actions. Il nous faut juger ces actions, soit en prenant à la lettre les récits qui les décrivent, soit en les acceptant allégoriquement. Si nous comparons entre eux, Vishnou, en sa qualité de défenseur et de champion des dieux vaincus, et Jéhovah, en sa qualité de défenseur et de champion du peuple « élu », ainsi nommé, sans doute, par antiphrase, car c’étaient les Juifs qui avaient choisi ce Dieu « jaloux », nous constaterons que tous deux font appel à la tromperie et à la ruse. Ils agissent ainsi en vertu du principe que « la fin justifie les moyens », afin d’avoir raison de leurs adversaires et ennemis respectifs – les Démons. Ainsi, tandis que, selon les Cabalistes, Jéhovah prend la forme du Serpent tentateur dans le Jardin d’Eden, envoie Satan avec la mission spéciale de tenter Job, harcèle et lasse Pharaon avec Sarah, la femme d’Abraham et « endurcit » le cœur d’un autre Pharaon contre Moïse, afin de ne pas s’enlever l’occasion de frapper ses victimes « de grands fléaux », Vishnou est représenté dans son Pourâna comme ayant recours à une ruse non moins indigne d’un Dieu respectable.

 

Les Dieux vaincus s’adressent à Vishnou dans ces termes :

 

« Aie pitié de nous, ô Seigneur ! Protège-nous, qui sommes venus te demander du secours contre les Daityas (Démons). Ils se sont emparés des trois mondes et se sont appropriés les offrandes qui nous revenaient, en ayant soin de ne pas transgresser les préceptes du Véda. Bien que nous soyons, tout comme eux, des parties de toi… engagés (comme ils le sont)… dans les voies prescrites par l’écriture sainte…, il nous est impossible de les détruire. Toi don de la sagesse est sans bornes (Ameyâtman), indique-nous quelque artifice au moyen duquel nous puissions exterminer les ennemis des Dieux ! »

 

Lorsque le puissant Vishnou entendit leur demande, il fit jaillir de son corps une forme illusoire (Mâyâmoha, le « trompeur par illusion »), qu’il donna aux Dieux en leur disant : « Cette vision trompeuse [Mâyâmoha] trompera complètement les Daityas, de sorte qu’étant détournés de la voie des Védas, ils puissent être mis à mort… Allez donc et ne craignez rien. Que cette vision trompeuse vous précède. Elle vous servira grandement aujourd’hui, ô Dieux ! »

 

Après cela, cette grande illusion [Mâyâmoha] s’étant rendue (sur Terre), vit les Daityas adonnés à des pratiques ascétiques… et s’étant approchée d’eux sous la forme d’un Digambara (mendiant nu) à la tête rasée… Elle leur parla en ces termes, d’un ton doux : « Ah ! seigneurs de la race Daitya, pourquoi pratiquez-vous ces actes de pénitence ? » etc.

 

Finalement, les Daityas furent séduits par les paroles rusées de Mâyâmoha, comme Eve le fut par les conseils du Serpent. Ils renièrent les Védas. Le docteur Muir traduit ainsi ce passage :

 

« Le grand Trompeur, mettant l’illusion en pratique, trompa ensuite d’autres Daityas, au moyen d’hérésies d’un autre genre. En très peu de temps, ces Asouras (Daityas), abusés par le Trompeur (qui était Vishnou) abandonnèrent tout le système basé sur les ordonnances du triple Véda. Quelques-uns insultèrent les Védas ; d’autres les cérémonies du sacrifice et d’autres encore les Brahmanes. Ceci (s’écrièrent-ils) est une doctrine qui ne supportera pas la discussion ; le meurtre (des animaux pour le sacrifice) ne conduit pas au mérite religieux. Dire que des offrandes de beurre, consumées dans le feu, amènent une récompense future, n’est qu’une assertion enfantine… S’il était vrai qu’une bête égorgée en sacrifice fût transportée au Ciel, pourquoi le fidèle n’égorgerait-il pas son père ?… Les paroles infaillibles, Grands Asouras, ne tombent pas des cieux ; il n’y a que les assertions fondées sur le raisonnement qui soient acceptées par moi et par d’autres personnes intelligentes comme vous-mêmes ! C’est ainsi que, par des moyens divers, les Daityas furent bouleversés par le grand Trompeur (la Raison)… Lorsque les Daityas furent entrés sur la voie de l’erreur, les Divinités firent appel à toutes leurs forces et s’approchèrent pour combattre. Il s’ensuivit un combat entre les Dieux et les Asouras, et ces derniers, qui avaient abandonné le droit chemin, furent défaits par les premiers. Dans le passé, ils avaient été sauvegardés par la cuirasse de droiture qu’ils portaient, mais lorsque celle-ci eut été détruite, ils périrent aussi ».

    

 

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Quoi que l’on puisse penser des Hindous, aucun de leurs ennemis ne saurait les considérer comme des insensés. Un peuple dont les Saints et les Sages ont laissé au monde les philosophies les plus grandes et les plus sublimes qui aient jamais émané de l’esprit humain, doit avoir su la différence entre le bien et le mal. Un sauvage lui-même peut distinguer le blanc du noir, le bien du mal et l’illusion de la sincérité et de la véracité. Ceux qui ont raconté cet épisode dans la biographie de leur Dieu, doivent avoir compris que, dans ce cas, c’était ce Dieu-là qui était l’Archi-Trompeur et que c’étaient les Daityas qui « n’avaient jamais transgressé les préceptes des Védas » qui avaient le beau rôle dans l’affaire et qui étaient les vrais « Dieux ». Il doit donc y avoir eu et il y a, en effet, une signification secrète cachée sous cette allégorie. Dans aucune classe de la société, dans aucune nation, la tromperie et la ruse ne sont considérées comme des vertus divines, sauf peut-être dans les milieux cléricaux des Théologiens et du Jésuitisme modernes.

 

Le Vishnou Pourâna, comme tous les autres travaux de ce genre, tomba plus tard entre les mains des Brahmanes des temples et les vieux manuscrits ont sans doute été falsifiés par des sectaires. Mais il fut un temps où les Pourânas étaient des ouvrages ésotériques et ils le sont encore pour les Initiés qui peuvent les lire avec la clef qu’ils possèdent.

 

Quant à savoir si les Brahmanes Initiés donneront jamais la signification complète de ces allégories, c’est une question qui ne regarde pas l’auteur de cet ouvrage. Son but actuel est de démontrer que tout en honorant les pouvoirs créateurs, sous leurs formes multiples, aucun philosophe n’eût pu accepter, ni n’a jamais accepté, l’allégorie telle qu’elle est présentée, sauf, peut-être, quelques philosophes appartenant aux chrétiens actuels « supérieurs et civilisés ». Comme on l’a vu, en effet, Jéhovah n’est nullement supérieur à Vishnou sur le plan moral. C’est pourquoi les Occultistes, et même quelques Cabalistes, qu’ils considèrent ou non ces Forces créatrices comme des Entités vivantes et conscientes – et l’on ne voit pas pourquoi il n’en serait pas ainsi – ne confondront jamais la Cause avec l’Effet, ni ne prendront l’Esprit de la Terre pour Parabrahman ou Aïn Soph. En tout cas ils connaissent bien la vraie nature de ce qui était appelé par les Grecs le Père Ether, Jupiter-Titan, etc. Ils savent que l’âme de la Lumière Astrale est divine et que son Corps – les ondes de Lumière sur les plans inférieurs – est infernal. Cette Lumière est symbolisé dans le Zohar par la « Tête Magique », le Double Visage sur la Double Pyramide ; la Pyramide noire se dressant sur un sol d’une pure blancheur, avec une tête et une Face blanches dans l’intérieur de son noir triangle ; la Pyramide blanche renversée – reflet de la première dans les Eaux sombres – et laissant voir l’image noire de la Face blanche.

 

Telle est la Lumière Astrale, ou DEMON est DEUS INVERSUS.

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 18:41

Nidâna et Mâya : Les Grandes Causes de la Misère

 

Les Sept Chemins de Béatitude n’étaient pas (a). Les Grandes Causes de la Misère n’étaient pas, car il n’y avait personne pour les produire, et personne pour tomber dans leur piège (b).

   

a) Il y a « Sept Sentiers » ou « Voies » conduisant à la « Béatitude » de la Non-Existence, qui est l’Etre, l’Existence et la Conscience absolus. Ils n’étaient point, parce que l’Univers était jusqu’alors vide, et n’existait que dans la Pensée Divine.

  

 

 

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b) Car ce sont les douze Nidânas, ou Causes de l’Etre. Chacune est l’effet de la cause antécédente, et, à son tour, la cause de son successeur ; la somme totale des Nidânas est basé sur les Quatre Vérités, doctrine qui caractérise spécialement le système Hînayâna. Elles appartiennent à la théorie qui dit que tout subit le courant de la loi, loi inéluctable qui produit le mérite et le démérite, et finalement met Karma en pleine action. C’est un système basé sur la grande vérité qu’on doit redouter la réincarnation parce que l’existence dans ce monde n’apporte aux hommes que souffrance, misère et douleur ; la mort même étant incapable d’en délivrer les hommes, puisque la mort n’est qu’une porte par laquelle ils passent à une autre vie sur la terre, après un peu de repos sur son seuil, le Dévachan. Le Système Hînayâna, ou Ecole du Petit Véhicule, date de temps très anciens, tandis que le Mahâyâna, ou Ecole du Grand Véhicule, est d’une période plus récente ; il a commencé après la mort de Bouddha. Cependant, les doctrines de cette dernière école sont aussi vieilles que les montagnes qui ont été le siège de pareilles écoles depuis des temps immémoriaux, et, en réalité, l’Ecole Hînayâna et l’Ecole Mahâyâna enseignent toutes les deux la même doctrine. Yâna, ou Véhicule (sanscrit, Vahan) est une expression mystique, les deux « Véhicules » inculquent la doctrine que l’homme peut éviter les souffrances d’une renaissance, et même la fausse béatitude du Dévachan, en obtenant la Sagesse et la Connaissance qui, seules, peuvent dissiper les Fruits de l’Illusion et de l’Ignorance.

  

 

 

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Mâya, ou Illusion, est un élément qui entre dans toutes les choses finies, car tout ce qui existe n’a qu’une réalité relative et non absolue, puisque l’apparence, que le noumène caché revêt pour un observateur donné, dépend du pouvoir de discernement de ce dernier. Pour l’œil non exercé du sauvage, une peinture est d’abord une confusion dépourvue de sens, de lignes et de taches de couleurs, tandis qu’un œil cultivé y voit tout de suite un visage ou un paysage. Rien n’est permanent , à l’exception de l’unique Existence cachée et absolue qui contient elle-même les noumènes de toutes réalités. Les existences appartenant à chaque plan d’être, jusqu’aux Dhyân Chôchans les plus élevés, sont, comparativement, comme les ombres jetées par une lanterne magique sur un écran incolore. Néanmoins, toutes ces choses sont relativement réelles, car l’observateur est, lui aussi, une réflexion, et les choses perçues lui sont donc aussi réelles que lui-même. Pour savoir quelle réalité possèdent les choses, il faut les considérer avant ou après qu’elles ont passé comme un éclair à travers le monde matériel ; car nous ne pouvons pas en connaître directement, tant que nous possédons des instruments, des sens qui n’apportent à notre conscience que les éléments de l’existence matérielle. Sur quelque plan que notre conscience agisse, les choses qui appartiennent à ce plan sont, comme nous-même, pour le moment, nos seules réalités. Mais, à mesure que nous nous élevons sur l’échelle du développement, nous nous apercevons que, dans les étapes par lesquelles nous avons passé, nous avons pris des ombres pour des réalités, et que le progrès ascendant de l’Ego est une série d’éveils progressifs, chaque pas en avant apportant avec lui l’idée que maintenant nous avons, enfin, atteint la « réalité » ; mais ce n’est seulement que lorsque nous aurons atteint la Conscience absolue et fusionné la nôtre en elle, que nous serons délivrés des illusions produites par Mâya.

 

Les causes de l’Existence : Etre et Non-Etre

 

 

Les causes de l’Existence (a) avaient été éliminées. Le Visible qui avait été, et l’Invisible qui est, se reposaient dans le Non-Etre Eternel, Etre Unique (b).

  

a) « Les Causes de l’Existence » signifient non seulement les causes physiques connues de la Science, mais les causes métaphysiques, dont la principale est le désir d’exister, produit de Nidâna et de Mâya. Ce désir d’une vie sensible se montre en tout, de l’atome au soleil, et c’est une réflexion de la Pensée Divine projetée dans l’existence objective comme loi qui veut que l’Univers existe. Selon l’enseignement ésotérique, la cause réelle de ce désir supposé et de toute existence reste à jamais cachée, et ses premières émanations sont les abstractions les plus complètes que le mental puisse concevoir. Il nous faut postuler ces abstractions comme cause de cet Univers matériel qui se présente aux sens et à l’intelligence ; elles doivent nécessairement être sous-jacentes aux pouvoirs secondaires et subordonnés de la Nature, que la multitude de tous les âges a anthropomorphisés et adorés comme « Dieu » et « dieux ». Il est impossible de concevoir quoi que ce soit sans une cause ; essayer de le faire serait réduire le mental à zéro. C’est virtuellement l’état dans lequel le mental doit finalement se trouver lorsque nous essayons de remonter la chaîne des causes et des effets ; mais la Science et la Religion se jettent beaucoup plus vite dans cet état qu’il n’est nécessaire, car elles ignorent les abstractions métaphysiques qui sont les seules causes concevables des concrétisations physiques. Ces abstractions deviennent de plus en plus concrètes à mesure qu’elles s’approchent de notre plan d’existence, jusqu’à ce que, finalement, elles deviennent phénoménales, sous forme d’Univers matériel, par un procédé de conversion de métaphysique en physique analogue à celui par lequel la vapeur se condense en eau, et l’eau se congèle en glace.

  

 

 

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b) L’idée de « l’Eternel Non-Etre » qui est « l’Etre Unique » paraîtra un paradoxe à quiconque ne se rappelle pas que nous limitons nos idées d’Etre à notre conscience présente de l’Existence, en faisant un terme spécifique plutôt que générique. Un enfant non encore né, s’il pouvait penser, dans l’acceptation que nous donnons à ce mot, limiterait nécessairement de la même manière sa conception de l’Etre à la vie intra-utérine, - la seule qu’il connaisse, - et s’il cherchait à exprimer à sa conscience l’idée de la vie après la naissance (pour lui, la mort), il arriverait probablement, faute de données de bases et de facultés pour comprendre celles-ci, à exprimer cette vie comme le « Non-Etre qui est l’Etre Réel ». Dans notre cas, l’Etre Unique est le noumène de tous les noumènes que nous savons être sous-jacents à tous les phénomènes et leur donner le peu d’ombre de réalité qu’ils possèdent, mais pour lesquels nous manquons des sens et de l’intelligence nécessaires à leur connaissance. Les atomes impalpables d’or parsemés à travers la substance d’une tonne de quartz aurifiée sont peut-être imperceptibles à l’œil nu du mineur, cependant celui-ci sait que non seulement ils y sont, mais qu’eux seuls donnent à son quartz une valeur appréciable ; et cette relation entre l’or et le quartz ne peut que faiblement esquisser celle qui existe entre le noumène et le phénomène. Mais le mineur sait ce que sera l’or extrait, tandis que le mortel ordinaire ne peut avoir aucune conception de la réalité des choses séparée de la Mâya qui les voile et où elles sont cachées. L’Initié seul, riche de la science acquise par les nombreuses générations de ses devanciers, dirige « l’œil de Dangma » vers l’essence des choses sur lesquelles Mâya ne peut avoir d’influence. C’est ici que les enseignements de la Philosophie ésotérique, dans ses relations avec les Nidânas et les Quatre Vérités, deviennent d’une grande importance, mais ils sont secrets.

 

L’Absolu ne se connaît pas

 

Où était le Silence ? Où se trouvaient les oreilles pour le percevoir ? Non, il n’y avait si Silence ni Son (a) ; rien que le Souffle Eternel qui ne cesse jamais, ne se connaît pas lui-même (b).

  

a) L’idée que les choses peuvent cesser d’exister sans cesser d’être est fondamentale dans la psychologie de l’Orient. Sous cette contradiction apparente de termes, il y a un fait de la Nature, qu’il est plus important de saisir par le mental que d’en discuter les mots. Un exemple vulgaire d’un paradoxe semblable nous est donné dans une combinaison chimique. La question n’est pas encore résolue de savoir si l’hydrogène et l’oxygène cessent d’exister lorsqu’ils se combinent pour former l’eau : les uns disent que, puisqu’on les retrouve lorsque l’eau est décomposée, il faut qu’ils y aient été tout le temps ; d’autres prétendent que, puisqu’ils se transforment à ce moment en quelque chose entièrement différent, il faut qu’ils cessent d’exister, comme tels, pendant ce temps ; mais ni les uns ni les autres n’ont pu former la moindre conception de la condition actuelle d’une chose, qui est devenue autre, et qui, pourtant n’a pas cessé d’être elle-même. Pour l’oxygène et l’hydrogène, l’existence – comme eau – peut être appelée un état de Non-Etre, qui est un « Etre plus réel » que leur existence comme gaz, et cela peut faiblement symboliser la condition de l’Univers lorsqu’il s’endort, ou cesse d’être, durant les Nuits de Brahmâ, - pour se réveiller et réapparaître lorsque l’aurore du nouveau Manvantara le rappelle à ce que nous appelons l’existence.

 

 

b) Le « Souffle » de l’Existence Unique est une expression que l’Esotérisme Archaïque n’emploi qu’en ce qui concerne l’aspect spirituel de la Cosmogonie ; dans les autres cas, elle le remplace par son équivalent sur le plan matériel, le Mouvement. L’Elément Unique Eternel, ou Véhicule contenant l’élément, est l’Espace, l’espace qui est sans dimensions dans tous les sens : avec quoi coexistent la Durée sans Fin, la Matière Primordiale (et par conséquent indestructible), et le Mouvement, - le « Mouvement Perpétuel » Absolu, qui le « Souffle » de l’Elément « Unique ». Ce souffle, comme on l’a vu, ne peut jamais cesser, pas même pendant les Eternités Pralayiques.

  

 

 

Le mandala éternel

 

 

 

Mais le nom de « Souffle de l’Existence Unique » ne s’applique cependant pas à la Cause Une sans Cause, ou « Tout-Etreté », par opposition au « Tout-Etre », qui est Brahmâ ou l’Univers. Brahmâ, le dieu aux quatre faces, qui, après avoir tiré la Terre des eaux, « accomplit la création », - est tenu pour la Cause Instrumentale seulement, ce qui implique clairement qu’on ne le considère pas comme la Cause Idéale. Aucun Orientaliste, jusqu’ici, ne paraît pas avoir complètement compris le sens réel des versets qui traient de la « création » dans les Purânas.  

  

Brahmâ y est la cause des pouvoirs qui doivent être plus tard générés pour l’œuvre de la « création ». Par exemple, dans le Vishnu Purâna, cette partie de la traduction qui dit : « Et de lui procèdent les pouvoirs qui doivent être créés après qu’ils sont devenus la cause réelle », serait peut-être mieux rendue ainsi : « Et de cela procèdent les pouvoirs qui créeront en devenant la cause réelle (sur le plan matériel). » A l’exception de cette Cause Unique (sans Cause) et Idéale, il n’est pas de cause à laquelle on puisse rapporter l’Univers. « Cette cause est le plus parfait des ascètes, et c’est par son pouvoir (par le pouvoir de cette cause), que tout ce qui est créé se développe par la nature qui lui est propre ou inhérente. » Si, « dans le Védânta et le Nyâya, nimitta est la cause efficiente opposée à Upâdâna, la cause matérielle, et dans le Sânkhya, pradhâna implique les fonctions des deux réunies » ; dans la Philosophie Esotérique, qui réconcilie tous ces systèmes et dont la meilleure interprétation est le Védânta telle qu’il est expliqué par les Védântistes Advaïtistes, on ne peut faire de spéculations que sur l’oupâdâna. Ce que les Vaïshnavas (partisans du Visishthadvaïtisme) tiennent pour l’idéal, par opposition au réel, - ou Parabrahman et Ishvara, - ne peut trouver place dans aucune spéculation publiée, puisque cet idéal même est un terme trompeur lorsqu’il s’applique à ce qu’aucune raison humaine, pas même celle d’un Adepte ne peut concevoir.  

 

Se connaître soi-même nécessite que la conscience et la perception soient connues, et ces deux facultés sont limitées par rapport à n’importe quel sujet, sauf Parabrahman. C’est pourquoi l’on dit que « le Souffle Eternel ne se connaît pas ». L’Infini ne peut comprendre le Fini (et vice-versa). Le sans Bornes ne peut avoir de relations avec le Borné et le Conditionné. Dans la donnée Occulte, l’Inconnu et le Moteur Inconnaissable, ou le Soi-Existant c’est l’Essence Divine Absolue. Et du moment que c’est la Conscience Absolue et le Mouvement Absolu, - pour les sens limités de ceux qui essaient de décrire ce qui est indescriptible, - c’est l’inconscience et l’immuabilité. La conscience concrète ne peut être l’attribut de la conscience abstraite, pas plus que le mouillé n’est une qualité inhérente à l’eau, - l’humidité est son propre attribut et la cause de la qualité humide en d’autres choses. Conscience implique limitations et qualifications : quelque chose dont il y ait à être conscient, et quelqu’un pour en être conscient. Mais la Conscience Absolue contient celui qui connaît, la chose connue et la connaissance ; les trois choses sont à la fois en elle et ne font qu’un. Nul n’est conscient que de la partie de sa connaissance qui peut, à un moment donné, être rappelée à son mental ; mais le langage humain est si pauvre que nous n’avons pas de termes pour distinguer la connaissance que nous n’évoquons pas de celle que nous ne pourrions pas rappeler à la mémoire. Oublier est synonyme de ne passe souvenir. Combien plus difficile nous est-il, dès lors, de trouver des termes pour décrire et distinguer les faits métaphysiques abstraits, et leurs différences ! Il ne faut pas oublier, non plus, que nous nommons les choses selon les apparences qu’elles présentent pour nous. Nous appelons la Conscience Absolue « inconscience » parce qu’il nous semble qu’il doit en être nécessairement ainsi ; de même que nous appelons l’Absolu « Obscurité », parce que, à notre compréhension finie, cela semble absolument impénétrable ; mais nous reconnaissons pleinement que notre perception de ces choses ne leur rend pas justice. Nous distinguons involontairement dans notre mental, par exemple, entre la Conscience Absolue inconsciente, et l’Inconscience, en donnant secrètement à la première une certaine qualité indéterminée qui correspond, sur un plan plus élevé que celui que nos pensées peuvent atteindre avec ce que nous connaissons comme la conscience en nous-même. Mais ce n’est pas là un genre de conscience que nous puissions distinguer de ce qui nous apparaît comme inconscience.

 

L’Univers était encore caché dans la Pensée Divine

 

La « Pensée divine » n’implique pas l’idée d’un Penseur Divin. L’Univers, non seulement passé, présent et futur – idée humaine et finie, rendue par une pensée finie – mais l’univers total, le Sat (terme intraduisible), l’Etre Absolu avec le Passé et l’Avenir cristallisés dans un éternel Présent, voilà cette Pensée, réfléchie dans une cause secondaire ou manifestée. Brahman (neutre), comme le Mysterium Magnum de Paracelse, est un mystère absolu pour le mental humain. Brahmâ, le mâle-femelle, aspect et réflexion anthropomorphiques de Brahman est concevable aux perceptions de la foi aveugle quoique rejeté par l’intellect humain parvenu à sa majorité.

  

C’est pourquoi il est dit que pendant le prologue, pour ainsi dire, du drame de la création, ou le commencement de l’évolution cosmique, l’Univers, ou le « Fils », est encore caché « dans la Pensée Divine » qui n’avait pas encore pénétré le « Sein Divin ». Cette idée – qu’on le remarque bien – se trouve à la base et forme l’origine de toutes les allégories au sujet des « Fils de Dieu » nés de vierges immaculées.

  

 

 

Le souffle d'or

 

 

 

Les Transmigrations de l’Ego

 

Pour aider ceux qui n’ont pas lu, ou qui n’ont pas clairement compris dans les écrits théosophiques la doctrine des Chaînes septénaires de Mondes dans le Cosmos Solaire, nous allons donner ici un abrégé de l’enseignement.

  

1. Tout dans l’Univers métaphysique comme dans l’Univers physique, est septénaire. Par conséquent, chaque corps sidéral, chaque planète, visible ou invisible, est supposée avoir six Globes-compagnons. L’évolution de la vie se fait sur ces sept Globes, ou corps, du Premier au Septième, en sept Rondes ou Cycles.

 

 

 

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2. Ces Globes sont formés par un processus que les Occultistes appellent « la renaissance des Chaînes (ou Anneaux) Planétaires ». Lorsque la Septième ou dernière Ronde d’un de ces Anneaux a commencé, le Globe supérieur, ou premier, A, - et avec lui, tous les autres successivement, jusqu’au dernier, - au lieu d’entrer dans une période plus ou moins longue de repos – ou « observations », comme dans les Rondes précédentes, - commence à s’éteindre. La dissolution « planétaire » (Pralaya) s’approche, son heure a sonné ; chaque Globe doit transférer sa vie et son énergie à une autre planète.

  

 

 

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3. Notre Terre étant le représentant visible de ses globes-compagnons supérieurs et invisibles, ses « Seigneurs » ou « Principes », doit exister, comme les autres, durant sept Rondes. Pendant les trois premières, elle se forme et se consolide ; pendant la quatrième, s’installe et se durcit ; pendant les trois dernières, elle revient peu à peu à sa forme éthérique primitive ; elle est, pour ainsi dire, spiritualisée.

  

 

 

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4. Son Humanité ne se développe pleinement que dans sa Quatrième Ronde – la nôtre. Jusqu’à ce Quatrième Cycle de Vie, cette Humanité n’est ainsi appelée que faute d’un meilleur terme. De même que la larve devient chrysalide, puis papillon, l’Homme, ou plutôt ce qui devient plus tard l’Homme, passe à travers toutes les formes et toutes les règles pendant la Première Ronde, et à travers toutes les formes humaines pendant les deux Rondes suivantes. Arrivé sur notre Terre, au commencement de la Quatrième, dans la série actuelle de Races et de Cycles de Vie l’Homme est, pour ainsi dire, la première forme qui y apparaisse, puisqu’il n’est précédé que par les règnes minéral et végétal – et ce dernier doit d’ailleurs continuer à parachever son évolution par l’intermédiaire de l’homme. Pendant les trois Rondes à venir, l’Humanité, comme le Globe sur lequel elle vit, tendra sans cesse à reprendre sa forme primitive, celle d’une collectivité Dhyân Chôhanique. L’Homme, en effet, comme tout autre atome de l’Univers, tend à devenir un Dieu, et ensuite, - Dieu.

  

 

 

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5. Chaque Cycle de Vie sur le Globe D (notre Terre) se compose de sept Races-Racines. Elles commencent par l’éthéré et finissent par le spirituel, sur la double ligne de l’évolution physique et morale – du commencement de notre Ronde Terrestre à sa fin. L’une est une « Ronde Planétaire » allant du Globe A au Globe G, le septième ; l’autre, la « Ronde Globale » ou Terrestre.

 

 

 

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6. La Première Race-Racine, c’est-à-dire les premiers « Hommes » sur la Terre (quelle qu’en fût la forme) étaient les descendants des « Hommes Célestes » correctement nommés, dans la philosophie Indienne, les « Ancêtres Lunaires » ou Pitris, lesquels étaient composés de sept Classes ou Hiérarchies.

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 18:01

Les doctrines orphiques

 

Avant d’en venir à l’énumération et à l’analyse des principes sur quoi s’appuient les doctrines dites orphiques et les règles de vie qui en découlent, il faut s’arrêter quelque temps sur un détail d’où naît la fascination. Un détail qui comble l’Imaginaire.

   

Quand il eut été mis en pièces par les Ménades (les raisons de cet attentat seront plus loin explicitées), la tête d’Orphée demeura vive. En elle se condensa tout ce qui avait été lui. En elle perdura son ineffable savoir. Orphée continua à chanter. Nul ne parvint à tarir le flot de cette jubilation qui se répandait comme le vent tombé des étoiles. Orphée, dans le halo de sa douceur irréductible, fut porté par les vagues de l’Egée jusqu’à Lesbos. On lui consacra un sanctuaire où se rendaient des oracles.

 

Sans doute Dionysos, le dieu vénéré par les Thraces, parmi lesquels avait grandi Orphée, prônait-il un retour vers l’état originel. Et peut-être fallait-il passer par les transes bestiales, par la découverte des frémissements d’un horrible plaisir carnassier (plaisir de loup, de renard affamés), pour épuiser le désir humain de braver les interdits. Peut-être par la mania, conduisant à une folie exterminatrice, voulait-on apaiser en soi-même l’inextinguible soif, la curiosité liée au mal-faire (les bêtes sauvages en sont dépourvues). Peut-être Dionysos, du monstrueux dérèglement poussé jusqu’à ses extrêmes, voulait-il faire jaillir la Règle d’or, provoquer une coïncidence avec l’Un éternel, source de délices apaisées ?

 

Le « silence hébété » suivant le terrible vacarme que suscitaient les porteurs de thyrses, suivant le paroxysme aigu des musiques de flûtes (et l’oreille lésée provoquait un vertige), ce « silence hébété » pouvait-il engendrer un choc en retour, tout physiologique, une saturation par l’excessif, conduisant vers la délivrance, l’être étant enfin vidé des poisons qu’il recèle ?

 

Retrouver un « âge d’or » par la voie du monstrueux ? Le risque est trop grand d’une accoutumance au pire. D’une accoutumance à cette drogue qu’est le délire et à ses imageries fabuleuses. D’une telle proposition, Orphée évidemment se détourne. D’un tel exercice que pratiquèrent pendant des siècles les fidèles de ces « sectes » qu’étaient les thiases, et qui se perpétuaient au temps où Socrate s’escrimait en dialogues avec les sophistes, sous les platanes de l’agora d’Athènes.

 

Première affirmation et, d’entrée de jeu, scandaleuse : le corps est un tombeau. Du même coup se trouve renversée la relation des hommes avec leur propre vie. Du même coup on accède à une liberté de manœuvre insoupçonnable. Sortir du corps devient non un désastre, un deuil, une perte irréparable, mais la découverte que commencement et fin coïncident et sont indissociables. Cela jusqu’à ce que, se glissant d’une enveloppe corporelle dans une autre, l’âme, rassasiée d’un tel jeu trompeur, se délivre de son propre mouvement, de sa propre autorité. Et se reconnaisse pour ce qu’elle est : parcelle divine, molécule du grand Corps omniscient, parachevé mais créateur, en perpétuelle osmose avec ce qu’il suscite inlassablement.

 

Orphée devient conducteur de ceux que la Roue des réincarnations tient prisonniers. Il incante, il charme, il rassemble les mots précieux que psalmodient les magiciens d’Egypte et qui sont rassemblés dans le Livre des morts, lequel s’apparente à celui qu’utilise le rituel tibétain, guide des âmes ayant franchi les bornes de ce monde et se trouvant, dans le Bardo Thödol, en présence des plus redoutables forces.

 

 

 

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Les fidèles d’Orphée célébraient les mystères qu’il avait institués et qui fournissaient les indications nécessaires, les « mots de passe » devant désarmer Perséphone. D’après Hérodote (Enquête, 2, 123), « les Grecs ont appris ce savoir-faire des Egyptiens. Les Egyptiens furent les premiers à émettre l’affirmation que l’âme humaine est immortelle, mais qu’au moment où succombe le corps elle pénètre dans le corps de différents animaux. Lorsque l’âme a épuisé le cycle de toutes les créatures peuplant la terre, la mer et l’air, elle s’introduit à nouveau dans une apparence d’homme. » Les preuves irréfutables de ces conceptions qu’on croyait réservées aux philosophes et sages de l’Orient sont restées inscrites sur des feuilles d’or découvertes dans des tombes.

 

Apparaissent – parfois sous forme de dialogues – des fragments de poèmes, remontant au moins au Ve siècle avant J.-C. et certainement d’époque plus ancienne. La plupart des tombes se situent en Italie méridionale, lieu de prédilection du mouvement orphique (Pétélia, Thourioï). La Crète aussi (Eleutherna) apporte un témoignage parfois formulé dans des termes presque identiques.

 

Certaines des feuilles avaient été placées près de la main du mort, d’autres près de sa tête. Celle que l’on exhuma de la tombe de Pétélia avait été roulée dans un cylindre à porter en guise d’amulette. « L’utilité de ces feuilles s’explique nettement par leur contenu : le mort a là des extraits de textes sacrés qui lui disent comment il doit se conduire pendant son passage dans l’autre monde. On lui indique le chemin à prendre et les paroles à prononcer. »

 

Il s’agit de se concilier les divinités infernales en énonçant les raisons qu’elles doivent avoir – prières, conduite pure, foi en une métamorphose attendue et presque due – de bien accueillir l’émigrant venu de la terre.

 

« A gauche de la demeure d’Hadès, tu trouveras une source devant laquelle se dresse un cyprès blanc. De cette source ne t’approche absolument pas. Tu en trouveras une autre qui, elle, vient du lac de Mémoire. Prononce alors ces simples mots : « Je suis enfant de la Terre et du Ciel étoilé. »

 

Sur l’une des feuilles trouvées à Thourioï, la conclusion est celle de l’accès à un état glorieux, que le fidèle savait recéler en lui-même, un état de bonheur absolu :

 

« D’homme, te voilà devenu dieu. Chevreau, tu es tombé dans le lait… »

 

Mystérieuse redécouverte d’un primitif état d’accord, de plénitude, de simplicité oubliée : blancheur du lait si pur, nourriture de qui entre, par une naissance ultime, au sein de la Totalité. « Puisse Osiris t’accorder l’eau fraîche ! » spécifie une formule incluse dans le Livre des morts égyptien.

 

Tout orphique initié et pratiquant les rites qui menaient à la purification avait la certitude d’être tiré hors du cycle des renaissances. Choisir de perpétuer cet état, il n’en était plus question. Le mérite importait-il ? Sans doute n’était-il pas nécessaire d’atteindre à un état de sagesse absolue. La lucidité enfin obtenue tenait lieu de rémission et de passeport.

 

Comme le clame, dans son exultation, Empédocle d’Akragas, se voyant arrivé au terme : « Je vous dis que je suis devenu un dieu immortel, que je ne serai jamais plus un mortel ! »

 

Un des symboles orphiques est la Roue, dont le Bouddha en Inde, au temps même où se répandent en Grande Grèce les doctrines orphiques, dévoile le fonctionnement répétitif, monotone. Comment ne pas penser au mythe de Sisyphe, condamné à hisser au sommet d’une montagne un rocher qui lui échappe et que la pente fait dévaler aussitôt ? De vie en vie, les humains reproduisent leurs propres erreurs, font les mêmes choix ineptes, s’obstinent et s’arc-boutent contre l’évidence.

 

Avec la Roue – comme en contrepartie -, Orphée propose l’Echelle, par où patiemment s’élever et glisser vers l’immatériel. La doctrine de réincarnation, et la libération qui doit s’ensuivre, après la prise de conscience et les rites purificateurs, sont abondamment exposés chez les philosophes et les poètes des Ve et IVe siècles avant J.-C.

 

A la vérité, l’âme, de ses avatars successifs, finit-elle par se lasser ? Le jeu cosmique où elle se trouve incluse malgré elle – de son propre consentement aussi, ou consentement à demi puisqu’elle regimbe et se révolte – n’est pas à sa mesure. Elle, elle aspire aux délices de la paix et, pour Platon, à ces contrées superlativement bienheureuses où règnent les Idées. Si elle désire échapper aux tourments de l’Hadès, l’âme n’a d’autres alternative que l’expiation.

 

On a dit des orphiques qu’ils se sont complus, les premiers, à décrire avec un luxe de détails particulièrement cruels les châtiments qui échoient aux « damnés » (le christianisme ensuite a trouvé là de quoi susciter un effroi qu’il voulait salutaire). Sans doute est-il dit communément que la peur du gendarme est le commencement de la sagesse. La peur tout court engendre-t-elle le meilleur, puisqu’elle gêne le libre choix, qu’elle contraint et non convainc ?

  

 

 

Orphée1                                  La roue de la vie Samasara

 

 

 

Certes Orphée, auquel se référaient les adeptes de la doctrine issue de lui et appelée l’orphisme, ne s’est pas attardé dans de pareilles descriptions. Orphée a simplement donné des règles de vie. C’est elles qu’il convient d’énumérer. Ensuite les appliqueront ceux qui se disent orphiques et dont il faudra suivre la démarche marquée par un prosélytisme gagnant d’abord l’Athènes de Pisistrate, tyran éclairé, puis l’Athènes de Périklès.

 

Comment les mortels peuvent-ils être rendus responsables de fautes qui sont inhérentes à leur nature même ? C’est, répondent les orphiques, qu’ils portent le poids comme du crime de leurs dieux de leurs aïeux, étant nés des Titans qui ont dévoré l’enfant Dionysos.

 

Et comment Oreste peut-il être tenu pour responsable de son crime, lui qui a tué sa propre mère, puisque ce crime lui a été ordonné par Apollon ? se demande Eschyle. « Tu ne tueras point ! » avait ordonné la Bible. Mais ici, l’interdit s’étend à tout ce qui respire, à ce qui peut être accablé par la souffrance. Le « Tu ne tueras point » englobe les créatures peuplant la terre, mystérieusement diverses, d’une beauté souvent éblouissante, dont la proximité déconcerte et souvent effraie les humains, à savoir les bêtes sauvages. Et bien entendu les bêtes dites domestiques.

 

Dans ses Lois, Platon mentionne « ces communautés où l’on ne goûtait pas la chair des bœufs et où jamais les animaux n’étaient sur les autels sacrifiés ». Cette règle majeure contrastait fortement avec les diverses obligations sociales et morales édictées à l’âge archaïque et à l’époque classique. Il s’agissait là d’une conversion profonde, venue du cœur. D’une attitude remettant en cause la conduite à tenir dans toutes les circonstances. Orphée préconise déjà la « non-violence ».

 

Euripide, dans un fragment des Crétois, une tragédie perdue, fournit quelques détails précieux : « Portant un vêtement tout blanc, je m’écarte des naissances humaines, j’évite tout contact avec les cercueils renfermant des morts, et je me refuse à manger une nourriture qui a été vivante. »

 

Il semble que soient rassemblées là les recommandations essentielles. Ne pas manger de chair animale, c’est se défendre par là, au premier chef, d’une tentation d’anthropophagie toujours latente et qui fut dénoncée encore au siège de Potidée, après 432, Alcibiade et Socrate participant ensemble aux opérations militaires.

 

Pas de différence de nature entre tout ce qui vit. L’animal reste aussi intouchable qu’un jeune enfant dont la succulence pourrait éveiller – a déjà éveillé – des convoitises. D’autre part, le concept de la transmigration des âmes interdit de consommer ce qui fut sûrement un humain, à quelques années ou à des siècles de là. Thèse officielle justifiant la prohibition.

 

Disons encore que le prédateur, dont nous portons en nous les instincts (il suffit de considérer l’exaltation malsaine où l’exercice de la tuerie met les chasseurs, le plus souvent braves gens dans le quotidien, et devenus dangereux pour leurs semblables dont ils feraient, s’ils deviennent des gêneurs, bon marché), ce prédateur-là perdure, menaçant notre équilibre même. Manger de la chair réveille, attise chez l’homme ce qu’il n’a pas intérêt (la guerre, d’où vient-elle, sinon de là) à entretenir dans son économie physique toujours si trouble.

 

Les orphiques savourent les légumes, l’orge, le blé, les olives, le miel, les fruits, les baies, mais ils s’abstiennent de poissons et d’œufs. Du lait, de ce délectable manger que constitue pour un Grec le fromage de chèvre, il n’est nulle part question. Venu de l’animal et lié à la génération maudite, puisque sans fécondation et sans naissance, le lait n’existe pas – ce sont probablement des nourritures défendues. Quant à la laine, dont nul n’a le droit de se vêtir sans souillure, elle est aussi rejetée. Certes, elle appartient à la brebis, elle la couvre comme la chevelure (et la barbe pour les hommes) protège la tête des humains. Mais il est singulier (l’émanation même de la bête étant redoutable ?) que la brebis soit considérée comme lésée, puisque la tonte est pour elle un soulagement à l’époque de la canicule.

 

Quoi qu’il en soit, l’adepte est tenu de se vêtir uniquement de lin (ce lin venu de Colchide et d’Egypte, d’après Hérodote, et dont on fait les bandelettes enveloppant les morts). La couleur par excellence est le blanc pur. Couleur (ou plutôt absence de couleur, comme l’est la lumière) si chère aux Egyptiens. S’en vêtir demande, pour ne point se souiller, de continuelles précautions. Comment cultiver la terre, traire les chèvres, bâtir une maison et cheminer sur les routes dans cette tenue rituelle ?

 

Autre interdit rapporté par Euripide : ne s’approcher ni des femmes en couches ni des morts. Source de contamination. Mais qui alors, se demande-t-on, était autorisé à secourir parturientes et moribonds, éminemment en détresse les uns et les autres ?

 

Ici s’arrête la liste des prohibitions, si multiples et parfois si déconcertantes chez les pythagoriciens, continuateurs avérés des orphiques, et leurs contemporains. Des prières, des cérémonies d’initiation aux mystères orphiques, on ne connaît guère le contenu, sinon dans la mesure où ils s’apparentaient de fort près à ceux de Dionysos, au cours desquels était rappelée et sans doute minée « la passion » du dieu-enfant. Des tardifs Hymnes orphiques, on fera la présentation et l’analyse.

 

Revenant sur ce qui causa le plus de scandale en Grèce (et néanmoins Athènes accueillait, à cause de ses esclaves, nombre de cultes venus d’Asie Mineure, le plus souvent célébrés au Pirée), à savoir l’interdit concernant le sacrifice des bêtes, on peut en conclure que cet interdit fut cause de la mort d’Orphée.

 

De cette mort, plusieurs versions nous sont parvenues. La religion officielle, dont l’assise tenait toute aux offrandes (hécatombes de bœufs surtout, de brebis, de chèvres à Delphes particulièrement, dans les grandes circonstances, où le sang ruisselait), ne pouvait admettre telle abstinence. On festoyait ensuite longuement des chairs rôties sur place ou emportées dans les maisons. La fête remplissait son rôle double : honorer les dieux et remplir la panse des fidèles.

 

 

 

15pythagoras[1]                                      Orphée et Eurydice3

 

 

Orphée, quand Athènes n’avait encore ni métèques ni abondance d’esclaves, avait joué son rôle de réformateur, comme le fit en Perse Zarathushtra. D’où pouvait venir ce défi porté aux convoitises premières du corps ? De l’Inde où, à présent encore, depuis des millénaires, on pratique un religieux respect de toute créature vivante. De l’Inde, par l’entremise de peuples nomadisant sans cesse à travers le plateau d’Iran, par les caravanes suivant le cours de l’Euphrate qui se jette dans le golfe Persique qu’empruntent les navires indiens, ou suivant la route royale de Suse à Sardes, qui avait 2700 kilomètres de long et que parcouraient en sept jours les courriers du Grand Roi.

 

A propos de Dionysos, un rapprochement s’est déjà imposé avec le dieu Shiva, certains considérant que Dionysos a mêmes attributs et possiblement même origine indienne. Dans des contrées étrangères mais plus proches a eu lieu cette réforme voulue par Orphée, à savoir en Perse. Zarathushtra (le Zoroastre des Grecs, 660-583 avant J.-C.) dut affermir encore dans leur position intransigeante les orphiques.

 

Ce Zarathushtra, originaire du nord-est de l’Iran, naît dans une famille sacerdotale (ou princière). Prêtre et officiant, il sait par cœur les dix mille strophes que compte son « hymnaire ». Pris par cet « enthousiasmos » dont les Grecs sont coutumiers et qu’ils attribuent à Dionysos, il honore avec passion les divinités non anthropomorphes : le Ciel, le Soleil, la Lune, l’Eau, le Feu, les Vents et en premier lieu le Dieu ailé, Ahura Mazda, le Seigneur par excellence.

 

Considéré plus tard par les Grecs comme le « chef des mages », Zarathushtra en réalité s’oppose à ces derniers qu’il accuse de verser dans la sorcellerie. Il instaure un nouveau mode de célébration religieuse, les dieux étant en rivalité continuelle, deva et asura rappelant les combats entre dieux grecs et Titans, entre le Bien et le Mal. Sont par Zarathushtra exclus – grâce à l’appui d’un souverain nommé Vishtâspa que le réformateur convertit et qui le protège des persécutions nombreuses – tous les sacrifices sanglants traditionnellement en usage. Boucs, brebis, taureaux, chevaux et même jadis des victimes humaines, étaient immolés pour honorer les Invisibles.

 

 

 

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En place des scènes de boucherie rituelles, Zarathushtra prône les libations de lait, de beurre, l’offrande de grains jetés dans le feu qui est le purificateur par excellence. Enfin, il consomme le Haoma, tiré d’une plante dont le jus fermente, comme le font les dieux et qui est boisson d’immortalité.

 

Avec le souverain Vishtâspa, le prophète partage les drâonô, hosties rondes faites de pain azyme, et le vin consacré (un rapprochement s’impose, qui nous surprend, avec le rituel chrétien).

 

C’est à pareil commandements, inopportuns, qu’Orphée dut d’être mis en pièces par les Ménades. Parmi les versions de sa mort, beaucoup opinent en faveur d’une vengeance des femmes thraces qui accusaient Orphée de détourner d’elles leurs maris accourus pour recevoir l’enseignement et se laisser aller au bonheur d’une musique qui les rendait plus pacifiques donc plus heureux.

 

A propos d’Apollon, contrairement à Dionysos, et à beaucoup d’autres dieux, n’a jamais été célébré par des mystères. Pour Apollon, pour Phoïbos le Lumineux, nulle initiation n’est convenable. Il profère, par la bouche de ses élus, ce qui doit éclairer les hommes et les guérir.

 

En l’occurrence, qui fut victime d’une antinomie nécessaire entre le ténébreux Dionysos et l’Apollon solaire ? Qui s’aliéna Dionysos en proscrivant tout sacrifice animal, et à plus forte raison ces sauvages déchirements de bêtes vives que les Ménades, en état de possession, consommaient avec une avidité pour nous intolérable ?

 

L’instigateur du meurtre fut évidemment Dionysos. Orphée outrepassait ses droits. Les humains n’ont jamais à faire la leçon aux dieux. Dernières considérations que suggère la pauvreté des détails concernant le mode de vie orphique, par rapport à ce que surent développer, avec une profusion d’activités dans tous les domaines, les pythagoriciens, héritiers directs d’Orphée.

  

 

 

Master Universe by ANTIFAN REAL 

 

 

Pythagore a fondé sur la musique tout un système de découvertes progressives, concernant le monde, son approche étant à la fois scientifique et mystique. Il est étrange que nul n’incite les adeptes de l’orphisme à pratiquer l’art par excellence, l’art qui aide à une désincarnation, c’est-à-dire la musique. Le chant non plus n’est pas mentionné, le chant et son emprise, le chant incantatoire, que l’on retrouve dans certaines liturgies, la liturgie orthodoxe par exemple où chant et psalmodie tiennent une place prépondérante, et la liturgie de rite grec catholique, comme elle est encore d’usage à Saint-Julien-le-Pauvre, à Paris, dans la tradition de saint Jean Chrysostome (Bouche d’or, né vers 345 après J.-C.).

 

Pourtant on cite des noms, ceux de Grecs d’Occident tels que Zopyros d’Hérakléia, Orphée de Crotone, Orphée de Camarina, sans doute rhapsodes et célébrant les dieux et les mythes de la théogonie orphique.

 

Si l’on examine le vigoureux essor donné par Pythagore à ce centre d’expérimentations multiples qu’était son hétairie, l’adepte de l’orphisme apparaît comme défavorisé. En premier lieu, il n’est pas question d’un mouvement structuré, reposant sur une communauté régie par une discipline et des préceptes clairs. Chaque fidèle d’Orphée assumait seul, semble-t-il, la responsabilité de sa démarche et de sa vie intérieure. A coup sûr, la célébration des mystères était l’occasion de rencontres attisant la ferveur. Mais de la possibilité de discussions quotidiennes fructueuses, des retraites nécessaires au mûrissement lent de l’être, il n’est nulle part fait mention. Alors qu’ils sont la base même du mouvement créé par Pythagore.

 

C’est sur la musique que tout a reposé des découvertes faites, de manière tout empirique et avec une magnifique hardiesse dans les intuitions, par le maître de Crotone. Cela à l’aube d’une quête scientifique que déjà les « physiologues ioniens » avaient entreprise ou menaient à bien. La vie des membres permanents de l’hétairie (environ trois cents) était chaleureuse, les relations très fraternelles. Ceux qui venaient là du dehors pour s’instruire, dans quelque matière par eux choisie (géométrie, mathématiques, astronomie, médecine, physiologie, musicologie), s’en retournaient chaque soir. Des prières, des célébrations collectives, permettaient d’honorer Apollon, le dispensateur de la lumière et donc de toute vie.

 

 

 

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Fascinant personnage du maître, dont on ne se détache qu’à regret, et dont l’apport reste lié au Nombre, à l’Harmonie universelle et à l’Unité des structures se répétant à travers leurs manifestations multiples. L’examen des rapports musicaux entre la quarte, la quinte et l’octave permet à Pythagore d’établir la base des mathématiques. Mais avant toute chose, il soutient que la musique a le pouvoir de guérir les maux de l’âme. C’est donc bien à Orphée qu’il se réfère.

 

Comme tout mouvement novateur, réformateur, l’orphisme provoque réticences et scandale. Solon avait proclamé, au VIe siècle, la liberté d’association, donc de religion, à condition que ne fussent pas violées les lois de l’Etat. Or les fidèles d’Orphée les violent, comme les pythagoriciens, en stigmatisant les sacrifices sanglants. Parce que les exploits des héros guerriers, tant prisés par les générations successives, modèles pour la jeunesse grecque, ne leur inspirent que de la réprobation, on les tient pour des orgueilleux, capables d’ébranler les assises de la religion officielle. Le fait de ne pas participer aux rites en fait de dangereux hors-la-loi.

 

Pythagore payera cela d’un exil volontaire le sauvant d’une mort violente, puisqu’on incendia sa maison. Mais ses disciples vont essaimer à travers le monde grec et barbare, du VIe siècle au IVe siècle, et ceux qu’on appelle néo-pythagoriciens transmettront la parole du maître, reprise par les néo-platoniciens jusqu’au VIe siècle de notre ère, comme le fit Damaskios.

 

Quant aux orphiques, ils sont redevables au tyran Pisistrate et à celui qu’il chargea de rassembler les textes sacrés – cet Onomakritos convaincu ensuite d’être un faussaire – d’avoir pris une place active et quasiment officielle dans une société où la plupart les considéraient comme des puritains ou des attardés.

 

C’est au VIe siècle que le tyran Pisistrate, qui, après différentes péripéties tumultueuses, avait conquis le pouvoir une première fois en 560, devint tyran d’Athènes. Entre 561 et 528, il en fut chassé à deux reprises, gouverna dix-neuf ans et passa quatorze ans en exil. Il s’enrichit, à cette occasion, en Thrace où il exploite des mines d’or et recrute des mercenaires.

 

 

 

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Le personnage a une réputation qu’il ne mérite pas. Sans doute n’hésite-t-il pas à s’emparer de vive force de l’Acropole, avec sa garde de cinquante hommes armés de gourdins. Cette garde ayant été d’ailleurs obtenue grâce à une supercherie. A pareille usurpation, Solon s’oppose en vain (Solon meurt en 560). Mais Solon n’avait pu mettre véritablement en œuvre les célèbres réformes qu’il avait édictées. C’est Pisistrate, ayant tous les moyens de coercition que lui donne le pouvoir, qui va continuer l’œuvre en cours.

 

Le caractère du régime de Pisistrate demeure très modéré. Rien des exactions et de l’arbitraire qui s’attache pour nous à l’idée de tyrannie. Pisistrate vit modestement, mais il s’entoure de gardes et particulièrement d’archers de Thrace. Par précaution, il enlève quelques enfants aux familles de l’aristocratie, toujours suspectes, puisqu’il est lui, par principe, du côté des paysans. Il en fait des otages confiés à Lygdamis, tyran de Naxos.

 

Sous son gouvernement, l’Attique devient un pays de moyennes et petite propriété. Les oisifs rassemblés sur l’agora sont impérativement incités au retour à la terre. Il institue des juges itinérants, pour éviter aux paysans cette perte de temps que constitue un voyage à la ville (Périklès reprendra la même politique dans les dèmes, avec des tribunaux locaux).

 

Ce qui caractérise l’avènement de Pisistrate est la multiplicité de travaux judicieux : adduction d’eau, système d’égouts, entre autres. Par ailleurs les Pisistratides – à savoir Pisistrate et ses fils – manifestent un goût inattendu pour les arts et les lettres. Des architectes, des sculpteurs, des peintres, des musiciens sont conviés, par le pouvoir, à exercer leurs talents dans la cité. Ils viennent surtout d’Ionie, c’est-à-dire de la façade grecque située en Asie Mineure. Les monuments se multiplient à Athènes. L’Hécatompédon, ce temple à Athéna long de cent pieds, est remanié, et une frise y représente déjà la Procession des Panathénées. Dans la ville basse sont érigés des temples à Zeus, à Apollon, à Dionysos.

 

Naturellement les fêtes si chères aux Athéniens, parce qu’elles renouvellent l’alliance avec les dieux, prennent un éclat encore accru. Telles les Panathénées (instituées en 566) et les Dionysies qui, de champêtres originellement, se font urbaines, et deviennent les Grandes Dionysies. Les premières tragédies, encore sommaires, comme celles de Thespis d’Icaria, vainqueur au concours de 534, montrent des choreutes vêtus de peaux de boucs.

  

 

 

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Une extraordinaire fermentation des croyances remet en honneur des cultes anciens, des divinités rustiques que vénèrent les laboureurs, les vignerons. L’attachement se fait plus grand aux déesses d’Eleusis : Déméter et Koré, dès le VIIe siècle, qui est celui des colonisations intensives, rassemblent la foule des mystes. De telle sorte que Pisitrate doit faire agrandir au double la salle d’initiation, le télestèrion d’Eleusis.

 

C’est alors, c’est dans ces circonstances assez exceptionnelles, que l’orphisme, qui s’était déjà largement répandu en Grande Grèce, gagne l’Attique. Répandu là-bas parce que les Ioniens, fuyant l’invasion perse, avaient émigré vers le sud de l’Italie et la Sicile, emportant avec eux un foisonnement de croyances orientalisantes.

 

Pisistrate, bien que son goût et sa politique adroite le portent vers les cultes populaires, accueille volontiers tout chresmologue capable d’interpréter des oracles. Son fils Hipparque, qui lui succédera (et fut assassiné en 514, partageant le pouvoir avec son frère Hippias, lequel se réfugia en Perse en 510), s’était fort lié avec un certain Onomakritos, originaire d’Athènes, lequel avait rassemblé les prophéties de Musée, personnage « légendaire » dont le nom est souvent associé à celui d’Orphée.

  

 

 

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Certains des Pisistratides se trouvaient à Suse et tenaient à Xerxès les mêmes discours que les Aleuades, avec plus d’ardeur encore ; ils avaient avec eux un Athénien, Onomacrite, un chresmologue, qui avait recueilli les oracles de Musée. Ils s’étaient réconciliés avec cet Onomacrite qu’Hipparque, fils de Pisistrate, avait autrefois chassé d’Athènes parce que Lasos d’Hermionè l’avait surpris en train d’introduire un faux dans les oracles de Musée, une prophétie selon laquelle les îles proches de Lemnos allaient être englouties par la mer ; Hipparque l’avait alors chassé d’Athènes, en dépit de la grande amitié qui les unissait jusque-là. A cette époque, Onomacrite les avait accompagnés à Suse et, à chaque audience du roi, les Pisistratides le vantaient en termes emphatiques, et il récitait quelques oracles ; mais il passait sous silence tous ceux qui annonçaient un malheur aux Barbares, et il proclamait que l’Hellespont devait être enchaîné un jour par un Perse et annonçait toute l’expédition (Hérodote, Enquête, VII, 6). Il s’agit là de la seconde guerre médique.

 

Curieux personnage que cet Onomakritos. Il est chargé par Pisistrate, avec trois autres rédacteurs, de transcrire les poèmes d’Homère. Il semble bien que, dans ce travail, il se livre à des interpolations, qui expliquent certains disparates.

 

Il apparaît, sans contredit, qu’Onomakritos fut un des promoteurs du mouvement orphique. Sa manière d’opérer avec les textes anciens n’exclut pas que certains poèmes fussent, bien avant le VIe siècle, attribués à Orphée. Qu’en est-il au juste de ces Hymnes, dont la profusion d’épithètes et le flamboiement lyrique sont de la même veine que celle de Pindare ? Où Pindare, mieux informé que nous, puisa-t-il la très haute couleur de ses audacieuses célébrations ?

 

A la vérité, au VIe siècle, un esprit nouveau fut introduit dans la religion grecque par des hommes qui avaient choisi Orphée comme prophète. De ces hommes, aucun nom ne nous est parvenu. Mais les textes retouchés à coup sûr par Onomacrite leur servaient à donner son impulsion au culte instauré sous l’égide de Dionysos et sous celle d’Apollon.

  

 

 

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« Orphée a montré le flambeau des mystères indicibles ». Euripide, Rhésos, 943-944.

 

« Orphée nous montre les télété et nous apprit à nous abstenir du meurtre ». Aristophane, Grenouilles, 1032.

 

« Orphée a trouvé les mystères de Dionysos ». Apollodore, 1-2-3.

 

« Aussi les télété apportées par Dionysos ont-elles été appelées télété orphiques ». Diodore, II, 65-66.

 

« Orphée en vint à un haut degré de puissance, car il avait la réputation d’avoir trouvé les télété, les purifications des crimes commis, les guérisons des maladies et la conjuration du mécontentement des dieux ». Pausanias, IX, 30

 

Obscurité troublante de ces origines qui mettent le mouvement dans un porte-à-faux. Les seules références étant quelques interdits et deux dogmes majeur : celui de la réincarnation et celui de l’immortalité de l’âme.

 

Certains auteurs sont enclins à considérer le mouvement orphique comme une sorte d’Eglise ou une secte comparable à celle des pythagoriciens. Il est pourtant peu probable que l’orphisme se soit constitué en Eglise ou en une organisation secrète semblable aux religions à mystères. Ce qui le caractérise – mouvement à la fois populaire et séduisant les élites, comportant des initiations et disposant de livres – le rapproche plutôt du tantrisme indien et du néotaoïsme.

 

Quoi qu’il en soit, l’influence d’Orphée fut unique et ne cessa de ressurgir à travers la pensée grecque, durant l’époque hellénistique, et même au-delà des premiers siècles de notre ère, à travers les néopythagoriciens et les néoplatoniciens.

 

Comment fonder une opinion sur les écrits qui nous restent, quand on les sait fruit de manipulations certes ferventes, mais manipulations tout de même ? S’y mêlent des éléments extrêmement archaïques et des sédiments peu à peu ajoutés.

 

Sont-ils aussi tardifs qu’on le dit ? Certains d’entre eux semblent en effet porter trace d’influences romaines ou même de croyances chrétiennes, mais il est non moins évident qu’ils comportent parfois des mots, des expressions, voire un style archaïques. On trouve fréquemment dans ces hymnes des épithètes propres à Homère ou à Hésiode.

 

A travers les œuvres nombreuses où les poètes de la Grèce et les philosophes ont fait allusion soit aux croyances que professaient les orphiques, soit à Orphée lui-même, il sera possible de prendre la mesure de l’émotion durable, des harmoniques, que suscitèrent les enseignements, à la fois simples et subtils, de celui qui se portait garant, chez toute créature, de la présence d’un même souffle divin. S’imposent, dans tout leur éclat, quelques témoignages comme ceux de Pythagore, d’Anaximandre, de Parménide, d’Empédocle, d’Anaxagore, de Pindare, d’Eschyle, de Platon, et même du conseiller secret de Périklès, le musicien Damon d’Oa. A nous de mesurer la profondeur, plus ou moins grande, de leur engagement.

 

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 17:32

Orphée l’enchanteur

 

Introduction et Initiation aux Mystères

 

 

 

Pourquoi aujourd’hui Orphée ? Et de quel Orphée s’agit-il ? Le personnage est protéiforme, fuyant, mystérieux. Est-ce un mythe, une légende ? A-t-il jamais vécu ailleurs que dans l’imaginaire des hommes ? Pourtant il est toujours parmi eux, toujours nouveau, présent partout. Il ne disparaît que pour reparaître là où on ne l’attendait pas.

 

Quel est, en vérité, cet enchanteur qui, à travers les siècles, hante poètes et artistes, que rencontre un jour ou l’autre, sur son parcours, tout être en quête de sens, tout amoureux de la sagesse, ce qui, en grec, se dit « philosophe » ? Afin de connaître, de reconnaître, Orphée et de comprendre ce que pour nous il peut encore signifier, il faut remonter, sinon aux origines qui finalement nous échappent dans une brumeuse Thrace intemporelle, du moins aussi haut que possible, dans la Grèce du VIe siècle avant J.-C. où il était célébré depuis longtemps.

    

 

Michel Martin Drolling - Orphée et Eurydice[1]

 

 

Orphée y apparaît comme le poète par excellence, le poète au sens premier du mot : « qui fait », « qui crée ». Il est l’inventeur de la poésie, mais aussi de la musique. Celle-ci est la voix de la nature, la confuse rumeur des éléments, le bruit du vent et des ruisseaux ; celle-ci est surtout le chant des oiseaux qu’Orphée élabore et humaine, mais que les bêtes écoutent, fascinées, et au son de laquelle les arbres se meuvent. Celle-là, humaine à coup sûr, n’en est pas moins, pour le chantre inspiré, don divin, Verbe créateur, moyen de communiquer avec l’invisible, mais aussi de transmettre aux hommes les directives des dieux.

 

 

Orphée est le héros qui descend aux Enfers, afin d’arracher aux ombres leur secret, celui de notre mort, de notre éventuelle survie. En remontant, il devient l’initiateur, le « fondateur des mystères », chargé d’apprendre aux hommes que la vie elle-même est sacrée et qu’en tant que telle elle est promesse d’immortalité.

 

La révélation orphique de la véritable destinée de l’homme, créature de lumière et de boue, de cendre et de foudre, qui peut choisir entre l’une et l’autre, cette révélation qui, de siècle en siècle, résonne, sommes-nous capables de l’entendre encore ? Dans l’actuel désarroi, Orphée, en qui les premiers chrétiens voyaient un précurseur, n’ouvre-t-il pas une voie possible ? C’est à chacun, confronté avec ce qui n’est pas seulement une émouvante histoire, mais un enseignement profond, qu’il appartient de répondre.

 

 

Portrait d’Orphée

 

 

C’est par la bouche d’un autre poète, qui lui aussi périt de mort violente, que retentit pour nous, à travers les siècles, le nom d’Orphée, auréolé des prestiges d’un mythe dont la fascination demeure entière.

 

 

La présence du chantre aux pouvoirs magiques, qui accompagna les Argonautes dans leur quête de la Toison d’or, et fut célèbre, croit-on, bien avant Homère, ne devient manifeste que grâce à une allusion d’Ibykos de Rhégion, poète grec vivant au VIe siècle. Alors résonne une épithète inattendue : Orphée au nom fameux.

  

Fameux pour les Grecs, certes. Mais comment, mais pourquoi ?

   

Né à Rhégion, en Grande Grèce, Ibykos séjourne longtemps à la cour du tyran Polycrate de Samos, ayant renoncé à se mêler dans sa patrie aux affaires publiques, pour trouver aide et protection auprès de celui qui accueille également Anacréon de Téos. Au cours d’un voyage à Corinthe, il est surpris par des malfaiteurs qui le dépouillent et le font périr. Passe à ce moment précis dans le ciel un vol de grues que le poète prend à témoin. Et ces mêmes grues, quelques jours plus tard, se mettent à tournoyer de façon menaçante, en pleine cité, au-dessus des assassins, de telle sorte que la panique, provoquée en eux par la peur du châtiment, les fait s’écrier : « Ah, les voilà que viennent venger Ibykos ! » S’étant par là trahis, ils sont appréhendés et avouent aussitôt leur forfait.

 

 

 

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Ainsi donc, par l’intervention d’oiseaux qu’avaient suscités les Immortels (les oiseaux, chez les Grecs, étant porteurs de messages, d’indications majeures), Ibykos de Rhégion eut accès à la mémoire universelle et y fît entrer celui qui miroitait dans les lointains, avec l’envergure qu’on connaît.

 

 

Car d’Orphée, personnage unique, parmi les trésors qu’amoncela l’héritage grec, on a toujours cru, on a toujours su qu’il était à la fois chantre inspiré par les dieux, musicien, poète, mage, devin, guérisseur et enfin « fondateur de mystères ».

  

N’est-ce pas trop attribuer à ce héros ayant pour pairs Héraclès et Jason entre autres, dans l’expédition de la Toison d’or ?

   

Mais d’abord exista-t-il réellement ? En douter serait faire insulte à ce qu’il instaura au moment où allaient émerger toutes les potentialités d’une civilisation dont nous restons intimement tributaires. Orphée n’est pas de ceux qu’un désir collectif tire du néant et façonne. Orphée, largement mis à contribution par les générations qui ont suivi, et plus ou moins altéré quant à son essence primitive, Orphée est pour l’âme grecque le miroir le plus pur où elle puisse se voir et se reconnaître. Orphée a vécu. Orphée vit à jamais.

   

Bien entendu, sa naissance ne peut être ordinaire. Fut-il fils de roi (comme le Bouddha), ou celui d’un certain Oeagre, assimilé à un fleuve thrace, vraisemblablement propriétaire de troupeaux, chasseur de lynx et d’ours ? Fut-il proprement fils d’Apollon et de la muse Calliope ? Nul ne le saura jamais, mais l’énigme ajoute à l’étrangeté du personnage. Enraciné comme nous, par son corps, dans le matériau, il a reçu l’apanage des Immortels : une profusion de pouvoirs et la légèreté lumineuse qu’infusent les sèves divines.

   

Pindare (Pyth., IV, 177) l’évoque comme « le joueur de phorminx, père des incantations mélodieuses », et Eschyle reconnaît qu’il « charme la nature entière » (Agamemnon, 1830). Mais auparavant la littérature grecque devait abonder en allusions, aujourd’hui perdues, au fameux voyage des Argonautes, et c’est à ce propos qu’Orphée figure, jouant de la lyre sur le navire qui a mis le cap vers la Colchide où le dragon veille sur la Toison. Tel il apparaît sur une métope du VIe siècle appartenant au trésor des Sycioniens à Delphes, et tel le dévoile au Ve siècle une Nekya du peintre Polygnote, visite aux Enfers, ou plus exactement évocation de l’Hadès, exécutée pour les habitants de Cnide qui avaient édifié un trésor à Delphes. De la main droite (tandis que de la main gauche il serre contre lui sa lyre) il tend une branche de saule, peut-être le « rameau d’or » qui lui a permis de descendre vivant aux Enfers, non pour y revenir chargé des enseignements nécessaires aux fidèles qu’il initie.

   

Dans le même temps – c’est-à-dire au Ve siècle -, Hérodote d’Halicarnasse faisait allusion (Enquête, II, 81) aux « cultes orphiques et dionysiaques, qui sont en fait d’origine égyptienne ».

   

Ce qui demeure pour nous singulier, c’est que la céramique grecque le montre toujours, quoique d’origine thrace, en costume grec, même au milieu de guerriers thraces qu’il gratifie d’une musique visiblement capable de les charmer, voire de les envoûter, comme il le fait pour les oiseaux et les bêtes fauves.

   

C’est en Thrace qu’il fut mis en pièces par les Ménades. La pièce perdue d’Eschyle, Les Bassarides, le montrait gravissant à chaque aube le mont Pangée, pour y adorer Apollon qui se révèle à lui sous la forme du soleil. Ce fut pour cette raison et pour d’autres que Dionysos, vénéré par les Thraces, résolut sa perte. L’Enchanteur, tel un bouvillon ou un faon, fut démantelé vif par une troupe de femmes en délire, ne faisant qu’exécuter la sentence divine. Les membres d’Orphée (comme ceux de l’Osiris égyptien) furent dispersés et sa tête, jetée dans le fleuve Ebros, dériva jusqu’à l’île de Lesbos. On dit qu’elle ne cessa de chanter, portée par les vagues, qui tant de fois avaient obéi aux puissantes injonctions de celui qui apaisait les tempêtes. Recueillie sur la grève, elle fut vénérée dans un sanctuaire où l’on rendait des oracles.

   

Orphée apparaît pour la première fois comme accomplissant un périple où il s’agit autant de l’or du Phasis que d’une quête spirituelle. Avec Jason et les Argonautes, il a vogué vers ce mystérieux, ce redoutable Pont-Euxin où, un peu plus tard, se multiplieront les comptoirs de Milet, mais où présentement abondent les dragons, les chimères, les nuées d’oiseaux marins aux clameurs suraiguës, les Sirènes dont les voix sont maléfiques (au contraire de celle d’Orphée), parmi les nuées lourdes et les vents furieux. L’arrière-pays, au-delà des rivages déserts, recèle des steppes sans fin, parcourues au galop par des cavaliers montés sur de petits chevaux hirsutes, et décochant, avec une sûreté redoutable, leurs volées de flèches.

 

 

 

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Orphée, qu’avait-il à faire avec cette poignée d’arrogants faiseurs d’exploits, qui sont tenus – et se tiennent – pour des héros, comme Amphion, les Dioscures, Héraclès, Pélée, Thésée, Méléagre ?

   

On a enchâssé dans le navire Argô (le Rapide) un morceau du chêne prophétique de Dodone. Néanmoins l’embarcation ne parvient à quitter la rade d’Iolkos, où elle demeure mystérieusement immobile, que grâce aux savantes incantations mélodiques d’Orphée, devenu par là le guide et le protecteur des compagnons de Jason. Ces derniers avaient tenu à embarquer avec eux l’homme couronné de fleurs, qui n’était rien moins que guerrier, mais que le Centaure Chiron avait désigné comme seul capable de les tirer des périls, et en particulier de lutter d’égal à égal, vocalise contre vocalise, avec les Sirènes.

   

Judicieux conseil du précepteur d’Achille, puisque Orphée parvint à apaiser une tempête qui eût englouti l’Argô, qu’il immobilisa les Symplégades, ces Roches Errantes, toujours prêtes à se refermer sur les navigateurs, à l’entrée du Bosphore, rendit sans effet les clameurs mélodieuses des Sirènes et, une fois atteinte la Colchide, parvint à endormir le dragon qui veillait sur la Toison d’or.

   

Dès le début, le personnage d’Orphée recèle une ambivalence qui le caractérise, à savoir qu’il se réclame à la fois d’Apollon et de Dionysos.

   

Sans doute ces dieux, aux rôles apparemment antinomiques, étaient-ils les seuls dieux de l’Olympe dont le culte comportât des extases, voire des possessions. Mais ces mêmes possessions avaient un caractère absolument opposé. Sauvages et sanguinaires dans la transgression des interdits, en ce qui concerne Dionysos ; hantées par des clartés vertigineuses, par le dépouillement toujours abrupt qu’exige la connaissance pure, en ce qui concerne Apollon.

   

De toute manière, ce fut le rôle que choisit Orphée de se tenir sur l’un et l’autre versant, à ses risques et périls. Voilà donc une première approche de celui qui commande aux éléments et charme les hommes, les bêtes et les plantes. D’une émouvante toute-puissance, parce qu’elle n’aspire qu’à la paix.

   

En vérité, ils durent être abondants les commentaires faits à son sujet, les célébrations poétiques, entre cette aube du monde grec sur lequel se profile, comme un soleil, sa stature de poète inspiré, et l’époque précédant de peu le siècle où brilla Périklès et où l’on retrouve enfin les traces d’Orphée. L’étrange est que de ces témoignages, à coup sûr troublés, troublants, il ne soit rien resté. Comme si le message, si pur, s’était lui-même résorbé. Comme s’il suffisait que cela vibre encore dans les mémoires. Comme s’il importait que les mémoires seules assurent la croissance d’un mythe et de ses secrets. Et alors tardivement se multiplient les allusions, les commentaires.

 

 

 

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Il apparaît d’abord qu’aux yeux de tous Orphée fut un poète. La poésie est pour lui beaucoup plus qu’un flux lyrique. Elle est saisie du réel par le martèlement des mots apparentés aux sons et les doublant. Orphée connaît les pouvoirs de la vibration, et sa poésie encercle, enserre, illumine un fragment de l’espace où toutes choses se meuvent, y compris les dieux. Le mot, le son juste du mot, des mots assemblés, est possiblement, pour qui en connaît le maniement, verbe créateur. Mots et sons fusionnent et forment une nappe magnétique, chargée d’une efficacité qui n’a pas de limites. Les sages rishis qui méditent dans l’Himalaya, les mages de la Perse, les adeptes de la Mésopotamie, les prêtres d’Egypte, demeurent par le son et le mot incantatoire en relation directe avec les structures de l’univers.

   

Orphée n’est certes pas un poète attaché aux seules délectations verbales. Il manie l’arme de combat contre les forces destructrices que recèle le cosmos : tous les corps célestes, étoiles et planètes, comme les atomes dont notre enveloppe matérielle se compose, du fait de leur mouvement, de leur rythme, émettent une note particulière. C’est ce que découvre, quelques siècle plus tard, Pythagore de Samos, héritier direct du Maître des mots, du Maître des sons.

 

En bref la magie des mots éclatant dans l’espace ressemble au choc de deux silex : l’étincelle en jaillit. Ainsi des innombrables voix des cigales dont Orphée reçut l’enseignement et la révélation. Car au creuset de leur immobilité, les cigales, avec une monotonie violente, ne cessent de forger leur propre fluidité, leur propre délivrance. A travers ce cadencement sec, régulier, cette fuite sur place, un phonème rêche, boiseux, un mot de passe répété. Doit-on entendre « Thalassa », origine de toute vie ? Parfois le son file, le mot chavire dans l’infini. Empruntée à l’arbre sur lequel la cigale est posée la sève du mot se fait lumière.

   

Indubitablement (comment ne pas songer aux mantras tibétains qui ne possèdent en soi aucun pouvoir propre et ne sont qu’un moyen de concentrer des forces déjà prêtes à agir ?), Orphée connaît le maniement des mots et des vibrations par eux déclenchées.

   

Il convient d’appeler hors de l’ombre des hypogées le savant Ibis égyptien, le dieu Thot que les Grecs nommèrent Hermès Trismégiste, c’est-à-dire Thot, « trois fois grand ». Lui aussi, archiviste des dieux, qui inventa les sciences (arithmétique, arpentage, géométrie, astronomie, divination, magie, médecine, musique, dessin, écriture), connaissait la puissance incommensurable de la voix et du son. Il en usait avec art et une efficience redoutée.

   

Parce qu’il est poète, Orphée est musicien. Ses incantations sont essentiellement musicales, et sans doute empruntées à la magie égyptienne, Isis étant reconnue comme la plus puissante des divinités en fait de sortilèges.

   

Nul ne peut affirmer qu’Orphée reçut des Egyptiens l’essentiel de son savoir. Mais quel Grec ne se sent tributaire de l’Egypte, de Pythagore à Démocrite, d’Héraclite à Hérodote ? Quoi qu’il en soit, il psalmodie et s’adresse aux dieux dans leur langue même, celle des orbes invisibles que décrivent les planètes, la musique habitant le vide sans laisser nulle trace de son passage.

   

Sa voix, tantôt rauque et tantôt suraiguë, nous l’imaginons bien. Sa voix, lorsque suave, ressemblait à celle des oiseaux dont les célébrations accompagnent les saisons de l’homme. Voyons-le assis à la proue du vaisseau, défiant les périls à venir, pendant que les oiseaux marins créent une houle de leurs ailes halliers, des futaies d’où sortent pas à pas genettes et renards, chevreuils et loups, obéissant à cette curiosité pleine de trouble qui saisit les bêtes sauvages devant une apparition inexplicable. Il chante pour elles, Orphée le poète. Il les convie, ces créatures libres, à la joie. Il les remercie d’être plus belles, plus proches des perfections divines que la plupart des humains.

   

De la musique en soi, comment tirer une définition puisque aussitôt née elle s’efface, qu’elle efface tout ce qui l’englobe, plus vraie et plus réelle dans son impalpabilité, dans son absence totale de contour, que le lieu où elle danse comme une flamme. « La sagesse antique des Grecs est liée à la musique. Le plus musicien et le plus sage d’entre les dieux était Apollon, et parmi les demi-dieux Orphée. »

   

Comment apparut-elle, sinon grâce à l’enchantement dès l’origine suscité par les mélodies des oiseaux ? Inventions savantes, subtiles improvisations, ou phrasés spécifiques et nets de l’espèce, sans une retouche, se transmet de siècle en siècle. Une fauvette Orphée, depuis l’époque d’Homère, trace exactement la même géométrie dans l’espace, à l’aide d’un aigu, d’un impérieux exposé mélodique. Qu’a-t-elle à dire, sinon l’excellence de l’instant emporté dans le courant qu’elle crée et qui l’emporte aussi ?

 

L’oiseau est source de la musique qui est liée au temps et illustre sa fuite. L’oiseau est source de la musique qui apaise et guérit, ce que Pythagore comprit et fit mettre en pratique. Simplicité de la cure, parachevant ce que l’interprétation des songes, et donc du plus obscur chez un patient, peut révéler.

   

 

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La voix d’Orphée a même perfection inaltérable, même sûreté que celle des oiseaux. Obliquant vers l’aigu, vers le grave, elle visite du monde tous les étages.

   

Détentrice du rythme de la vie, porteuse du souffle, la voix est semblable au vent : la voix comme le vent gémit et exulte. La voix, tout comme le vent qui siffle dans les mâtures des voiliers, entre Thasos et Lesbos, et crée des inflexions harmonieuses ou stridentes (n’est-ce pas là le chant même des Sirènes ?), la voix est appel avant d’être réponse. Et si ses modulations différent du chant initial, du chant des oiseaux, c’est qu’elle porte le message des mots. Elle double son pouvoir de celui d’un sens. Tout comme la musique exalte en dilatant le dedans et le dehors, la voix magnifie quelque chose qui n’existe pas, qui n’existe plus, qui existera. La voix démesure. La voix est promesse de survie. Elle évoque, elle provoque l’immortalité.

   

Surgissent de ce fait les prérogatives qui font d’un chantre et d’un musicien – d’un joueur de cithare ou de lyre célébrant les hauts faits des hommes et le monde des dieux – un être capable d’affronter le plus grand des périls, à savoir l’entrée dans les Enfers, dans l’Hadès, et d’en rapporter les secrets dont il fera usage pour conduire les vivants vers la destinée heureuse qu’ils auront méritée.

   

Orphée accomplit là les rites d’une quête qui est proprement celle d’un « chaman ». Tous ses attributs relèvent d’un domaine très archaïque et contrastent de manière étonnante avec la spiritualité du VIe et du Ve siècle, même quand il s’agit des Mystères.

   

Faut-il, pour mieux saisir ce disparate, mettre en valeur le fait qu’Orphée approcha des personnages fabuleux, comme Abaris et Aristéas, tous deux détenteurs de pouvoirs, et accoutumés à la transe, aux extases ? N’omettons pas les liens qui rattachaient Orphée à Apollon, venu sans doute, avec l’invasion dorienne, du pays des Hyperboréens où il retournait pendant trois mois, en hiver. Le pays des Hyperboréens ne désigne-t-il pas un au-delà de Borée, ce vent du nord redouté, un au-delà des vastes étendues que recouvrent la glace et la neige ? C’est le pays des Bienheureux, hors de toute atteinte, et plein d’étrangetés.

   

Dans ces contrées nordiques, des hommes doués de facultés supranormales prophétisent, guérissent les malades, voire ressuscitent les morts et se déplacent invisiblement à travers l’espace. Ils circulent sans difficulté entre les trois zones : l’Enfer, la Terre et le Ciel. Souvent ils se servent d’esprits auxiliaires qui ont pris la forme d’un animal, et grâce auquel ils sont en relation directe avec l’Au-Delà (d’où cette connivence constante entre Orphée et les bêtes sauvages). Bien entendu, au cours des transes qui les dépossèdent de leurs contraignantes limites humaines, ils comprennent le langage de la nature entière.

   

Le chant incantatoire est leur outil, leur truchement. A travers ces chants, ils imitent les cris des fauves, le brame des cerfs et surtout les vocalises des oiseaux. Nul chez eux ne peut prédire l’avenir s’il n’est capable de saisir le message d’un courlis, d’une grue, d’une sterne, d’une hirondelle.

   

Les oiseaux sont souvent réceptacles des âmes des morts ou de personnages divins. En premier lieu, les oiseaux sont capables de guider les défunts vers leur future demeure. Devenir un oiseau ou être accompagné par un oiseau permet, dès ici-bas, à l’officiant d’entreprendre le périple dangereux qui le fera sortir des sphères terrestres. L’initiation peut être secondée par l’apparition de rêves instructeurs. Mais toujours a lieu l’envol magique, du haut d’une échelle à sept échelons (l’échelle étant un symbole orphique, et le chiffre sept représentant le dieu Apollon).

   

C’est donc du nord, pays des Hyperboréens, que ces hommes doués de pouvoirs redoutables parviennent jusqu’en Grèce. Abaris porte une flèche d’or sur laquelle il vole. Il écarte les fléaux de toutes sortes, prédit les tremblements de terre (la flèche est en honneur dans les rites de vol magique, chez les Scythes. Apollon est le dieu-archer). Quant à Aristéas de Proconnèse, il lui est loisible d’apparaître simultanément dans des lieux éloignés, et il accompagne Apollon sous l’apparence d’un corbeau. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que ces prophètes se réclament d’Apollon, citharède, archer et devin.

   

Doit-on attribuer à Orphée – comme à tout prêtre-chaman – l’usage de drogues magiques et particulièrement du chanvre, si prisé par les Scythes ? Les probabilités sont grandes, surtout si l’on songe qu’Orphée utilisait des charmes et des sortilèges, servant non point à la malfaisance mais à l’apaisement, à la guérison. Il fallait bien que, par l’extase, il touche aux limites de l’être et même les franchisse pour revenir chargé du poids des connaissances.

 

Doit-on comprendre que c’est par la voix, par le déferlement, par la perdition haute de l’extase que l’homme peut découvrir le rôle qui lui échoit dans le monde ?

   

Un dieu-renard thrace ? Tel le voient certains commentateurs. Car c’est d’une peau de renard que se couvraient les Bacchantes de Thrace. De toute évidence, Orphée trouve dans de complexes origines l’enracinement de son personnage. Malgré un comportement, si rare en Grèce, de modération exemplaire, il force le destin pour descendre avec intrépidité dans l’Hadès, confiant dans la sollicitude amusée des Invisibles à l’égard de ceux qui se voudraient divins.

   

Reste à délimiter la part qu’eut Orphée dans l’établissement des mystères. On peut à son propos évoquer Zalmoxis, lui aussi fondateur de mystères, divinité ou héros vénéré par les Gètes, peuple de Thrace, qui se proclamaient immortels.

   

 

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Selon Euripide (Rhésos, 943), « Orphée a montré les initiations les plus sacrées ». S’agirait-il des mystères d’Eleusis, premiers en date de ceux qu’Athènes célébra officiellement ? « Orphée aurait apporté d’Egypte la plupart des télétés mystiques et les cérémonies célébrées en orgiase concernant son propre voyage, et le récit mythique de ce qui a lieu chez Hadès », rapporte Diodore de Sicile (I,96).

   

Néanmoins, il importe de ne pas oublier que la « religion d’Eleusis demeura fondamentalement différente de celle d’Orphée. […] L’orphisme était une façon de vivre imposant une règle ascétique qui devait se faire sentir dans la vie de chaque jour. Eleusis n’avait pas de pareilles prétentions : ce culte ne comportait pas de morale et n’imposait pas de règle de vie. Son idée de base se rapproche de la magie : livrez-vous aux rites voulus, contemplez ce qu’il faut voir, et dites les paroles nécessaires, la protection des puissantes déesses vous sera assurée, entraînant avec elle la certitude d’une vie bienheureuse après la mort. »

   

Orphée – et c’est à ce titre que sa mémoire traverse les siècles – ne se contente pas de guérir et de prophétiser, de maîtriser les éléments et les puissances maléfiques, de tenir sous l’emprise de ses musiques divines les bêtes et les hommes. Il conçoit et répand des préceptes moraux, des rituels de purification, grâce à quoi tout fidèle est assurée de n’être pas, après la mort, jeté dans les ténèbres ou le feu de l’Hadès.

   

Au reste, les courants mystiques de son époque contenaient des éléments d’origines diverses, thraces et phrygiens, égyptiens, indo-iraniens, et il apparaît très nettement qu’il fît des emprunts à toutes ces antiques traditions religieuses.

 

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